Association médicale canadienne

Personne ne peut prétendre que le système de santé canadien fonctionne bien.

Les budgets actuels ne sont pas viables. Les modèles de soins en place ne sont pas adaptés à notre mode de vie ni à nos besoins.

Il nous faut plus d’argent, mais aussi des dépenses plus judicieuses et des investissements dans de nouveaux modèles de soins.

« Si nous ne changeons pas le modèle de prestation des soins, je ne vois pas comment nous pourrons progresser. » – Stephen McNeil, panéliste du Sommet de l’AMC sur la santé

L’importance d’harmoniser le financement aux changements systémiques a été l’une des principales conclusions du premier événement du Sommet sur la santé |Hors-série : choix audacieux pour les soins de santé, organisé par l’Association médicale canadienne (AMC). On y a assisté à une discussion franche avec Christy Clark, ancienne première ministre de la Colombie-Britannique, Stephen McNeil, ancien premier ministre de la Nouvelle-Écosse, ainsi que Chantal Hébert, chroniqueuse politique.

Le Dr Alika Lafontaine, président de l’AMC, a animé la séance de deux heures, qui a rassemblé plus de 350 personnes et suscité plus de 150 questions et commentaires.

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La vidéo montre en tout temps quatre intervenants. À partir d’en haut à gauche, on peut voir, dans le sens horaire, le Dr Alika Lafontaine, animateur et président de l’AMC, Christy Clark, ancienne première ministre de la Colombie-Britannique, Chantal Hébert, chroniqueuse politique, et Stephen McNeil, ancien premier ministre de la Nouvelle-Écosse.

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L’image d’ouverture est une diapositive sur laquelle est inscrit « Sommet sur la santé Hors-série : choix audacieux pour les soins de santé ». Il y a aussi l’image d’un jeune médecin.

Stephen McNeil

Si on n’a pas une conversation au Canada sur l’accès aux soins primaires, rien ne va changer. Même si on investit beaucoup plus dans le système de santé, rien ne va changer pour le mieux.

L’image suivante est une diapositive affichant les noms de l’animateur et des trois panélistes.

Dr Alika Lafontaine

Nous parlons souvent de financement, et la question de la transparence et de l’imputabilité pour les patients et les praticiens – et même les gouvernements –, lorsqu’il s’agit des services de soins de santé. Est-ce que c’est le bon problème auquel s’attaquer?

Christy Clark

Oui, c’est un problème. Qui dépense sur la santé? Le fédéral et les provinces? Le fédéral a dit aux premiers ministres provinciaux et territoriaux, il n’y a pas si longtemps : « Vous prenez notre argent et vous investissez dans les augmentations salariales des infirmières et des médecins. » Et c’est ça qu’a fait l’Alberta, d’ailleurs. Et les provinces disent au fédéral : « Non, vous devriez payer 50 % des soins! Vous ne donnez pas les soins, donc ne contestez pas notre façon de dépenser. » Chaque province a des besoins différents, comme l’Alberta, qui était en situation de plein emploi à l’époque.

Chantal Hébert

Du point de vue des patients – et par « patients » je veux dire « électeurs » –, la question la plus importante ne serait pas la transparence et l’imputabilité : ça serait un accès rapide. Personne ne se soucie vraiment de qui dépense les fonds. Tout ce que les Canadiens veulent, c’est d’avoir accès aux soins au bon moment.

Stephen McNeil

La transparence n’est pas quelque chose dont les électeurs me parlaient. La priorité pour les électeurs n’était pas une question de transparence. Il faut changer le modèle, et comme ça on va pouvoir décider par la suite combien on va payer aux gens dans le système. J’espère qu’on pourrait avoir une conversation sur l’accès aux soins, suivie d’une conversation sur où aller chercher les professionnels.

Dr Alika Lafontaine

Est-ce qu’on devrait déconnecter la réforme de la santé des gouvernements, parce que chaque progrès est détruit par les élections tous les quatre ans?  

Stephen McNeil

Ça serait génial si on pouvait le faire, mais tous les quatre ans, les premiers ministres doivent se faire réélire; c’est un fait.

Christy Clark

Nous n’allons jamais voir la réforme dont on a besoin dans le système de santé si on s’en remet aux gens qui travaillent selon un cycle de quatre ans. Ces gens-là ne sont pas, finalement, en mesure d’apporter les grands changements dont on a besoin.

Chantal Hébert

Je suis d’accord. Les pratiques exemplaires doivent commencer au niveau local et régional. Ça ne peut pas être une approche descendante. Mais ça me rappelle qu’on me paye pour vivre dans le vrai monde, et dans le vrai monde, les gouvernements ne vont pas céder l’organisation du système de soins de santé à des acteurs non politiques.

Dr Alika Lafontaine

Est-ce que vous pensez qu’on peut parler plus de valeur plutôt que de réduction des coûts?

Christy Clark

On peut avoir différents incitatifs. Par exemple, nous avons fait une expérience en Colombie-Britannique dans les salles d’urgence, où on augmentait le budget des salles d’urgence dans un hôpital si des solutions de changements que les gens qui travaillaient là avaient créées et mises en application eux-mêmes entraînaient moins de coûts. Alors, ils pouvaient garder l’argent qu’ils avaient sauvé pour d’autres choses. Ce que nous avons trouvé, c’est que les professionnels dans des zones spécifiques d’un hôpital savent exactement où ils peuvent épargner. Ils travaillent dans un système qui ne réagit pas, ils font des suggestions et jamais rien ne se passe – presque jamais. En donnant aux professionnels eux-mêmes la capacité de changer les choses et en leur donnant des incitatifs, non pas personnellement, mais à leur département, ça a engendré beaucoup de changements positifs, par exemple pour les temps d’attente, l’expérience des patients, toute une gamme de choses a changé d’un point de vue mesures. 

Stephen McNeil

Je pense que l’idée de Christy est bonne. On aurait dû savoir que vous étiez en train de faire ça, mais votre concept est très intéressant, celui que vous venez de mentionner, parce que ça permet aux gens qui sont là – les professionnels qui sont là, et qui sont responsables des budgets et des procédures – de ne pas avoir peur d’innover, parce qu’ils garderont cet argent.

Dr Alika Lafontaine

Souvent, on entend que les médecins et les infirmières veulent changer de modèle de livraison, avoir des modèles de collaboration, avec plus de professionnels. Quand des conversations sont tenues par les gouvernements, pour être plus inclusifs, quels sont les autres travailleurs de la santé qui devraient faire partie de ces équipes-là qu’on n’est peut-être pas en train d’inclure dans ces conversations?

Christy Clark

Les ambulanciers. C’est ce qu’on fait à Ottawa, par exemple. On a un modèle là-bas où ils font des soins de santé pour les personnes âgées chez elles. Alors, on pourrait inclure les ambulanciers; les pompiers aussi, qui font des fois des soins d’urgence.

Chantal Hébert

Les pharmaciens, peut-être en premier. On l’a vu pendant la pandémie : le nombre de choses qu’on peut faire avec son pharmacien… beaucoup plus qu’il y a 10 ans – c’est incomparable. On pourrait régler beaucoup de problèmes en impliquant les pharmaciens. Je peux aller me faire vacciner, je n’ai plus besoin d’aller voir un médecin pour me faire vacciner.

Stephen McNeil

Maintenant, les aînés peuvent aller voir un pharmacien pour regarder la liste de médicaments que la personne âgée prend. Les travailleurs sociaux doivent être impliqués également. Ils doivent aider les gens avec les circonstances dans lesquelles ils se trouvent. Une des mesures d’appui qu’on pourrait peut-être mettre en œuvre pour aider les familles de façon précoce : on devrait permettre à toutes les professions de pratiquer selon leurs compétences, selon leur formation, et ça doit inclure également les travailleurs sociaux.

Dr Alika Lafontaine

C’est une bonne discussion. Ces sessions sont frustrantes, parce qu’on veut passer à l’acte. Alors qu’est-ce que nous pouvons faire? Comment est-ce qu’on peut entamer le changement?

Chantal Hébert

Pour les membres individuels qui écoutent ce webinaire, vous avez un petit peu de marge de manœuvre. Vous pouvez apporter les changements à votre propre niveau, malgré la bureaucratie ou même dans la main avec la bureaucratie. Faire preuve de créativité n’est pas interdit par la loi ni par le gouvernement fédéral. Deuxièmement, allez chercher un appui dans votre domaine pour forcer le gouvernement à se rendre compte de la dégradation du système de santé. C’est ça que vous devez faire. C’est la meilleure chose que vous puissiez faire pour vos patients, mais vous devez le faire ensemble.

Christy Clark

Le problème, c’est que les Canadiens semblent penser que si on n’a pas le même système qu’on a aujourd’hui, qui est loin d’être parfait, qu’on va avoir un système américain, et ce n’est pas vrai du tout. Parler de cela publiquement pourrait, finalement, créer des possibilités pour les changements au niveau politique.

Stephen McNeil

Si les associations parlaient avec une seule voix, vous allez être une voix puissante pour les patients, et c’est ça l’élément le plus important. Personne ne croit aux politiciens. On peut donc parler de la transformation, mais si les organismes comme le vôtre ne disent pas la même chose, ne prônent pas la même idée, ça va être très difficile à mettre en œuvre. Donc, mon appel à l’action, ça serait de vous encourager à renforcer vos relations avec les associations provinciales et ensuite élaborer une nouvelle idée sur le modèle.

Dr Alika Lafontaine

Merci d’avoir participé à cette conversation très stimulante. Merci à Christy Clark, Chantal Hébert et Stephen McNeil d’avoir participé à cette conversation fort intéressante. Merci beaucoup.

Maintenant, on va passer à la prochaine partie de notre webinaire. Je vais demander, donc, à Katharine Smart et Toni Leamon de se joindre à moi maintenant. Qu’est-ce qui ressort de la conversation pour vous?

Toni Leamon

Premièrement, l’imputabilité, la reddition de comptes. Lors de cette conversation, on a parlé de la reddition de comptes au niveau provincial, au niveau fédéral, mais la reddition de comptes doit avoir lieu à tous les niveaux. Nous sommes tous redevables envers les patients. Quand on habilite, quand on responsabilise les patients, les interventions peuvent être finalement améliorées, adaptées aux besoins.

Katharine Smart

Où existe cette imputabilité dans notre système? Nous ne regardons pas les résultats dans notre système. Il n’y a personne qui est responsable pour les résultats. On n’est pas en train d’encourager les gens à donner des résultats positifs pour les gens. Sans ça, je ne vois pas comment on peut avoir des changements positifs. Aussi, ce dont Christy a parlé au sujet du budget, je pense que ce qui empêche souvent l’innovation, c’est d’avoir le statu quo quant à la façon dont les choses sont faites. Je suis entièrement d’accord, mais on sait que ce n’est pas comme ça que les budgets fonctionnent; on sait très bien que si vous ne dépensez pas l’argent dans le budget de l’année prochaine, vous ne l’aurez pas l’année prochaine. Alors, il y a des changements bureaucratiques que l’on devrait faire maintenant pour motiver les gens. Dire : « Bon, si je veux être récompensé pour ce changement, j’ai des idées, je vais faire des changements pour mes patients, je vais avoir plus d’accès aux ressources, et ça va être bien. » L’important, c’est d’avoir la bonne conversation sur les bonnes affaires au bon moment. Et ça, c’est beaucoup plus important que l’argent, tout simplement.

Les trois panélistes ont déploré l’absence de progrès dans la réforme de la santé depuis plus de deux décennies, malgré des dizaines d’études, de rapports et de commissions provenant de différents ordres de gouvernement.

Ils ont reconnu que notre régime d’assurance maladie désuet a désespérément besoin d’une refonte, qui ne peut être réalisée que par la collaboration et l’innovation ainsi que par la mobilisation des personnes qui travaillent dans le secteur de la santé et de celles qui sont censées en bénéficier.

« Changer le système de santé au Canada entraînera de profonds bouleversements et nécessitera que les gouvernements fédéral et provinciaux collaborent. » – Christy Clark, panéliste du Sommet de l’AMC sur la santé

Les panélistes ont débattu d’autres moyens de promouvoir la transformation des soins :

Donner au personnel de la santé et à la patientèle la capacité d’influer sur les résultats en matière de santé

Personne ne connaît mieux le système que les professionnels et professionnelles de la santé et les patients et patientes. Ils et elles doivent jouer un rôle plus important dans les décisions relatives à l’utilisation des fonds destinés aux soins de santé. Christy Clark a parlé d’un programme mis en place dans un hôpital de la Colombie-Britannique qui incitait le personnel du service des urgences à créer et à mettre en œuvre des changements susceptibles de réduire les coûts. En retour, le service pouvait conserver et réinvestir les économies réalisées.

Faire preuve de courage politique

Le caractère implacable d’un cycle électoral de quatre ans fait qu’il est difficile de changer les choses en santé. Les trois panélistes ont parlé de politiciens et politiciennes (dont Mme Clark et M. McNeil) qui regrettaient de ne pas avoir fait des choix plus audacieux.

Ils s’accordent à dire que le public doit soutenir davantage les dirigeants et dirigeantes qui tiennent des conversations réfléchies sur notre avenir. Les panélistes ont donné des exemples de pratiques à éviter et d’autres qui méritent d’être adoptées, notamment certains modèles efficaces de pays européens.

Innover à partir de la base 

Les professionnels et professionnelles de la santé ont besoin de fonds et de liberté pour « sortir des sentiers battus » lorsqu’ils doivent résoudre des problèmes au sein de leurs communautés respectives. Les connaissances ainsi acquises peuvent ensuite être transmises à l’ensemble des réseaux de santé. L’innovation se propage naturellement.

« Les pratiques exemplaires doivent être mises en place à l’échelle locale ou régionale et s’étendre de province en province. Elles ne peuvent pas être imposées par “le haut”. » – Chantal Hébert, panéliste du Sommet de l’AMC sur la santé

Faire tomber les barrières entre les professions

Tous les professionnels et professionnelles de la santé doivent être pris en compte dans la conception des futurs modèles de prestation des soins. La collaboration dans l’ensemble du secteur – entre médecins et pharmaciens et pharmaciennes, entre personnel ambulancier et personnel infirmier praticien – peut contribuer à créer un système de santé plus durable et à soulager une bonne part des pressions qui pèsent sur les effectifs.

« Les soins en collaboration englobent les équipes de soins de santé. Quand les gouvernements prendront-ils davantage en considération toutes les professions de la santé – pas seulement les médecins et les infirmiers et infirmières – qui peuvent faire partie de la solution? » – Personne participante au Sommet sur la santé

On a également reconnu que des discussions honnêtes doivent avoir lieu au sujet de la prestation des soins de santé dans les secteurs privé et public. On a souligné le recours inapproprié à certains soins de santé ainsi que la réalité entourant le vieillissement de la population, qui exigera des soins en milieu hospitalier, mais aussi dans la communauté.

La Dre Katharine Smart, présidente sortante de l’AMC, et Toni Leamon, membre du groupe Voix des patients à l’AMC, ont conclu la soirée en appelant à passer d’un système axé sur la maladie à un système axé sur la promotion de la santé.


La prochaine séance du Sommet sur la santé | Hors-série : choix audacieux pour les soins de santé aura lieu le 8 décembre 2022. Il y sera question d’un enjeu au cœur de tout système de santé efficace et efficient : la prestation des soins aux patients et patientes.

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