Association médicale canadienne

Le printemps amène généralement son lot de petites joies, comme celles de profiter plus longtemps de la lumière naturelle, de voir fleurir les arbres ou de retrouver le temps doux. Cette année, la levée de la presque totalité des mesures sanitaires s’ajoutera à cette liste, et pour plusieurs, cela signifie que la pandémie est bel et bien derrière nous.

Or, les travailleurs de la santé ne peuvent en dire autant. Certes, les hauts taux de vaccination de la population ainsi qu’une certaine immunité collective sont rassurants, mais ce qui nous guette à présent est peut-être encore plus grave que le nombre d’hospitalisations. L’épuisement des professionnels de la santé n’est pas seulement inquiétant, il entraînera des conséquences sur les années à venir.

Une situation à prendre au sérieux

Les données préliminaires du tout dernier Sondage national sur la santé des médecins, mené par l’Association médicale canadienne en novembre dernier, brossent un portrait alarmant de l’état de santé des médecins. Plus de la moitié des médecins et apprenants en médecine (53 %) vivent un niveau d’épuisement élevé, alors qu’ils étaient 30 % en 2017. Mais la statistique la plus préoccupante est, à mon sens, celle indiquant que 46 % des médecins au pays considèrent sérieusement réduire leurs heures de pratique en raison de leur épuisement.

Alors que le gouvernement du Québec travaille actuellement sur son projet de loi 11, dont le but est d’augmenter l’offre de services de première ligne par les médecins omnipraticiens, espérons que nos élus reconnaitront la détresse de nos médecins et que les différentes initiatives gouvernementales seront conçues en fonction de ces données. Autrement, on ne fait que fermer les yeux et ignorer un problème qu’on traine depuis déjà trop longtemps. La « refondation du réseau » dont le gouvernement parle doit tenir compte de ces chiffres troublants et de la réalité sur le terrain.

Une transformation du système plus que nécessaire

La pandémie aura révélé au grand jour les failles de notre système de santé. Il ne tenait déjà que par un fil et le choc de la pandémie l’a poussé au bord de l’effondrement. C’est cet effondrement que les gouvernements ont voulu à tout prix éviter, et c’est pour cela que nous avons dû nous serrer les coudes pour éviter un afflux massif de patients gravement malades vers nos hôpitaux.

À la lumière des deux dernières années, il est encore plus évident que le système ne fonctionne pas. D’ailleurs, le 9 mars dernier, plus de 40 organisations de travailleurs de la santé se sont réunies à nouveau et ont notamment appelé à un changement radical dans la façon dont sont organisés les soins. Ajoutez une crise des ressources humaines et un épuisement généralisé à un système défaillant, et vous verrez que nous n’avons plus le luxe d’attendre.

Le statu quo n’est plus une option. Nous devons absolument trouver des solutions aux problèmes existants — et futurs — du réseau, faute de quoi nous allons collectivement perdre.

 

Dr Abdo Shabah

Membre du Conseil d’administration et porte-parole de l’Association médicale canadienne

Cette lettre ouverte a initialement été publiée dans Le Soleil


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