Association médicale canadienne

Les choses ont bien changé pour les femmes depuis le temps d’Irma Levasseur, première Canadienne française à devenir médecin. Interdite d’instruction au Québec en raison de son sexe, elle obtient son doctorat en médecine en 1900 après des études aux États-Unis. Son droit de pratique au Québec, lui, ne sera reconnu qu’en 1903, non sans peine.

La Dre Levasseur consacre alors sa carrière à la médecine pour enfants, s’alliant entre autres à Justine Lacoste-Beaubien pour fonder le premier hôpital francophone pour enfants de Montréal, l’hôpital Sainte-Justine, véritable institution reconnue mondialement pour l’excellence de ses soins. La Dre Levasseur fait partie de ces pionnières qui ont pavé la voie pour des générations de femmes médecins au Québec. Pour cela, nous lui devons collectivement beaucoup, car lorsqu’une femme devient médecin, c’est toute la société qui y gagne.

Une avancée remarquable

Si la pratique de la médecine nous était interdite au début du siècle dernier, les femmes sont aujourd’hui plus nombreuses que les hommes à exercer la médecine au Québec. Un rattrapage historique qui doit être souligné! D’ailleurs, la médecine est l’un des seuls secteurs traditionnellement masculins où l’on peut affirmer sans gêne qu’un plafond de verre a été brisé au Québec.

Au fil des ans, de nombreuses études ont démontré les qualités uniques des femmes médecins qui ont tendance à être de meilleures communicatrices et à mieux travailler en équipe. Ultimement, ces qualités peuvent avoir un effet positif chez les patients, surtout lorsque ce sont des femmes. En effet, une étude menée à la Faculté de médecine Temerty de l’Université de Toronto, et récemment publiée dans le JAMA Surgery, a examiné les résultats de plus de 1,3 million de patients ayant subis une chirurgie. Elle a révélé que les patientes étaient 32 % moins susceptibles de mourir et 16 % moins susceptibles de souffrir de complications si l’opération était pratiquée par une chirurgienne plutôt que par un chirurgien.

Encore du travail à faire

Cette féminisation de la profession a des implications plus grandes que le simple fait d’être une jolie statistique. Le gouvernement doit absolument en tenir compte dans un plan éventuel de réorganisation des soins.

Pensons par exemple au projet de loi 11, qui vise notamment à augmenter l’offre de services de première ligne par les omnipraticiennes. J’ai opté pour le féminin ici, car près de 70 % des médecins de famille de moins de 60 ans sont des femmes. Malgré les avancées des dernières années dans les domaines professionnel et personnel, il n’en demeure pas moins que ce sont encore généralement les femmes qui prennent en charge la cellule familiale, sans compter le temps d’arrêt professionnel qu’une grossesse ou un nouveau-né demandent. Il importe donc pour le gouvernement d’être prudent dans son approche pour améliorer la prise en charge de patients par les omnipraticiennes, car celles-ci risquent peut-être d’accepter une pénalité plutôt que d’augmenter une charge de travail déjà très lourde.

Mes collègues sont des femmes audacieuses et empathiques, qui méritent la place qu’elles occupent dans le système de santé et pour laquelle elles ont travaillé si fort. Souhaitons que celles-ci ne soient pas désavantagées pour leur succès et qu’elles puissent continuer de soigner la population québécoise comme elles savent déjà si bien le faire.

 

Katharine Smart, M.D.

Présidente, Association médicale canadienne

Cette lettre ouverte a initialement été publiée dans Profession Santé


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