Association médicale canadienne

Le bien-être des médecins soulève des préoccupations grandissantes au sein de la profession médicale

Le risque de problèmes de santé mentale et d’épuisement professionnel est bien réel chez ce groupe exposé au travail à des facteurs de stress intense et persistant, dont de longues heures et une surcharge de travail (sur lesquelles les médecins n’ont pas vraiment de pouvoir) ainsi que le stress émotionnel inhérent à la profession.

  • Épuisement émotionnel – « Je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir continuer comme ça. »
  • Détachement ou dépersonnalisation – Cynisme, sarcasme, besoin de se vider le cœur sur les patients ou la profession, etc.
  • Faible sentiment d’accomplissement – « À quoi ça sert? Mon travail n’est pas si utile de toute façon. »

L’épuisement professionnel érode le professionnalisme des médecins et peut profondément affecter leur santé. Dans un article, Shanafelt et ses collaborateurs (2017) (en anglais) l’associent d’ailleurs à la consommation d’alcool, à la dépression et au suicide.

Outre un pourcentage élevé d’épuisement professionnel, le Sondage national sur la santé des médecins de 2017 a révélé que 34 % des médecins et des résidents au Canada présentent des symptômes de dépression et que 8 % ont songé au suicide au cours de la dernière année.

Le présent article justifie l’investissement dans le bien-être des médecins d’après les modèles de réussite en santé aux États-Unis et dans d’autres secteurs au pays. (La recherche doit se poursuivre en vue de déterminer les enjeux propres au système de santé canadien.) Note : Des frais d’accès s’appliquent (pour acheter ou louer une copie de l’article [en anglais], cliquez ici).

Les employeurs sont responsables de la santé du personnel

Tout employeur a la responsabilité éthique d’améliorer le bien-être de ses employés. En santé, cela passe entre autres par l’élimination des obstacles personnels et professionnels à la santé des médecins.

Or, dans bien des systèmes de santé, les programmes de promotion de la santé et du bien-être des médecins sont inadéquats. Différents facteurs expliquent cette situation, dont la méconnaissance des pratiques exemplaires et l’impression d’un manque de preuves quant à la rentabilité des investissements dans ces programmes. Pourtant, des études indiquent que ce type d’investissement représente une précieuse valeur ajoutée pour les médecins, les patients et les organisations.

Les investissements en bien-être sont logiques dans une perspective économique

En plus d’être éthiques, les investissements dans le bien-être des médecins se justifient amplement par des motifs économiques. Tant au Canada qu’aux États-Unis, des études indiquent que l’épuisement professionnel engendre des coûts bien réels pour le système de santé. En voici quelques exemples :

Roulement accru du personnel
L’épuisement professionnel augmente considérablement le roulement de personnel chez les médecins, ce qui coûte cher. En plus des coûts liés au recrutement, à l’accueil et à l’intégration, chaque nouvelle embauche s’accompagne d’une baisse de productivité, puisqu’il faut un certain temps à un médecin pour s’acclimater à son nouveau milieu. Un haut taux de roulement nuit à la qualité des soins : les nouveaux venus doivent prendre le temps de se familiariser avec les antécédents de leurs patients et de bâtir une relation de confiance avec eux. La situation peut également affecter le moral des employés et entacher la réputation de l’organisation.

Baisse de productivité
Les médecins en épuisement professionnel travaillent souvent moins d’heures, prennent plus de congés de maladie et ont moins d’énergie au travail. Des données probantes  (en anglais) indiquent qu’en raison des frais fixes élevés dans le secteur de la santé, le moindre changement dans la productivité peut avoir des répercussions importantes sur les finances d’une organisation.

Soins de moindre qualité
La recherche montre aussi une corrélation (en anglais) entre l’épuisement professionnel chez les médecins et les indicateurs de qualité des soins. On constate notamment une augmentation du temps de rétablissement des patients, des habitudes de prescription et de requêtes de tests sous-optimales, et une observance réduite des recommandations de traitement. Les soins de moindre qualité n’ont pas seulement une incidence manifeste sur chacun des patients, mais également sur l’organisation dans son ensemble (p. ex., atteinte à sa réputation ou utilisation inappropriée des ressources).

Risque accru d’erreurs médicales
L’épuisement professionnel est un plus grand prédicteur d’erreurs médicales que la fatigue. Une importante méta-analyse (en anglais) a révélé qu’environ 1 patient sur 20 est exposé à des préjudices évitables quand il reçoit des soins médicaux. Les conséquences juridiques associées peuvent plomber les finances d’une organisation et ruiner sa réputation.

Heureusement, le traitement et la prévention de l’épuisement professionnel sont possibles avec des mesures adaptées. D’après les auteurs d’une étude (en anglais), l’épuisement professionnel est avant tout attribuable à des exigences professionnelles excessives ainsi qu’au manque de ressources et de soutien, ce qui en fait un problème systémique et non un problème individuel dû à des limites personnelles. Si la cause du problème est principalement systémique, il va de soi que la solution le soit aussi.

Le rendement du capital investi dans des programmes de bien-être au travail est avantageux

Des études canadiennes montrent non seulement l’ampleur des coûts liés à l’épuisement professionnel, mais aussi celle des économies possibles avec l’adoption de stratégies de prévention.

Les auteurs d’un article publié dans le BMC Health Services Research (en anglais) ont utilisé les données d’une enquête nationale afin d’étudier deux conséquences connues de l’épuisement professionnel chez les médecins, soit la retraite anticipée et la réduction des heures de travail clinique. À l’aide de modèles économiques, ils ont évalué les pertes financières projetées dans les services de santé. Voici leurs conclusions :

  • Les retraites anticipées engendreraient des pertes de service estimées à 185 M$.
  • La réduction des heures de travail se solderait en des pertes supplémentaires de 28 M$.
  • Le total estimé des coûts liés à l’épuisement professionnel pour une génération de médecins serait de 213 M$.

D’autres secteurs montrent les avantages d’investir dans le bien-être des médecins. Selon un rapport de Deloitte, pour chaque dollar investi par Bell Canada dans des programmes de santé mentale en milieu de travail en 2018, le rendement du capital investi (RCI) était de 4,10 $. De 2012 à 2019, Bell a d’ailleurs enregistré un RCI annuel positif pour ces programmes.

Un article de la Mayo Clinic (en anglais) démontre l’efficacité de sa stratégie globale de promotion du bien-être et de mobilisation des médecins. Grâce à cette stratégie :

  • le taux absolu d’épuisement professionnel à la clinique a diminué de 7 %, malgré une augmentation de 11 % au pays;
  • le taux d’épuisement chez les collègues non-médecins a lui aussi diminué.

Comme l’épuisement professionnel est associé à des indicateurs systémiques négatifs (p. ex., soins de moindre qualité, taux de roulement accru, baisse du niveau de satisfaction des patients), on peut s’attendre à ce que les investissements dans le bien-être et la mobilisation des médecins aient des effets positifs sur la productivité et la viabilité à long terme d’une organisation.

Point de départ

Bien que réduire le risque d’épuisement professionnel soit complexe, c’est un objectif atteignable pour lequel le RCI est mesurable.

Vous vous demandez peut-être par où commencer ou si vous avez les ressources nécessaires pour faire avancer ce dossier. La recherche semble indiquer que même de modestes investissements peuvent changer la donne. Par exemple, les interventions en lien avec la flexibilité, le sentiment d’appartenance ou le sens donné au travail requièrent en général peu d’argent.

Les experts recommandent d’éviter les programmes de bien-être « génériques ». Il serait préférable d’adapter le programme aux besoins de votre équipe ou service, d’après une évaluation préalable. Déterminez d’abord les aspects du milieu de travail qui contribuent à l’épuisement professionnel ou à la mobilisation. Vous pourrez ensuite apporter des améliorations graduelles au fil du temps. Il est souvent possible d’adapter les programmes existants afin de répondre aux besoins urgents.

Voici une démarche progressive classique d’amélioration du bien-être des médecins (en anglais).

Vision d’avenir

Le renforcement de la santé et du bien-être des médecins constitue une responsabilité partagée. Les médecins doivent prendre des mesures pour maintenir leur santé et leur bien-être personnels, et l’employeur doit, de son côté, mettre sur pied des initiatives de haut niveau à cet effet. Ensemble, engageons-nous à faire le premier pas vers un changement concret.

Pour accéder aux résultats du Sondage national sur la santé des médecins de 2021 et à d’autres données récentes sur la santé et le bien-être des médecins, consultez la page thématique qui porte précisément sur ce sujet.

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Bien-être organisationnel Épuisement professionnel Politiques, normes et pratiques exemplaires

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