Association médicale canadienne

Par la Dre Raji Menon, M.D.

Il y a un peu plus de 20 ans, alors que je travaillais au Royaume-Uni, j’ai traversé une période de découragement extrême, sans pourtant comprendre que je faisais une dépression. Ma préceptrice de l’époque, qui me décrivait comme une femme qui ne se laisse pas abattre facilement, l’a vite compris et elle a contacté mon médecin de famille. Elle lui a demandé de me voir parce qu’elle soupçonnait que j’étais dépressive. Le médecin m’a remis un dépliant sur la dépression ainsi qu’un questionnaire à remplir dans lequel j’ai répondu « oui » à toutes les questions (selon le dépliant, un seul « oui » était suffisant pour poser un diagnostic de dépression). Une fois l’effet de surprise passé, j’ai décidé de me ressaisir.

Pour m’aider, je n’avais accès qu’à des médicaments antidépresseurs, aucune autre ressource ne m’était offerte. J’ai décidé de tenter de m’en passer, au début. J’étais en attente d’un examen médical en vue d’immigrer au Canada et je craignais qu’on me refuse l’entrée au pays si je souffrais d’une maladie quelconque, ce qui n’était que ma propre supposition. Je sentais toutefois que je devais essayer de m’autoguérir.

Il est important de se rappeler que la dépression était un sujet tabou à l’époque. On commence à peine, de nos jours, à discuter plus ouvertement des maladies mentales en encourageant les gens qui en souffrent à en parler sans que cela soit perçu comme anormal.

J’ai cherché du réconfort dans des livres de développement personnel, sur le Web et dans la spiritualité. J’ai changé de continent pour me rapprocher de ma famille et je me suis lentement retrouvée. Cependant, j’ai mis beaucoup de temps à m’en remettre.

Bien des années plus tard, en constatant le niveau de stress dans le domaine des soins de santé, j’ai décidé de devenir mentore. Mon intention était d’aider à gérer le stress à un stade précoce et à éviter, autant que possible, un état d’épuisement professionnel. J’ai entrepris ma formation de mentore alors que j’étais une chirurgienne générale débordée et que j’élevais deux jeunes enfants. Heureusement, mon mari et mes enfants m’ont été d’un soutien indéfectible pendant ma formation. Celle-ci a été ardue, ponctuée de nombreux devoirs et lectures, de la rédaction d’un rapport de recherche et de longues périodes de stage. Malgré cela, j’ai réussi à terminer le programme plus rapidement que prévu.

Ma formation prévoyait que je sois mentorée par mes pairs, mais je devais aussi être la mentore d’autres personnes, une expérience difficile, mais des plus gratifiantes. De courtes séances intensives de 15 minutes, couvrant des sujets bien précis, étaient incluses à la fin de chaque module. Enfin, l’examen final a été un défi particulièrement difficile à relever. De plus, des clients de l’extérieur venaient nous consulter. Ils entendaient parler de nos services grâce au bouche-à-oreille; on devait les aider ainsi qu’écouter leur rétroaction. Tout ce processus m’a convaincue que le mentorat représente une forme d’aide précieuse qui a contribué au maintien de mon bien-être. Je savais aussi que je me devais de partager ces nouvelles connaissances avec autrui.

Il est à noter que le mentorat peut être un outil important pour le bien-être, mais qu’il ne remplace pas les interventions cliniques en cas de dépression. Voici ce que je retiens de ma formation de mentore spécialisée.

On doit prendre ses responsabilités face à sa vie : j’ai appris à accepter ma réalité, à admettre que je suis la seule qui peut changer les choses et que la seule personne que je peux changer est moi-même. Évidemment, le fait de se blâmer pour quoi que ce soit n’aide en rien.

On doit établir clairement ses priorités : mon cheminement m’a aidée à analyser clairement ma situation, mes valeurs et mes priorités. J’ai dû me poser plusieurs « questions chocs », mais j’y ai gagné en perspicacité et j’ai fait des découvertes bouleversantes.

On peut changer de point de vue : changer son regard sur une situation peut apporter des surprises insoupçonnées. Cela aide aussi à interpréter les événements de différentes façons. Il appartient à chacun de trouver le meilleur angle, celui qui mène vers la sérénité et qui favorise le développement intérieur. Toutefois, changer de point de vue ne signifie pas nier les événements ou les émotions qu’ils suscitent.

On doit cesser de juger : le jugement peut nous aider à prendre des décisions, ce n’est pas une mauvaise chose en soi. En revanche, chaque personne a le droit d’avoir son opinion et ses idées quant à une situation ainsi que la meilleure façon de l’aborder. On n’a jamais critiqué ma manière de traiter mes problèmes. J’ai donc appris à respecter les choix et les croyances des autres, sans les juger. En tant que mentore, je me dois d’aider mes clients à voir les choses sous un autre angle, mais le choix de cet angle leur appartient entièrement.

On a besoin de structure pour atteindre ses objectifs : cet élément est primordial et il fait partie de ma démarche auprès de mes clientsPar « structure », j’entends tout élément ou toute action qui permet de suivre un plan et qui aide à ne pas y déroger. Par exemple, quelqu’un qui souhaite avoir une saine alimentation pourrait suivre un plan de repas et s’assurer de ne pas garder d’aliments malsains dans la maison.

On doit rendre des comptes : chaque fois que je disais à mon mentor que j’allais faire quelque chose, je prenais tous les moyens pour y arriver, pour éviter d’avoir à me justifier si je n’y parvenais pas. On ne rend pas des comptes à son mentor pour subir des critiques, mais plutôt pour comprendre pourquoi un objectif n’a pas été atteint (cela se fait dans un environnement très rassurant et non menaçant, bien sûr). On adapte ensuite les structures de son plan pour plus facilement s’y conformer et assurer son succès.

On a droit à l’erreur : quand les choses n’allaient pas comme je le voulais, on m’aidait à comprendre ce qui n’allait pas et à modifier mon plan. Cela m’a empêchée d’avoir des regrets ou de baisser les bras, ce qui ne sert jamais à rien. On m’a appris qu’il n’y a pas d’échecs dans la vie, il n’y a que de la rétroaction.

On doit célébrer chaque petite victoire : chaque semaine, je commençais ma séance de mentorat en énumérant mes « victoires » et chacune d’entre elles ainsi que mes efforts étaient soulignés. Ce sont ces victoires, aussi petites soient-elles, qui aident à persévérer et à garder la motivation.

On doit exprimer sa gratitude : j’ai appris à tenir un journal de gratitude, même si je le faisais déjà. Ma pratique spirituelle passe par la prière, où j’exprime ma gratitude pour tout ce que j’ai. Mon journal m’aide aussi à relativiser les choses négatives.

Si le mentorat a joué un rôle important dans mon propre parcours de bien-être, il est important de noter qu’il ne s’agit que d’un outil parmi tant d’autres pour faire face au stress et à l’épuisement. Les personnes qui souffrent de dépression doivent se tourner vers les services de traitement appropriés. J’espère qu’en racontant ma propre histoire, nous pourrons contribuer à atténuer une partie de la stigmatisation qui pèse encore sur la culture médicale.


La Dre Raji Menon est chirurgienne générale et médecin en soins palliatifs à Cornwall, au Canada. Elle est mentore spécialisée certifiée par l’International Coach Academy. Vous pouvez lui écrire par courriel ici.

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