Association médicale canadienne

Presque tous les médecins, à un moment ou à un autre de leur carrière, vont faire face à la mort d’un patient, et possiblement vivre un deuil accompagné d’un sentiment d’impuissance, de doute envers eux-mêmes, de culpabilité et d’échec. Avec la pandémie de COVID-19, le deuil est devenu encore plus fréquent dans leur vie. Les travailleurs de la santé en première ligne (article en anglais) ont été confrontés à une difficulté unique : faire le deuil de leurs patients, mais aussi de certains de leurs collègues et de leurs proches.

Non seulement ont-ils moins de temps pour vivre leur deuil en raison de l’afflux de patients, mais le processus de deuil a changé du tout au tout. Selon le CMAJ (article en anglais), l’état des patients atteints de COVID-19 se détériore rapidement, de sorte qu’ils meurent en peu de temps. Il est donc difficile pour les médecins de faire leur deuil convenablement, puisqu’ils doivent presque immédiatement s’occuper du prochain patient. De plus, les conversations de fin de vie avec la famille des patients ont désormais rarement lieu en personne, ce qui crée de la distance entre les médecins et les gens qu’ils tentent d’aider. Le manque de personnel et de ressources aux pics de la pandémie a également entraîné de la détresse morale, rendant le deuil encore plus ardu à surmonter.

Pour un médecin, les deuils vécus au travail risquent de mener à l’épuisement professionnel (article en anglais), et notamment à l’épuisement émotionnel, à la dépersonnalisation et à un faible sentiment d’accomplissement.

Dans ces circonstances, beaucoup de médecins sont réticents à demander de l’aide, souvent parce qu’ils ont de la difficulté à trouver le juste milieu entre leur sensibilité par rapport au patient et le détachement professionnel dont ils doivent faire preuve.

La culture médicale peut aussi pousser les médecins à cacher leur deuil, parce qu’ils croient que faire autrement serait un signe de faiblesse ou de non-professionnalisme.

Le deuil peut aussi découler d’une erreur médicale. La médecine étant un domaine où les attentes élevées et le perfectionnisme règnent, les erreurs ne sont pas un sujet dont on discute ouvertement.

Les médecins en cause vivent souvent beaucoup d’émotions négatives, comme la tristesse, la culpabilité et la peur. Sans intervention, ces émotions peuvent causer de l’anxiété, un épuisement professionnel, une dépression, et même mener au suicide.

Conseils pour composer avec le deuil

Bien que chaque médecin vive le deuil différemment, l’Association canadienne pour la santé mentale (article en anglais) propose quelques pistes pour le surmonter.

  • Nommer ce que vous ressentez : en employant le mot « deuil » pour décrire ce que vous vivez, vous pourrez commencer à comprendre les émotions que vous ressentez et y faire face.
  • Valider votre expérience : accueillez vos émotions et reconnaissez leur importance sans porter de jugement.
  • Pleurer la personne : notamment en acceptant la perte, en vivant la douleur que vous ressentez, en vous adaptant à un monde sans la personne décédée et en trouvant un moyen de maintenir une connexion avec elle.
  • Célébrer le positif : reconnaissez les bonnes choses dans votre vie.
  • Établir une routine : une routine favorise la participation à diverses activités sociales, sportives et éducatives, et peut vous donner le sentiment de maîtriser la situation.
  • Éviter les comparaisons : au lieu de vous comparer aux autres personnes dans une situation similaire, concentrez-vous sur vos propres forces et stratégies d’adaptation.
  • Demandez de l’aide : Nous vous invitons à consulter la page de soutien au bien-être des médecins; vous y trouverez une liste des lignes d’écoute téléphonique partout au pays ainsi que des programmes provinciaux et territoriaux de promotion de la santé et du bien-être des médecins.

Conseils pour aider un collègue en deuil

Les médecins ont beau s’attendre à vivre des deuils dans leur métier, ils restent des humains qui ont besoin d’aide pour conserver une bonne santé mentale et être en mesure de donner les meilleurs soins possible. Voici quelques moyens d’aider un collègue en deuil :

  • Pratiquez l’écoute active pour montrer à votre collègue qu’il a votre attention.
  • Faites preuve de compassion et d’empathie.
  • Dites-lui que son sentiment est normal.
  • Proposez-lui d’aller parler de sa situation dans des séances de soutien par les pairs.
  • Encouragez-le à prendre soin de lui, notamment à porter attention à ses besoins et à reconnaître son sentiment de deuil et de perte.
  • Aidez l’autre de la façon dont il veut être aidé – et non de celle dont vous aimeriez l’être à sa place. Certaines personnes ne voudront pas s’étendre sur le sujet, alors que d’autres préfèrent tout laisser sortir.

Si votre collègue vit un deuil en raison d’une erreur médicale, proposez de faire un bilan clinique (en anglais). L’objectif du bilan est de déterminer ce qui a bien été et ce qui n’a pas bien été dans le travail de l’équipe, ainsi que les points à améliorer à l’échelle individuelle, collective et systémique. Une étude publiée dans Academic Medicine (en anglais) montre que le fait de parler d’une erreur médicale et de trouver en équipe des moyens d’empêcher qu’elle ne se reproduise peut aider les médecins à traverser le processus de deuil.

Voici une courte formule de bilan, en trois questions :

  • Qu’est-ce qui a bien été?
  • Qu’est-ce qui n’a pas bien été?
  • Que pourrions-nous faire différemment, ou qu’avons-nous à améliorer?
     

Techniques de communication appliquées aux situations de deuil

Voici quelques exemples de communication empathique dont vous pourriez vous inspirer la prochaine fois que vous voyez qu’un collègue est en deuil :

« Je suis navré d’apprendre que tu viens de perdre un patient. C’est souvent difficile émotionnellement. Comment vas-tu? » [écoute active]

« Je suis désolé que tu aies à vivre ça. Je sais combien c’est difficile, même si ça fait 20 ans qu’on est dans le métier. » [communication empathique]

« Tu sais que tu as fait tout ce que tu pouvais. Tu es un bon médecin, ne l’oublie pas. » [communication empathique]

« Je comprends comment tu te sens. Sache que c’est correct de se sentir comme ça. Veux-tu qu’on en discute autour d’un café après le travail? Sens-toi bien libre de refuser. Je veux juste que tu prennes le temps de vivre ton deuil. Voyons si quelqu’un ne pourrait pas te remplacer. » [écoute active; encouragement à prendre soin de soi]
 

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