Association médicale canadienne

Par Hayley Harlock, M. Serv. Soc.

La pandémie de COVID-19 a eu des répercussions considérables sur le bien-être des médecins du Canada. Ces derniers ont dû faire des sacrifices importants et constants pour permettre à nos communautés de demeurer en santé, en sécurité et informées. Les familles de médecins ont fait des sacrifices similaires et en ressentent également le contrecoup. On sait depuis longtemps que la formation et la pratique médicales influent non seulement sur la vie du médecin, mais également sur celle de sa ou de son partenaire et de ses enfants. Or, la pandémie a fait ressortir ces répercussions et donné aux familles de médecins l’occasion d’avoir des conversations importantes avec les parties prenantes sur la nature de ces conséquences et sur la façon d’améliorer leur expérience. Ces répercussions se feront sentir longtemps après que le nombre de cas aura été maîtrisé et que les restrictions auront été levées. J’espère que le soutien aux familles de médecins deviendra chose courante.

Bien-être des médecins

Avant la pandémie, près d’un médecin canadien sur trois ayant participé au Sondage national de l’AMC sur la santé des médecins (SNSM) : un instantané national de 2017 a déclaré souffrir d’épuisement professionnel. Le pourcentage était nettement plus élevé pour les médecins résidents (38 %) que pour les médecins en exercice (29 %). Selon l’AMC, l’épuisement professionnel des médecins constitue « l’un des défis les plus importants auxquels le système de santé est confronté. Il met en jeu le bien-être des médecins en exercice, des médecins résidents et des étudiants en médecine, ce qui peut nuire à la qualité de la prestation des soins. Santé des médecins et santé des patients vont donc de pair ». 

Outre l’épuisement professionnel, les médecins connaissent des niveaux élevés de dépression et d’idées suicidaires par rapport à l’ensemble de la population. Au sein des effectifs médicaux, les pourcentages les plus élevés se retrouvent chez les médecins résidents. Ceux-ci avaient 95 % plus de chances de présenter des symptômes de dépression et 72 % plus de chances d’envisager le suicide par rapport aux médecins plus expérimentés.

À ma connaissance, aucune étude n’a encore été menée sur le dépistage des membres de la famille de médecins, mais je suis convaincue qu’il existe une corrélation. En fait, le Sondage national de l’AMC sur la santé des médecins de 2017 a révélé que l’une des principales raisons pour lesquelles les médecins cherchent à obtenir une aide en santé mentale est liée à des facteurs de stress personnels, notamment la famille. Ce que les médecins vivent au cours de leur formation et de leur pratique ne survient pas en vase clos.

Membres de la famille de médecins

Bien qu’on en parle rarement, il existe un lien étroit entre les expériences vécues par les médecins et celles de leurs familles. Le service de jumelage des résidents (CaRMS), l’obligation de déménager, les longues et coûteuses années de formation, les horaires de gardes, les messages par téléavertisseur au beau milieu de la nuit et les facteurs de stress atypiques du lieu de travail influent également sur les familles. Une situation qui peut mener à l’épuisement, à l’usure de compassion, à l’épuisement professionnel et à la dépression.

En mars 2020, les exigences envers les médecins se sont intensifiées, tout comme celles envers leurs familles. On entendait alors parler de médecins qui vivaient dans des tentes installées dans leur garage ou encore dans des hôtels afin de protéger leur conjoint ou conjointe et leurs enfants du virus. Ceux qui ont déménagé pour suivre une formation médicale ou exercer leur profession ne pouvaient rendre visite à leur famille en raison des restrictions de voyage liées à la COVID-19, qui étaient souvent plus strictes dans les hôpitaux qu’à l’échelle provinciale/territoriale ou fédérale. De plus, les médecins étaient redéployés vers des zones chaudes dans d’autres villes ou régions pour œuvrer en première ligne, laissant leurs familles derrière eux. 

L’épuisement professionnel des médecins et son incidence sur les médecins eux-mêmes, leurs patients et le système de santé ont fait l’objet de discussions et de recherches, et des services ont été mis en place pour soutenir les médecins. Cependant, seuls 15 % des répondants au Sondage national de l’AMC sur la santé des médecins de 2017 ont déclaré avoir cherché de l’aide, alors que 81 % étaient au courant de l’existence de ces services. L’un des obstacles les plus courants à la recherche d’aide était le sentiment de honte.

Il n’existe actuellement aucun système capable de répondre de manière adéquate aux besoins individuels et diversifiés des médecins comme le font leurs familles. Les systèmes de santé et la médecine en tant qu’institution comportent des lacunes en matière d’inclusion, d’équité et de diversité depuis de nombreuses années. Les familles de médecins ont la capacité unique d’anticiper et de combler les besoins du ou des médecins de leur unité familiale, ce qui constitue l’un des nombreux avantages de l’inclusion et du soutien des familles de médecins à toutes les étapes de la formation, de la pratique et de la retraite. Les médecins, leurs familles, leurs patients et notre système de santé en bénéficieraient tous. 

Ce contexte offre l’occasion de changer la façon dont nous aidons les médecins. Si seulement 15 % d’entre eux demandent de l’aide pour leur santé mentale principalement en lien avec le soutien familial, le temps est venu d’instaurer des changements. L’Association médicale américaine a reconnu que les « effets de l’épuisement professionnel sur les familles de médecins » n’ont pas été étudiés ni pris en charge, et qu’on peut faire mieux.

Répercussions de la pandémie sur les familles et les changements qu’elle a entraînés

La pandémie de COVID-19 a eu un effet déstabilisateur à maints égards et a entraîné des changements sans précédent. Les médecins et autres travailleurs de la santé sont de plus en plus nombreux à défendre publiquement les changements à apporter pour améliorer le système de santé. En plus de demander que l’on octroie des congés de maladie payés aux médecins et que l’on reconnaisse les obstacles systémiques qui existent dans le domaine des soins de santé, les médecins soulignent les répercussions que le système de santé actuel entraîne sur leurs familles. Lorsqu’on a récemment interrogé le Dr Michael Warner sur l’épuisement professionnel, l’éminent médecin qui travaille dans une unité de soins intensifs de Toronto a répondu : « Il ne fait aucun doute que cela a eu un impact sur ma famille. Sans le soutien de ma femme, tout se serait écroulé. C’est grâce à elle si notre famille est restée unie. Les partenaires et les familles des travailleurs de la santé font les frais de cette situation. »

Plus tôt cette année, la Dre Jillian Horton a publié son premier livre décrivant son expérience en médecine, intitulé We Are All Perfectly Fine. Dans ce mémoire, elle invite le système à améliorer la culture de la médecine par la mise en place et le maintien d’une formule plus humaine pour former les futurs médecins et guérir ceux qui en ont souffert. Nos médecins méritent mieux que ça, leurs partenaires et leurs familles également.

Les partenaires des médecins sont des alliés méconnus du système de santé. Ils assument ce rôle instinctivement, par nécessité et sans aucune formation en règle ni soutien formel. Nous savons qu’il est difficile pour les médecins de prendre soin des autres s’ils ne se portent pas bien eux-mêmes. En janvier 2021, Medscape a publié les résultats d’une étude sur l’épuisement professionnel des médecins. De nombreux médecins interrogés dans le cadre de l’étude ont déclaré que l’épuisement professionnel avait des répercussions négatives sur leurs relations personnelles. L’épuisement professionnel ne touche pas seulement les médecins, mais aussi leurs familles.  

Que faisons-nous actuellement et que pouvons-nous faire d’autre? 

En tant que conjointe d’un chirurgien vasculaire qui a lutté en silence pendant de nombreuses années, j’ai fondé une organisation pour les partenaires des étudiants en médecine et des médecins, appelée The Flipside Life (TFSL). Je mets en relation et je soutiens les partenaires par l’entremise d’appels hebdomadaires confidentiels entre pairs, d’événements et d’interventions sur les médias sociaux. Partenaires des étudiants en médecine et des médecins, tous sont les bienvenus. La participation est gratuite et aucune inscription n’est requise. La forte réponse de la communauté des partenaires de médecins a confirmé ma théorie selon laquelle ce groupe avait besoin d’un soutien en bonne et due forme depuis longtemps. Grâce à TFSL, je travaille chaque jour avec les partenaires des médecins, et j’ai pu constater une augmentation importante du nombre de membres de notre communauté qui cherchent un soutien depuis le début de la pandémie. Les partenaires des médecins ont beaucoup de points en commun, à savoir le désir d’améliorer l’autre aspect de la vie de ceux et celles qui portent le sarrau blanc.

Bon nombre des programmes de promotion de la santé et du bien-être des médecins proposés par les associations médicales provinciales et territoriales offrent aussi leur soutien aux médecins et à leur famille.

Le lourd tribut physique et émotionnel que les médecins et leurs familles ont payé pendant la pandémie perdurera pendant encore des années. Les institutions, associations et autres parties prenantes qui travaillent avec les médecins doivent chercher des occasions d’apporter des changements dans le but de soutenir les familles de médecins, à commencer par la reconnaissance officielle, l’inclusion et le soutien des familles de médecins dès leur premier jour à la faculté de médecine et par la suite. Certaines facultés de médecine au Canada sont à l’avant-garde du changement et incluent les familles de médecins dans le parcours de formation. Elles se sont concrètement engagées envers le bien-être des familles de médecins en incluant les partenaires dans les activités d’orientation et autres événements de soutien et d’éducation. Ce sont des actions délibérées, inclusives et pertinentes comme celles-ci qui contribueront à changer la culture de la médecine et à soutenir la santé et le bien-être des familles de médecins.

Notre système de santé doit pouvoir compter sur des médecins en bonne santé, et c’est à la maison que la santé des médecins commence. 

Pour accéder aux résultats du Sondage national sur la santé des médecins de 2021 et à d’autres données récentes sur la santé et le bien-être des médecins, consultez la page thématique qui porte précisément sur ce sujet.

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