Association médicale canadienne

Comment décourager l’intimidation et le harcèlement

La plupart des médecins sont des gens bienveillants qui travaillent en équipe et qui ont choisi leur métier pour aider les autres. Mais cette bienveillance ne s’étend pas toujours aux futurs médecins, aux collègues et aux subalternes. Le résultat : une profession gangrenée par l’intimidation.

Selon l’enquête nationale réalisée par Médecins résidents du Canada (en anglais), plus des trois quarts des médecins résidents ont vécu du harcèlement ou de l’intimidation dans la dernière année.

Les apprenants sont particulièrement vulnérables, car les médecins confirmés ont souvent beaucoup de pouvoir sur eux. La structure hiérarchique est aussi au désavantage des autres populations marginalisées, comme les femmes qui prennent un congé de maternité et les personnes appartenant à une minorité.
 

Description de l’intimidation en médecine

L’intimidation en médecine se manifeste sous beaucoup de formes, notamment par les comportements déstabilisants et les manifestations d’abus psychologique suivants :

  • Agression, hostilité, cris, menaces ou intimidation
  • Impolitesse ou manque de respect
  • Critique, humiliation, réprimande ou démonstration de supériorité (martèlement de questions ou recherche délibérée de réponses qui dépassent le niveau de connaissances de l’étudiant) en public
  • Colère ou crises incontrôlables
  • Discrimination, ostracisme, exclusion ou commérage
  • Comportement passif-agressif ou sarcasme
  • Abus de pouvoir
  • Harcèlement sexuel
  • Blagues offensantes

L’intimidation peut causer du stress, de la fatigue, de l’anxiété et un épuisement professionnel, briser des relations, et mener à la dépression, à l’alcoolisme ou la toxicomanie, à un départ à la retraite hâtif et même au suicide. Elle peut nuire à l’efficacité au travail, engendrer des épisodes de présentéisme et d’absentéisme, et plomber l’estime de soi, la confiance en soi et l’esprit d’équipe. Elle peut aussi avoir un effet direct sur la sécurité des patients et la qualité des soins.

Une étude publiée en anglais dans Pediatrics, la revue de l’Académie américaine de pédiatrie, rapporte que les équipes malmenées par un « observateur expert » ont beaucoup moins bien performé lors d’une simulation que les équipes traitées avec respect. Elles ont échangé moins d’informations et n’ont pas demandé autant d’aide, et ont donc obtenu de moins bons résultats cliniques. Selon les résultats d’une autre enquête publiés en anglais dans le Joint Commission Journal on Quality and Patient Safety, 71 % des médecins et des infirmières croient qu’il y a un lien entre les comportements dérangeants et les erreurs médicales, et 27 % croient qu’il y a un lien à faire avec la mortalité des patients.

Une persistance autorisée

La culture médicale tolère et ignore depuis longtemps l’intimidation, et la situation ne changera pas tant que les directions ne s’attaqueront pas au problème.

Voici quelques-uns des facteurs qui peuvent pousser à l’intimidation :

  • Manque de ressources sur la gestion de la fatigue
  • Stress
  • Maladie mentale, alcoolisme ou toxicomanie
  • Charge de travail élevée
  • Problèmes personnels (perte d’un proche, difficultés financières, etc.)
  • Perception non réaliste de soi (p. ex., se voir comme productif plutôt que dominateur)

L’intimidation commence tôt (article en anglais) dans les études de médecine et à la résidence. On dit qu’elle fait partie d’un « curriculum caché », terme qui désigne l’apprentissage informel qui ne s’inscrit pas dans le cadre du programme d’études officiel et qui se fait selon des processus non définis. Dans ce contexte informel, beaucoup d’étudiants sont questionnés agressivement, humiliés parce qu’ils ne connaissent pas une notion, ignorés, rabaissés et méprisés. Les incidents du genre sont difficiles à prouver et à contrôler, car les agresseurs font sentir les victimes responsables et impuissantes.

Ce climat d’enseignement néfaste peut avoir des conséquences profondes et durables. Quand leurs mentors sont hostiles, les étudiants et les résidents ne se sentent pas à l’aise de leur demander de l’aide dans leur apprentissage ou des conseils cliniques.

Comment les organisations peuvent réduire l’intimidation et le harcèlement dans les milieux cliniques

Éduquer la communauté tôt et de façon continue, des études de doctorat à l’exercice, en passant par la résidence.

Demander aux facultés de médecine d’inclure au programme des cours sur l’éthique, la communication et l’esprit d’équipe. Encourager les professeurs et les formateurs à inculquer aux futurs médecins des politiques claires contre les comportements abusifs dès le début de leur parcours professionnel.

Nommer clairement les comportements à éviter afin que l’ensemble du personnel connaisse les gestes jugés non professionnels.

Évaluer les étudiants et le personnel régulièrement pour vérifier que leurs comportements correspondent aux normes professionnelles.

Créer et suivre un code de conduite pour favoriser une culture de sécurité et de respect. (Voir l’exemple à l’annexe F dans ce guide en anglais.)

Promouvoir la bonne communication au sein des équipes cliniques. Quand les membres de l’équipe ne s’expriment pas par crainte de répercussions négatives, les soins peuvent s’en trouver compromis.

Tenir des rencontres éclair. Prendre quelques minutes avant chaque quart de travail pour donner la même information à tous, afin d’éviter les surprises et de favoriser l’esprit d’équipe. Utiliser le modèle SBAR (en anglais):
•    Situation (situation) – Que se passe-t-il avec le patient?
•    Background (contexte) – Quel est le contexte ou les antécédents cliniques?
•    Assessment (évaluation) – Quel est le problème selon moi?
•    Recommendation (recommandation) – Qu’est-ce que je ferais pour y remédier?

Le modèle transmet de l’information cruciale selon une structure prévisible et aide à développer la pensée critique. Pour savoir comment l’utiliser ou obtenir un gabarit (en anglais), cliquez ici.

Montrer à exercer une assertivité appropriée (article en anglais). Cette technique aide les gens à s’exprimer quelle que soit leur position hiérarchique. Le personnel de tous les échelons doit être encouragé à répéter poliment ses préoccupations jusqu’à l’obtention d’une réponse plutôt que d’avoir à faire des allusions (et espérer qu’elles soient comprises), et à se concentrer sur le problème plutôt que sur qui a tort ou a raison.

Créer des mécanismes d’action clairs pour faire appliquer les comportements souhaités.

  • Mettre en oeuvre un système de déclaration électronique confidentiel pour permettre au personnel de s’exprimer. Relayer les commentaires aux personnes concernées pour qu’elles puissent réfléchir à leurs comportements et les corriger.
  • Mettre en oeuvre un système anonyme où les patients peuvent indiquer qu’un professionnel de la santé a évité leurs questions, les a brusqués ou a été désagréable avec ses collègues.
  • Mesurer l’effet de ces systèmes sur le niveau d’intimidation et les résultats cliniques.

Pour obtenir des conseils sur la gestion des comportements perturbateurs dans les milieux de travail du secteur de la santé, consultez le cadre et le recueil de ressources (en anglais) mis au point par le Conseil de la qualité des soins de santé de l’Alberta.

L’intimidation en milieu de travail est un problème grave qui prend de l’ampleur et qui touche déjà beaucoup de professionnels de la santé. Pour le bien des médecins, des patients et de la profession, il est temps de faire naître un sentiment de collégialité et de mettre fin à la culture d’intimidation et de harcèlement qui sévit dans le milieu médical canadien.

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