Association médicale canadienne

Les répercussions d’événements comme la pandémie de COVID-19 touchent les leaders de la santé et leur personnel beaucoup plus que la population générale. Ces personnes s’exposent à des risques élevés pour prendre soin des patients et aider les autres et, ce faisant, augmentent leur propre risque de vivre des effets négatifs de nature physique et psychologique, notamment du stress, de la détresse, des traumatismes et d’autres préjudices qui peuvent nuire à leur bien-être.

Principaux indicateurs de détresse

Bien que la détresse se manifeste différemment chez chaque personne, un guide publié par le Center for Substance Abuse Treatment des États-Unis décrit certains indicateurs physiques et comportementaux que les leaders de la santé peuvent généralement surveiller dans leurs équipes :

  • Indicateurs initiaux : Épuisement, confusion, tristesse, anxiété, agitation, désensibilisation, dissociation, excitation physique
  • Indicateurs graves : Détresse continue sans périodes de calme relatif ou de repos, symptômes de dissociation grave, souvenirs troublants et intenses qui continuent malgré le retour à une situation sécuritaire
  • Indicateurs de réaction tardive : Fatigue persistante, troubles du sommeil, cauchemars, craintes de récurrence, anxiété centrée sur des retours en arrière, dépression, évitement des émotions ou des activités directement ou indirectement associées au traumatisme

Causes de détresse

De nombreux facteurs contribuent à la détresse chez les médecins. Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, ces facteurs pourraient comprendre :

  • le risque d’infection dû à l’exposition au virus;
  • le risque de transmission aux membres de la famille et aux amis;
  • les longues heures de travail qui sont dues au grand nombre de patients et nuisent à l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle;
  • le fait de voir des collègues devenir malades après avoir contracté le virus;
  • les pénuries d’équipement de protection individuelle et d’autres ressources essentielles;
  • la prise de décisions de façon éthique, rationnelle et structurée en ce qui a trait à la répartition des ressources limitées;
  • le fait de devoir refuser des services à des patients en raison de la capacité limitée ou du manque de ressources;
  • l’incapacité à répondre à ses besoins personnels et à prendre soin de soi (sommeil, alimentation, exercice, responsabilités familiales);
  • le manque de connaissances sur le virus (caractéristiques, facteurs de risque, transmissibilité, traitement optimal);
  • les préjugés sociaux et la stigmatisation venant des autres en raison de l’exposition au virus.

Comment la détresse nuit au bien-être des médecins

Sans soutien approprié, l’exposition prolongée à des facteurs traumatiques comme ceux nommés ci-dessus peut mener à de la détresse ou à des troubles psychologiques chez les médecins.

Les effets psychologiques néfastes du traumatisme comprennent les suivants :

  • Épuisement professionnel
    Syndrome psychologique caractérisé par l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation et une baisse du sentiment d’accomplissement personnel. Chez les médecins, cela peut se traduire par le sentiment d’être épuisé ou incapable de faire son travail, la distanciation émotionnelle du travail et la difficulté à accomplir ses tâches quotidiennes.
  • Dépression
    Trouble de l’humeur courant et grave qui dure au moins deux semaines et cause des sentiments persistants de tristesse et de désespoir, et une perte d’intérêt pour les activités que la personne aimait auparavant. La dépression peut aussi s’accompagner de symptômes physiques comme de la douleur chronique ou des problèmes digestifs.
  • Trouble de stress post-traumatique
    Souvenirs récurrents, involontaires et troublants d’un événement traumatique. Cela peut comprendre des rêves associés à l’événement, des dissociations (retours en arrière) durant lesquelles le médecin se sent ou agit comme si l’événement traumatique se produisait de nouveau, et détresse psychologique intense ou prolongée lors de l’exposition à des choses qui symbolisent un aspect de l’événement ou y ressemblent.
  • Anxiété
    Anxiété et inquiétude excessives et difficiles à contrôler qui surviennent la majorité des jours pendant au moins six mois et causent un problème cliniquement significatif dans les volets social, professionnel ou autres du fonctionnement. Les personnes qui éprouvent ce genre d’anxiété présentent au moins trois des symptômes suivants :
    • Fébrilité ou nervosité
    • Fatigue au moindre effort
    • Difficulté à se concentrer
    • Irritabilité
    • Tension musculaire
    • Troubles du sommeil (difficulté à s’endormir ou à rester endormi, sommeil insatisfaisant)
  • Trouble du deuil complexe persistant (autrefois appelé « deuil compliqué »)
    Réaction inhabituellement invalidante ou prolongée à la perte de patients, de proches ou de collègues. Ce trouble entraîne des sentiments de douleur extrême et prolongée relativement au défunt, accompagnés de pensées et de comportements destructeurs qui rendent difficile le retour à la vie normale.
  • Usure de compassion
    Érosion émotionnelle et physique profonde qui survient lorsqu’un « aidant » (comme un travailleur de la santé ou un proche aidant) est incapable de se reposer et de se ressourcer. Lorsqu’ils travaillent avec des clients qui ont vécu un traumatisme, les aidants remarquent souvent que leurs croyances fondamentales à propos du monde ont changé ou ont possiblement été entachées par l’exposition répétée à des éléments traumatiques.
  • Préjudices moraux
    Détresse psychologique résultant d’actions (ou de l’inaction) qui contreviennent au code moral ou éthique d’une personne. Chez les médecins, ces actions peuvent comprendre le travail avec des ressources insuffisantes ou le fait de devoir choisir quels patients recevront des ressources vitales quand celles-ci sont limitées.
  • Problèmes de santé mentale à long terme
    Certains professionnels de la santé peuvent éprouver des problèmes durant une période prolongée après un incident traumatique.

Comment les leaders de la santé peuvent intervenir

Les leaders peuvent utiliser les conseils pratiques et les stratégies qui suivent pour favoriser le bien-être de leur personnel dans les milieux de formation et d’exercice.

1. Fournir des ressources fondamentales au quotidien
Les leaders de la santé devraient offrir à leurs équipes les éléments suivants durant toute la crise :

  • Nourriture (gratuite ou subventionnée) et eau
  • Équipement de protection individuelle
  • Ressources de garde d’enfants et de soins aux aînés
  • Transport, stationnement et hébergement
  • Ressources d’activité physique
  • Centres de contrôle ou autres organismes décisionnels

Les programmes de santé et de bien-être existants devraient aussi être maintenus.

2. Maintenir une communication régulière, transparente et encourageante
Les organisations comme Anxiety Canada et la National Academy of Medicine mettent l’accent sur l’importance de la communication claire, honnête et fréquente durant une crise. Voici des pistes pour une bonne communication :

  • Fournir aux membres du personnel toutes les politiques, les procédures, les ressources, la formation et l’éducation pertinentes nécessaires afin qu’ils puissent être aussi bien préparés que possible aux expériences traumatiques qu’ils risquent de vivre.
  • Tenir des séances de discussion ouverte pour annoncer et déployer les nouveautés concernant les procédures, les résultats de recherche, les politiques et les processus.
  • Normaliser les réactions du personnel afin que les membres ne se sentent pas isolés.
  • Garder le contact régulièrement pour répondre aux questions et aider le personnel à surmonter le deuil, à se rebâtir, à se réintégrer et à se rétablir.
  • Envoyer chaque semaine un message relatif au bien-être.
  • Tenir une séance de retour peu après une intervention ou à la fin de la journée – quand les événements sont encore frais en mémoire – pour évaluer ce que l’équipe a bien fait et ce qu’elle devrait faire différemment la prochaine fois.

La communication devrait aussi être bidirectionnelle; les médecins doivent être encouragés à parler librement et ouvertement des facteurs de stress qu’ils rencontrent. Un article du New England Journal of Medicine recommande aux leaders de la santé de mettre en place des lignes d’assistance téléphonique anonymes et d’autres mécanismes de suivi qui permettent au personnel d’exprimer leurs préoccupations – et de défendre leurs intérêts et ceux de leurs patients – sans crainte de représailles.

3. Favoriser la santé psychosociale et mentale
Il est important de faire preuve de proactivité lorsqu’il est question de santé mentale. Vous pouvez encourager et favoriser le bien-être mental de plusieurs façons durant une crise :

  • Créez des salles de ressourcement interactives (espaces de répit avec des éléments méditatifs, de la musique et un éclairage relaxants).
  • Rappelez aux membres du personnel qu’ils sont précieux et que vous travaillez tous ensemble.
  • Montrez l’exemple en demandant de l’aide pour encourager les autres à faire de même.
  • Tendez la main aux personnes qui ont besoin d’aide.
  • Animez des groupes d’aide aux employés pour favoriser la cohésion de l’équipe, notamment en établissant un système de soutien entre pairs.
  • Organisez des visites de chiens d’assistance.

Le Center for the Study of Traumatic Stress souligne aussi l’importance du leadership en période de deuil, lorsque c’est approprié, ce qui signifie par exemple d’anticiper et de reconnaître le deuil, d’utiliser des rituels pour honorer les défunts, et d’être visible et présent pour les membres du personnel qui ont besoin d’aide.

Enfin, assurez-vous que le personnel connaît les services de santé mentale pour médecins qui sont offerts par les Programmes provinciaux de santé des médecins ainsi que par des ressources nationales :

Sujets

Politiques, normes et pratiques exemplaires Leadership et développement professionnel Dépression Soutien par les pairs Soins personnels Épuisement professionnel

Vous vivez de la détresse? Obtenez de l’aide dès maintenant.

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