Association médicale canadienne

Urgentologue à Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest), la Dre Courtney Howard peut décrire beaucoup de cas de patients touchés par les effets des changements climatiques. La fragilisation de la glace a accru le risque associé à la chasse à l’orignal et au caribou, ce qui compromet la sécurité alimentaire et la santé mentale de la population. Bon nombre de ses patients vivent dans le delta du Mackenzie, un endroit où la température a augmenté de trois degrés Celsius depuis les années 1950, selon les statistiques du gouvernement territorial.

La Ténoise a aussi œuvré outre-mer : elle a passé six mois à Djibouti pour participer à un programme de Médecins sans frontières visant à contrer la malnutrition infantile. Elle a été témoin de beaucoup de décès d’enfants et de nourrissons causés par la malnutrition – la conséquence des changements climatiques sur la santé la plus importante du siècle à l’échelle planétaire, selon les prévisions.

« J’ai décidé que pour m’attaquer à un problème qui touche à la fois mes patients nordiques, les enfants qui me sont chers à l’étranger et mes propres enfants – parce que leur génération est elle aussi confrontée à ce fléau – j’allais travailler sur les changements climatiques. »

En 2015, la Dre Howard s’est affiliée à la Global Climate and Health Alliance (Alliance mondiale sur le climat et la santé). Depuis, elle a fait des recherches sur les effets des feux de forêt sur la santé et participé à des initiatives en lien avec le transport actif, l’élimination progressive du charbon et le désinvestissement dans le secteur des combustibles fossiles. L’an dernier, le groupe « Compte à rebours santé et changement climatique » du Lancet lui a demandé de rédiger un mémoire sur la politique canadienne – une occasion parfaite d’approfondir son travail.

En tant qu’auteure principale du rapport Lancet Countdown 2018 Report: Briefing for Canadian Policymakers, destiné aux décideurs canadiens, la Dre Howard s’est concentrée sur les liens entre les changements climatiques et la santé, et leurs répercussions pour les gouvernements au Canada. Le document a été rédigé conjointement avec l’AMC et l’Association canadienne de santé publique.

Outre les risques pour la santé dans l’Arctique, le rapport fait état de préoccupations liées aux changements climatiques dans d’autres régions du pays, dont des décès par dizaines liés à la chaleur au Québec, des maladies cardiorespiratoires causées par les feux de forêt en Colombie-Britannique et en Alberta, des troubles de stress post-traumatique, et des déplacements causés par les inondations au Nouveau-Brunswick.

Ce même rapport présente sept recommandations factuelles que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux peuvent adopter pour atténuer les répercussions des événements liés aux changements climatiques tels que ceux susmentionnés sur la santé des Canadiens.

  • Éliminer la production d’électricité à partir du charbon progressivement d’ici 2030 (ce que le Canada s’est engagé à faire).
  • Accroître les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution atmosphérique et former les travailleurs de l’industrie des combustibles fossiles dans un autre domaine.
  • Mettre en œuvre un programme de tarification du carbone dissuasif.
  • Intégrer les effets des changements climatiques sur la santé dans tous les programmes de médecine.
  • Coordonner la surveillance et la déclaration des maladies et des décès liés à la chaleur partout au Canada.
  • Veiller à ce que les organismes de santé informent proactivement la population sur les liens entre les changements climatiques et la santé.
  • Augmenter le financement alloué à l’étude des effets des changements climatiques sur la santé mentale.

À l’occasion de la publication du rapport, la Dre Howard était à Ottawa, où elle a rencontré des représentants du cabinet du premier ministre. Elle croit que le fait de présenter les changements climatiques comme un problème de santé est la façon la plus efficace de motiver le gouvernement à agir.

« Ce n’est pas une question de politique, c’est une question de santé publique, et nous devons commencer à la traiter comme telle, de la même façon que le tabac », affirme l’urgentologue.

« Comme professionnels de la santé, c’est surtout sur ce plan que nous pouvons vraiment faire bouger les choses, étant donné les nombreuses façons dont la réduction des émissions de gaz à effet de serre peut améliorer la santé. »

Le Conseil d’administration de l’AMC a récemment déterminé que la question des changements climatiques et de leur incidence sur la santé constituait un enjeu de santé mondial sur lequel l’Association devait se pencher.

« C’est l’impératif de santé publique de notre époque », soutient la Dre Gigi Osler, présidente de l’AMC, qui a aussi participé à la réunion entre l’auteure du rapport et des représentants du gouvernement.

Elle ajoute que l’AMC appuie les conclusions du rapport selon lesquelles le Canada doit continuer de faire preuve de leadership pour aborder la question des changements climatiques, notamment en élaborant des mesures de santé publique pour s’attaquer à leurs effets déjà tangibles qui se font sentir au Canada et ailleurs dans le monde.

« Il reste encore beaucoup à faire au-delà des engagements déjà pris pour adapter notre système de santé publique et notre capacité à surmonter les défis grandissants que posent les changements climatiques », conclut-elle.


Vous avez des questions ou des commentaires ?

Envoyez-nous un courriel.
Back to top