Association médicale canadienne

Dans un peu plus de deux semaines, ce sera la rentrée scolaire d’un océan à l’autre pour tous les enfants, impatients d’étrenner leurs fournitures scolaires et de revoir leurs camarades. La mère en moi sait à quel point cette étape est importante pour les enfants et les familles. Mais la pédiatre ne peut s’empêcher de s’inquiéter en raison des dernières projections concernant la pandémie et du fait que nos enfants feront encore les frais des décisions de nos dirigeants.

La hausse rapide des cas attribuables au variant delta, conjuguée au retour en classe pour des milliers d’enfants non vaccinés, pourrait donner lieu à la pire vague que nous ayons connue. Non seulement des milliers d’enfants de moins de 12 ans ne sont pas vaccinés, mais bon nombre des gens qui s’en occupent choisissent de ne pas se protéger, ce qui fait d’eux des vecteurs de la maladie.

J’ai tout entendu : les enfants ne sont pas aussi affectés par la COVID-19 que les personnes présentant une comorbidité; les enfants peuvent porter un masque; les enfants se rétablissent beaucoup plus rapidement; les enfants ne devraient pas servir de cobayes pour les vaccins; les enfants ne succombent pas à la maladie.

Certains disent que « les enfants ne meurent pas de la COVID-19 ». En pédiatrie, le taux de mortalité est un critère d’évaluation rudimentaire. Il ne tient pas compte des incapacités ou traumatismes médicaux causés par la maladie, ni des répercussions sur la famille et la santé mentale.

En tant que pédiatre, j’ai eu l’occasion de travailler dans des hôpitaux pour enfants, au sein d’équipes d’évacuation sanitaire et je suis maintenant au Yukon. Les cas augmentent en raison de la propagation rapide du variant delta : je crois que cette nouvelle vague pourrait causer un véritable fléau et tester les limites de notre système de santé. Le pire, c’est qu’il me semble que nous nous dirigeons tout droit vers l’inévitable comme si de rien n’était. Jusqu’ici, nous avons été renversés par trois vagues. Pourquoi ne mettons-nous pas à profit les leçons tirées de la pandémie? Pourquoi restons-nous là à attendre, sachant pertinemment que la vague finira par nous rattraper?

Manifestement, la quatrième vague de COVID-19 arrivera parce que nous sommes mal informés, que nous ne sommes pas assez vaccinés et que nous aurons abandonné trop tôt les stratégies d’atténuation de la santé publique. Le virus étant toujours bien présent parmi nous, pourquoi retirer le masque? Nous savons que le virus est transmissible par voie aérienne. Pourquoi ne s’occupe-t-on pas en priorité de la ventilation dans les écoles? Il reste encore deux semaines avant la rentrée. Pourquoi n’oblige-t-on pas toutes les personnes qui présentent un risque pour nos enfants à se faire vacciner ou à subir un dépistage? La méthode douce et les encouragements ne donnent plus rien, et c’est de la santé de nos enfants dont il s’agit.

 Les soins intensifs pédiatriques sont limités et ne sont accessibles que dans les grands centres, et nous avons atteint le maximum d’une grande partie de nos ressources. Les opérations d’évacuation sanitaire sont complexes et les moyens, restreints. Dans le Nord, j’ai moi-même veillé de longues nuits au chevet d’un enfant gravement malade en attente de son transfert vers une unité de soins intensifs pédiatriques en centre urbain. Qu’est-ce qui nous fait croire que la situation va s’améliorer?

Encore deux semaines. Nous pourrions appliquer dès maintenant des solutions pour éviter le pire. Compte tenu de tous les moyens dont nous disposons et des leçons tirées de la pandémie, le nombre de Canadiens et de Canadiennes entièrement vaccinés devrait être plus élevé. Remettons les masques à l’intérieur. Ventilons correctement les écoles. Ne laissons rien au hasard.

La pandémie se poursuit. Tâchons de nous rappeler que notre système de santé est passé à deux doigts de s’effondrer. Le nouveau variant est plus contagieux et virulent, et nous ne connaissons pas encore tous ses effets à long terme. Les orientations politiques et l’indécision pourraient constituer des facteurs déterminants dans notre façon de faire face à la nouvelle vague.

Les décès et les incapacités évitables ne sont pas des conséquences acceptables. Plus le nombre d’enfants atteints de la COVID augmentera, plus nous récolterons des résultats négatifs. Le calcul est facile à faire. Qui en paiera le prix? Nos enfants. Nous sommes les adultes. Responsabilisons-nous.

Dre Katharine Smart

Présidente désignée, Association médicale canadienne

 

Traduit de l'anglais du Globe & Mail. Lettre d'opinion disponible uniquement en anglais.

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