Association médicale canadienne

Développer une approche holistique de soins de santé mentale chez les jeunes

27 janvier 2020

« Nous avons réalisé que pour résoudre un problème aussi important, il ne suffisait pas d’embaucher deux autres psychiatres. Il nous fallait renforcer la capacité des gens qui prennent soin des enfants et des jeunes de leur collectivité. »

Pour de nombreux médecins de famille, c’est chose courante : un adolescent en crise vient consulter et cherche à obtenir des soins pour un problème de santé mentale. Le temps presse, mais l’ennui, c’est que l’attente pour voir un pédopsychiatre peut être d’un an.

« Les gens sont coincés, voilà ce qui se passe », souligne la Dre Jennifer Russel. Comme elle l’explique, c’est exactement le genre de problème que le programme Compass tente de résoudre.

En tant que psychiatre et directrice clinique du programme Compass, la Dre Russel fait partie d’une équipe multidisciplinaire formée il y a un peu plus d’un an pour offrir un soutien virtuel aux professionnels de la santé qui soignent des jeunes aux prises avec des problèmes de santé mentale et de consommation de substances psychoactives. Le programme Compass est offert en Colombie-Britannique et au Yukon.

« Bon nombre de ces professionnels de la santé exercent dans de très petites collectivités et n’ont personne vers qui se tourner. Ils nous appellent pour nous parler de leurs cas les plus complexes, ceux qui les empêchent de dormir la nuit. »

Grâce au programme Compass, les professionnels de la santé ont accès à l’expertise d’une équipe multidisciplinaire composée notamment de pédopsychiatres, de travailleurs sociaux, d’infirmières et de psychologues, lesquels possèdent tous de l’expérience en santé mentale et en toxicomanie.

« Les professionnels de la santé ont rarement accès à des points de vue multiples, indique Kevin Lorenz, coordonnateur du personnel infirmier. Ils ont parfois besoin de l’expertise d’une infirmière, d’un psychologue ou d’un travailleur social. »

Pour chaque appel reçu, l’équipe du programme Compass a deux objectifs : le premier est de répondre au besoin en matière de santé mentale ou de toxicomanie, et le deuxième, d’offrir un soutien au professionnel de la santé. Après la consultation, ce dernier reçoit un document écrit où figurent des recommandations à ajouter au dossier du patient ou de la patiente.

Dans environ 90 % des cas, l’équipe du programme Compass fournit aux professionnels de la santé tous les renseignements et toute l’aide dont ils ont besoin en une seule conversation téléphonique.

Pour les 10 % restants, l’équipe offre des consultations de suivi par téléphone, des services de télésanté pour les professionnels de la santé et leurs patients, des documents d’information personnalisés et d’autres ressources – bref, tout ce dont les professionnels de la santé ont besoin pour se sentir appuyés.

« Il y a quelques mois, nous avons eu un appel urgent concernant un enfant qui avait été hospitalisé dans une région éloignée du Yukon, relate la Dre Russel. Kevin et moi avons immédiatement pu fournir des services de télésanté pour aider les professionnels de là-bas à élaborer un plan d’intervention. Ce faisant, nous avons pu éviter à une mère célibataire de devoir prendre l’avion jusqu’à Vancouver, ce qui l’aurait obligée à se séparer de son autre enfant et lui aurait fait perdre des journées de travail. »

Le programme Compass, basé à l’Hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique, lequel fait partie de la Régie provinciale des services de santé de la même province, est l’idée de la Dre Susan Baer, psychiatre, et de Sonja Sinclair, la directrice du programme.


 L'équipe multidisciplinaire du programme Compass qui est basé à l’Hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique

« Je savais que cette occasion ne se présenterait qu’une fois dans ma vie », se remémore la Dre Russel, qui songeait à se joindre au programme au moment où ses créatrices se préparaient à le lancer. « J’avais la chance de résoudre un problème en employant des moyens différents. »

Le programme se démarque notamment par son engagement à fournir aux enfants et aux jeunes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie des soins dans leur propre collectivité, lorsque c’est possible.

Selon la Dre Russel, c’est là l’un des plus grands avantages du programme : tirer parti des liens solides qu’entretiennent déjà les professionnels de la santé dévoués de ces collectivités avec leurs patients.

« En aidant un professionnel à fournir des soins à un enfant qu’il a vu naître ou qu’il a soigné pour une pharyngite streptococcique ou une jambe cassée, on s’assure que cet enfant reçoit les meilleurs soins possible, ajoute-t-elle. Et je crois que cette relation est salutaire pour l’un comme pour l’autre. »

La Dre Russel indique que bon nombre de professionnels de la santé, après plusieurs appels et grâce aux documents et autres ressources qui leur sont fournis, se sentent suffisamment en confiance pour traiter des cas futurs par leurs propres moyens. Et s’ils décident qu’ils ont besoin d’une assistance supplémentaire, ils savent où aller.

« Ce sont les cas de ce genre qui contribuent à l’épuisement professionnel et à l’usure de compassion des professionnels de la santé, ajoute-t-elle. À la fin de l’appel, nous voulons que ces derniers se sentent capables de continuer seuls. Nous voulons qu’ils sentent qu’il y a de l’espoir. »

Le défi consiste maintenant à répondre à la demande. À ce jour, l’équipe du programme Compass a traité plus de 1 200 cas uniques, nombre qui ne cesse de croître à mesure que les gens découvrent ce service.

Mais avec l’appui de l’Hôpital et du ministère de la Santé de la Colombie-Britannique, la Dre Russel est convaincue qu’ils peuvent continuer ensemble de renforcer la capacité des professionnels de la santé et d’offrir aux enfants et aux jeunes de la Colombie-Britannique et du Yukon les soins dont ils ont besoin, un cas à la fois.

« La plupart d’entre nous ont tendance à penser que les soins en santé mentale sont insuffisants, affirme-t-elle. Mais le fait de travailler avec ces professionnels de la santé dévoués de partout dans la province a changé ma façon de voir les choses. Je crois maintenant que le soutien et les réponses sont là; il suffit de les chercher. »


Les opinions exprimées par les médecins initiateurs de changements le sont exclusivement à titre personnel et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Association médicale canadienne et de ses filiales. 

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