Dre Kimberly Wintemute
Dépistage des patients en difficulté
19 novembre 2018

« En présentant à notre équipe de santé familiale cette idée de dépistage ciblé de la pauvreté, nous avons contribué à faire mieux connaître l’importance de ce facteur comme déterminant social de la santé. »
Il y a trois ans, la Dre Kimberly Wintemute s’est donné une mission : déterminer quels patients de son cabinet de médecine familiale couraient un risque de vivre dans la pauvreté. La Dre Wintemute croyait qu’en connaissant la situation économique de leurs patients, les médecins pourraient aider à réduire les répercussions des conditions de vie difficiles sur leur santé.
L’idée semblait intéressante en théorie, mais son application pratique s’est avérée tout un défi.
L’Équipe de santé familiale de North York (NYFHT) réunit 86 médecins de famille répartis sur 21 sites, qui prodiguent des soins à quelque 90 140 patients dans la région de North York, une banlieue de Toronto.
« Il y a beaucoup de diversité socioéconomique dans notre secteur de la ville; il est donc très difficile pour les médecins de famille de cibler les patients qui ont du mal à joindre les deux bouts ».
La Dre Wintemute a donc décidé d’utiliser un outil ciblé de dépistage de la pauvreté pour se faciliter la tâche. L’outil combine les données de Statistique Canada sur le revenu par code postal et les données démographiques des patients contenues dans leur dossier médical électronique (DME).
« Nous avons choisi d’examiner l’intersection entre le quintile de revenu le plus bas et le plus haut degré de privation matérielle — un autre indice de Statistique Canada —, nous avons retenu les codes postaux présents dans les deux catégories, puis nous les avons cherchés dans notre DME. »
En 2015, seulement quatre médecins de la NYFHT ont participé au premier projet pilote de la Dre Wintemute. Ils ont découvert que 147 de leurs 4 000 patients vivaient dans les zones des codes postaux ayant les revenus les plus faibles. Un tiers d’entre eux ont accepté la prochaine étape, soit de répondre à une question de dépistage de la pauvreté couramment utilisée, à savoir : « Avez-vous parfois de la difficulté à joindre les deux bouts à la fin du mois? »
Au bout du compte, 12 patients ont dit qu’ils éprouvaient des difficultés. Les médecins leur ont ensuite demandé s’ils voulaient rencontrer un travailleur social de l’équipe de santé, qui pourrait les aider à accéder aux programmes sociaux du gouvernement.
« Le travailleur social peut aider les gens à optimiser leur revenu et à suivre une formation professionnelle ou à se réorienter. Ils peuvent les mettre en contact avec les ressources de la collectivité », explique la Dre Wintemute.
Avec un premier projet pilote concluant et la preuve que l’outil de dépistage de la pauvreté pourrait être mis en œuvre, elle a ensuite entrepris d’obtenir la participation d’autres médecins pour les aider à comprendre leur rôle dans l’amélioration des déterminants sociaux de la santé d’un patient.
« S’ils veulent se concentrer sur ce qui a l’effet le plus important sur le plan de la longévité et de la qualité de vie, les médecins de famille peuvent passer du temps à parler aux gens d’exercice et de nutrition, et de moyens de se sortir de la pauvreté, et à les encadrer dans leurs efforts. »
En juin 2017, elle a lancé un projet pilote de six mois. Cette fois, près de la moitié des médecins de la NYFHT se sont portés volontaires. Au total, ils avaient 27 000 patients.
En utilisant les mêmes indices de Statistique Canada, ils ont constaté que 852 de ces patients vivaient dans les zones des codes postaux correspondant à un revenu inférieur. Sur les 509 patients retenus qui ont consulté leur médecin à la clinique au cours de la période de six mois, seulement 128 se sont fait poser la question sur la difficulté à joindre les deux bouts par leur médecin.
« Pour une raison ou une autre, même les médecins qui étaient vraiment motivés par cet enjeu et qui avaient choisi explicitement de participer au projet n’ont posé la question qu’à un quart des patients qu’ils ont vus au cours de la période de l’étude. C’est ce que nous examinons maintenant pour tenter de comprendre quels ont été les obstacles ».
C’est l’un des défis du projet de la Dre Wintemute : comprendre comment faire du dépistage de la pauvreté une composante régulière de l’interaction d’un médecin avec ses patients.
Au cours du projet pilote de juin 2017, elle a trouvé la preuve qu’elle avait fait des progrès. Dans sa clinique, la sensibilisation à l’étude ciblée sur le dépistage de la pauvreté était devenue telle que même les médecins qui n’avaient pas adhéré au projet pilote ont commencé à demander à leurs patients s’ils éprouvaient des difficultés financières. Au cours de cette période de six mois, 85 patients ont été orientés vers le travailleur social pour une consultation sur l’optimisation du revenu, et ce, même s’ils ne vivaient pas dans une zone de code postal à risque élevé.
« En présentant à notre équipe de santé familiale cette idée de dépistage ciblé de la pauvreté, nous avons contribué à faire mieux connaître l’importance de ce facteur comme déterminant social de la santé, précise la Dre Wintemute. Il semble que nous avons convaincu les fournisseurs de soins primaires de notre équipe de garder davantage cette question à l’esprit. »
La Dre Wintemute affirme que le fait de savoir quels patients vivent dans la pauvreté peut être un outil important pour les fournisseurs de soins primaires.
« S’ils veulent se concentrer sur ce qui a l’effet le plus important sur le plan de la longévité et de la qualité de vie, les médecins de famille peuvent passer du temps à parler aux gens d’exercice et de nutrition, et de moyens de se sortir de la pauvreté, et à les encadrer dans leurs efforts. »
Les opinions exprimées par les médecins initiateurs de changements le sont exclusivement à titre personnel et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Association médicale canadienne et de ses filiales.
Plus de témoignages de médecins
Dre Katharine Smart
Tout médecin redoute le jour où il devra traiter un patient dont l’état est critique sans avoir accès aux ressources médicales nécessaires. C’est justement le travail avec des groupes marginalisés dans des communautés démunies qui a motivé la Dre Katharine Smart, pédiatre, à s’impliquer pour améliorer l’équité en santé.
Pour en savoir plus à propos de Dre Katharine SmartDr Scott Adams
La population de La Loche, collectivité éloignée du nord de la Saskatchewan, doit souvent parcourir de longues distances pour obtenir des services d’imagerie diagnostique. Puis la COVID-19 a frappé et limité encore davantage l’accès. Le Dr Scott Adams étudie depuis 2017 la possibilité d’utiliser l’échographie télérobotique pour régler les problèmes d’accès.
Pour en savoir plus à propos de Dr Scott AdamsDre Ann Collins
La Dre Ann Collins a grandi dans une région rurale du Nouveau-Brunswick. Aînée de huit enfants, elle a toujours voulu travailler en médecine. Son père l’a encouragée à réaliser ses rêves et lui a donné son point de vue. « Il m’a dit : ‘’Ann, je crois que tu ferais une bonne médecin. Pourquoi ne pas choisir cette voie?’’, se souvient-elle. Mon avenir était tracé. »
Pour en savoir plus à propos de Dre Ann CollinsDr Wassim Salamoun
Le Dr Wassim Salamoun, directeur médical des hôpitaux de l’ouest de l’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.), ne connaît que trop bien la difficulté de recruter des médecins en région rurale et éloignée. Pourtant, rien ne l’avait préparé à la grave pénurie de médecins qui a touché l’Hôpital Western d’Alberton (Î.-P.-É.) à l’automne 2017.
Pour en savoir plus à propos de Dr Wassim SalamounDre Jennifer Russel
Pour de nombreux médecins de famille, c’est chose courante : un adolescent en crise vient consulter et cherche à obtenir des soins pour un problème de santé mentale. Le temps presse, mais l’ennui, c’est que l’attente pour voir un pédopsychiatre peut être d’un an. Comme la Dre Jennifer Russel l’explique, c’est exactement le genre de problème que le programme Compass tente de résoudre.
Pour en savoir plus à propos de Dre Jennifer RusselDr Matthew Chow
Lorsqu’on va à Maple Ridge, en Colombie-Britannique, c’est souvent pour s’adonner à la pêche au saumon dans le fleuve Fraser ou pour parcourir à pied les 100 kilomètres de sentiers qui sillonnent la région. Mais quand le Dr Matthew Chow s’est rendu pour la première fois dans cette banlieue de la région métropolitaine de Vancouver en 2015, ce n’était pas pour admirer le paysage.
Pour en savoir plus à propos de Dr Matthew ChowDr Sandy Buchman
En 1984, le Dr Sandy Buchman est en train de bâtir sa carrière de médecin de famille. Trois ans seulement après avoir obtenu son diplôme, il a sa propre clinique à Mississauga, en Ontario, où il soigne surtout de jeunes familles. Mais un jour, la visite d’un jeune homme gravement malade change son cheminement de carrière malgré lui.
Pour en savoir plus à propos de Dr Sandy BuchmanDre Courtney Howard
C’est dans un bidonville de Djibouti, en 2010, que la détermination de la Dre Courtney Howard à lutter contre les changements climatiques et leurs conséquences négatives sur la santé s’est renforcée. Dans la clinique dirigée par Médecins sans frontières où elle travaillait, elle a vu des centaines de nourrissons et d’enfants souffrant de malnutrition. Beaucoup étaient mourants.
Pour en savoir plus à propos de Dre Courtney HowardDre Jane Lemaire
En 2004, lorsque la Dre Jane Lemaire est devenue vice-présidente responsable du bien-être des médecins au Département de médecine de l’Université de Calgary, on commençait à peine à parler de la question. « On ne trouvait presque pas de ressources (sur le bien-être des médecins). Et surtout, il y avait très peu de sensibilisation, explique-t-elle. »
Pour en savoir plus à propos de Dre Jane LemaireAvez-vous un témoignage à partager?
Vous êtes un membre de l’AMC qui inspire le changement dans le système de santé? Vous connaissez un membre de l’AMC qui mène de la recherche d’avant-garde ou élabore des programmes novateurs? Nous voulons vous entendre!