Association médicale canadienne

« Pouvoir, privilège, respect et responsabilité : voilà ce que vous a accordé la société lorsqu'on vous a nommé médecins. » Ce sont là les paroles que la Dre Jane Philpott, ancienne ministre fédérale de la Santé, a adressées aux nombreux membres de l'auditoire à l'occasion du Conseil général (CG) de l'Association médicale canadienne (AMC) en août dernier.

« La meilleure façon d'utiliser ce pouvoir est de défendre les intérêts de ceux qui n'en ont pas », a-t-elle ajouté.

Comme j'assistais au CG pour la première fois, je ne savais pas à quoi m'attendre. La nouvelle interniste que je suis n'aurait pas assisté à ce congrès si ce n'avait été du Programme d'ambassadeurs de l'AMC. Non seulement ce programme encourage les étudiants, les médecins résidents et les médecins en début de carrière à assister à l'Assemblée annuelle, mais il soutient aussi financièrement leur participation.

Je me suis sentie privilégiée d'avoir la chance d'assister au discours d'ouverture de la ministre. J'ai également été touchée par son appel à l'action passionné, dans lequel elle invitait les médecins canadiens à en faire davantage pour les populations vulnérables de notre pays, tout particulièrement pour les populations autochtones, les personnes aux prises avec des troubles de dépendance et les jeunes atteints de troubles de santé mentale.

La Dre Philpott nous a encouragés à nous concentrer sur ce que nous pouvons faire, tant individuellement que collectivement, pour améliorer la vie des personnes souffrantes ou dont la vie pourrait basculer. Quand elle a abordé le sujet de la crise des opioïdes au Canada, elle a insisté sur l'importance de la place qu'occupe la sensibilisation aux iniquités et aux traumatismes sociaux non résolus qui sous-tendent souvent la consommation de drogue à risque élevé.

« La dépendance n'est ni un crime ni un échec moral. C'est un trouble de santé. […] Les personnes ayant recours à la drogue sont… des personnes », a-t-elle expliqué.

Les thèmes de l'équité et de la justice sociale au cœur du discours de la Dre Philpott ont établi un climat inspirant, qui a été présent pour le reste du congrès.

Je n'avais pris part à aucune activité politique ou de représentation depuis mon départ de la faculté de médecine. Le rythme effréné de la résidence et le stress de me trouver un emploi m'avaient fait perdre tout désir d'être leader médical actif dans une organisation. Je me sentais trop déconnectée pour assister à un événement de l'ampleur du CG, et je soupçonne que plusieurs de mes nouveaux collègues étaient dans le même état d'esprit.

Les responsables du Programme d'ambassadeurs de l'AMC ont fait des pieds et des mains pour que les nouveaux participants comme moi se mêlent aux autres délégués et se sentent les bienvenus dans les présentations, les panels et les séances du congrès, qui a duré quatre jours. Une séance en petit groupe a même été organisée rien que pour les ambassadeurs et la Dre Philpott après le discours d'ouverture; cette dernière a ouvertement et honnêtement répondu à nos questions, qui reflétaient la réalité des médecins en formation et des médecins en début de carrière, qu'il s'agisse du manque de postes pour les nouveaux diplômés, du nombre décroissant de postes de résidence offerts ou de l'intimidation interprofessionnelle.

À cette étape de notre parcours d'ambassadeurs, il nous aurait été difficile de ne pas nous sentir acceptés et inspirés.

Le lendemain, au cours d'un panel de discussion sur les opioïdes, la présentation de la Dre Christy Sutherland sur son travail de réduction des préjudices dans la partie est du centre-ville de Vancouver lui a valu une ovation. Elle est l'exemple parfait d'une femme médecin mettant son pouvoir et son privilège au service de certaines des personnes les plus vulnérables du Canada – elle fait partie des pionniers dont la Dre Philpott faisait l'éloge dans son discours d'ouverture.

Si la Dre Sutherland nous a laissé un message à retenir, c'est celui-ci : en tant que médecins, nous nous devons d'assurer la sécurité des gens.

« De nombreux mythes entourent la réduction des préjudices, a-t-elle dit. Il est faux de dire qu'elle favorise la consommation de drogues. La sécurité n'encourage pas la consommation. »

Elle nous a invités à nous glisser dans la peau de ses patients dépendants. Ces derniers ne cherchent pas à vivre une surdose ou à mourir – ils vivent plutôt dans la peur de la mort. Leur dépendance les amène à utiliser du matériel contaminé ou des drogues illicites, ce qui fait qu'ils courent le risque de mourir chaque fois qu'ils consomment. Imaginez ce qu'ils ressentent au quotidien.

« Nous devons créer un climat de sécurité, a-t-elle ajouté. Les gens meurent moins lorsque nous les sortons de la rue et lorsque des soins médicaux sont rattachés aux interventions… En tant que médecins, c'est de cette issue que nous devons nous préoccuper. »

Le discours de la Dre Sutherland, un appel irrésistible à l'action, n'avait rien à envier au discours inspirant de la Dre Philpott. Sans contredit, les efforts de la Dre Sutherland ont un effet sur la crise des opioïdes, en apparence insurmontable.

Le programme du CG prévoyait également des présentations données par des professionnels autres que des médecins. Au cours de la dernière journée, la journaliste québécoise Liz Plank a parlé des inégalités de genre en santé, et Jacques Poulin-Denis, danseur ayant été amputé d'un pied, a livré un spectacle incroyable ayant pour thème la résilience à la suite d'une tragédie. Des séances de groupe ont également eu lieu; elles portaient sur des sujets importants, comme l'assurance médicaments nationale, la santé des médecins et l'aide médicale à mourir.

Plus nos études médicales avancent, plus notre monde rapetisse; nous pouvons nous spécialiser ou nous surspécialiser, nous consacrer à la recherche ou axer nos efforts sur une communauté ou une population particulière. Une des conséquences imprévues de ma formation a d'ailleurs été la perte de ma perspective générale. Le fait d'assister au CG m'a permis de rencontrer de nombreux professionnels à qui je n'aurais jamais parlé autrement et m'a permis de découvrir de nouvelles idées et perspectives sur des enjeux de santé canadiens très pertinents.

J'encourage tous mes collègues médecins à assister au CG au moins une fois dans leur vie, que ce soit comme ambassadeur ou non.

- La Dre Seema Marwaha 


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