Le système de santé canadien ne fonctionne pas.
Des millions de personnes ne peuvent pas obtenir les soins nécessaires, et beaucoup estiment que le système de santé ne pourra pas répondre à leurs besoins futurs. Le taux d’épuisement causé par la pression incessante a atteint un sommet chez les professionnels et professionnelles de la santé, dont plusieurs réduisent leur temps de travail ou quittent carrément leur emploi.
Pour faire face à la crise, les gouvernements ont envisagé de multiples options, notamment de modifier l’équilibre instauré depuis longtemps entre les soins publics et privés au sein du système de santé canadien.
L’Association médicale canadienne (AMC) effectue depuis un an une tournée nationale d’écoute afin de mieux comprendre ce que cela signifie pour la population canadienne, et d’adapter son travail de représentation à la réalité des circonstances actuelles.
Dans le cadre de sondages, d’événements publics organisés conjointement avec le Globe and Mail et de dialogues ciblés avec des médecins et des patients et patientes, nous avons tâté le pouls de plus de 10 000 personnes, qui nous ont fait part de leurs attentes vis-à-vis du système de santé ainsi que de leurs opinions quant à ses lacunes et à d’éventuelles solutions pour les combler.
On nous a également signifié à quel point il peut être difficile de comprendre le système de santé du Canada, qui est fondé sur une combinaison complexe de services de santé publics et privés, et son évolution. Vous pouvez en apprendre davantage à ce sujet ci-dessous, et lire les points saillants des discussions de l’AMC, des sondages ainsi qu’un résumé des données de recherche disponibles.
Les opinions et les expériences communiquées nous ont aidés à élaborer la version préliminaire d’une politique qui correspond selon nous aux valeurs et aux besoins fondamentaux des Canadiens et Canadiennes. La version définitive de cette politique sera présentée à l’automne, après que nos partenaires du secteur de la santé nous auront fait part de leurs commentaires.
Comprendre notre système de santé
Cliquez sur chaque carte pour découvrir la réalité qui se cache sous certains mythes répandus sur les soins de santé publics et privés au Canada.
Mythe : Les soins de santé sont gratuits au Canada.
Mythe : Les soins de santé privés sont une réalité nouvelle au Canada.
Mythe : La Loi canadienne sur la santé couvre tous les problèmes de santé.
Mythe : L’administration et la prestation des soins de santé relèvent des provinces et des territoires.
Mythe : Les soins de santé privés sont meilleurs que les soins publics.
Mythe : Tous les soins de santé privés sont payés directement par les patients et patientes.
Mythe : Au Canada, les médecins sont tenus de travailler dans le système de santé publique.
Mythe : Le système de santé du Canada est à la traîne par rapport aux autres pays développés.
Mythe : Les dépenses en matière de santé au Canada sont inférieures à celles d’autres pays.
Rapports
Découvrez ce que les Canadiens et Canadiennes ont à dire sur les soins de santé publics et privés, et lisez les principales conclusions d’une analyse des données de recherche.
Résultats des sondages
Sondages de l’AMC auprès de ses membres et du public
Pouvons-nous trouver le bon équilibre?
Assemblées publiques du Globe and Mail
Parlons-en : Compte rendu des discussions
Dialogues ciblés avec des médecins et des patients et patientes
Que révèlent les données probantes?
Sommaire des données de recherche
En apprendre davantage sur les soins de santé publics et privés
Pour avoir une discussion constructive au sujet de l’avenir de notre système de santé, il faut d’abord avoir une compréhension commune de l’état actuel des choses.
En quoi consiste la Loi canadienne sur la santé et que dit-elle au sujet des soins privés?
Adoptée en 1984, la Loi canadienne sur la santé est une mesure législative fédérale garantissant que le régime public d’assurance maladie est :
- universel, c’est-à-dire offert à tous les résidents et à toutes les résidentes d’une province ou d’un territoire;
- intégral, c’est-à-dire qu’il doit couvrir tous les services médicalement nécessaires fournis par les hôpitaux, les médecins et les dentistes (lorsque la prestation doit se faire à l’hôpital);
- accessible à tous les résidents et à toutes les résidentes ayant des besoins médicaux, sans qu’il y ait d’entrave sous aucun motif discriminatoire, dont la capacité de payer les services;
- transférable, c’est-à-dire qu’il doit offrir des soins aux citoyens et aux citoyennes qui voyagent au Canada ou qui déménagent dans une autre province ou un autre territoire;
- administré par le secteur public et géré sans but lucratif par le gouvernement ou une autorité publique responsable.
Qu’est-ce qui a mené à l’adoption de cette loi?
Lors de la création de l’assurance maladie dans les années 1950 et 1960, les décisionnaires se sont demandé comment mettre sur pied un régime d’assurance maladie universel et public à partir d’un ensemble de systèmes de santé composé de divers régimes d’assurance maladie privés, de médecins indépendants et d’un réseau d’hôpitaux privés à but non lucratif appartenant à des associations caritatives et à des ordres religieux.
La solution – d’abord adoptée en Saskatchewan puis étendue à l’échelle nationale avec le soutien financier du gouvernement fédéral – consistait en un régime largement financé par l’État dans le cadre duquel les soins étaient prodigués par des prestataires privés.
Toutefois, dans les années 1970, le manque de financement public a incité certains hôpitaux et professionnelles et professionnels de la santé à instaurer des frais modérateurs et d’autres frais facturés à la patientèle. Dans un contexte d’inquiétude croissante concernant l’accès aux soins de santé, Ottawa a adopté la Loi canadienne sur la santé en 1984 afin d’inscrire dans la législation fédérale des normes nationales pour les services de santé assurés par l’État.
Que dit la Loi canadienne sur la santé au sujet des soins privés?
La législation n’interdit pas la prestation de services de santé par des entreprises privées (à but lucratif ou non), à condition que la population n’ait pas à payer pour les services de santé couverts.
En fait, de nombreux aspects des soins de santé au Canada sont pris en charge par le secteur privé (services de laboratoire, nombreux médicaments et traitements, services de santé mentale, etc.).
A-t-on dû surmonter des difficultés pour atteindre l’équilibre actuel en matière de soins de santé publics et privés au Canada?
L’augmentation des temps d’attente pour obtenir des soins dans le système public a donné lieu à deux contestations juridiques importantes :
- Chaoulli c. Québec : visant à annuler les lois interdisant les assurances privées pour les services médicalement nécessaires.
- Cambie Surgeries Corporation c. Colombie-Britannique : visant à annuler les interdictions de double pratique dans les systèmes de santé publics et privés.
Quelle a été l’issue de ces contestations?
La Cour suprême du Canada a statué en faveur de Chaoulli, ce qui a permis d’élargir les options de soins de santé privés. En revanche, les tribunaux de la Colombie-Britannique ont statué en faveur du gouvernement dans l’affaire Cambie, réaffirmant les principes fondamentaux de l’assurance maladie.
Qu’en est-il aujourd’hui?
La pénurie de travailleurs et travailleuses de la santé qui a suivi la pandémie et l’augmentation des délais d’attente pour avoir accès aux services de santé financés par l’État soulèvent de nouveau des questions à propos de l’équilibre entre les soins publics et privés, notamment en ce qui concerne les restrictions relatives au paiement par le secteur privé, l’accent mis par la Loi canadienne sur la santé sur les services hospitaliers et médicaux et la capacité des provinces et territoires à transférer au secteur privé la prestation des soins de santé financés par l’État.
Dans le but d’accroître la capacité du système, certaines provinces financent des établissements chirurgicaux, des cliniques d’IRM et des services de soins virtuels privés et à but lucratif. Entre-temps, le gouvernement fédéral a lancé un nouveau régime de soins dentaires et pris des mesures pour créer un régime national d’assurance médicaments.
Comment les frais modérateurs et la facturation directe à la patientèle influent-ils sur les résultats en matière de santé?
Facturation directe pour des soins au Canada
On entend par facturation directe le montant facturé directement à la patientèle pour des services de santé qui dépassent ce qui est couvert par les régimes d’assurance publics ou privés. La Loi canadienne sur la santé et la législation parallèle des provinces et territoires ont grandement éliminé les frais modérateurs et la facturation directe à la patientèle pour les services hospitaliers et médicaux.
Toutefois, il existe malgré tout de nombreux exemples de frais directs facturés à la patientèle. La plupart des régimes publics d’assurance médicaments comprennent des franchises et des quotes-parts. Les régimes d’assurance privée supplémentaire comprennent habituellement des franchises et une co-assurance pour les médicaments d’ordonnance, les soins de la vue et dentaires et des services de santé fournis par une multitude de professionnels et professionnelles de la santé (p. ex., physiothérapeutes, psychologues, diététistes).
Les pièges et les avantages de la facturation directe à la patientèle
La principale préoccupation est que ce type de paiement risque de dissuader certaines personnes, en particulier les patients et patientes à faible revenu, d’avoir accès aux services de santé dont elles ont besoin, ce qui peut entraîner des résultats indésirables en matière de santé. Les adeptes des frais modérateurs affirment cependant que ces frais contribuent à réduire le recours inutile aux services de santé et à contrôler les coûts, tout en constituant une source de financement supplémentaire pour le système de santé.
Ce que révèlent les données probantes
Selon un sommaire des meilleures données de recherche disponibles compilé par le Forum de l’Université McMaster sur la santé, les frais modérateurs réduisent non seulement le recours inutile aux services de santé, mais également celui qui serait nécessaire; en outre, ils n’entraînent pas de baisse de coûts du système ni l’adoption de modes de vie plus sains. Pour les groupes à faible revenu, ces frais sont associés à des reports de soins, au non-respect des plans de traitement et à de moins bons résultats en matière de santé.
Pourquoi certaines personnes s’opposent-elles à l’élargissement des soins privés?
L’interface public-privé dans les soins de santé concerne le type de système que nous voulons en tant que société et la manière dont nous mobilisons les différentes personnes qui y participent – médecins, personnel infirmier, personnel des établissements de soins de longue durée, etc. – pour répondre aux besoins de la population.
Les personnes opposées à l’élargissement des soins privés font valoir que cela creuserait les inégalités, en créant un système à deux vitesses défavorable aux populations à faible revenu, et en détournant le personnel et les ressources limitées du système public.
Que dit la recherche sur les conséquences des soins privés?
Les données probantes tirées des recherches internationales indiquent clairement que la prestation de services couverts par l’État par des établissements à but lucratif entraîne une qualité moindre et des coûts plus élevés. Toutefois, comme ces données sont quelque peu obsolètes et se basent essentiellement sur l’expérience des États-Unis, des recherches et des analyses plus poussées sur le contexte du Canada sont nécessaires.
Quel est le rendement actuel du système de santé public du Canada?
Si le système de santé du pays a longtemps été une source de fierté nationale, beaucoup de Canadiennes et de Canadiens ont aujourd’hui du mal à obtenir des soins, et les temps d’attente sont longs pour tout – que ce soit pour se voir attribuer un ou une médecin de famille ou pour subir une intervention chirurgicale.
Le dernier rapport annuel de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) révèle cependant que le Canada fait mieux que la moyenne en ce qui a trait à l’état de santé ainsi qu’à la qualité et aux résultats des soins, ce qui comprend la vaccination systématique, le dépistage du cancer et les pratiques de prescription sûres en soins primaires.
Par exemple, l’espérance de vie au Canada est de 81,6 ans, soit 1,3 an au-dessus de la moyenne de l’OCDE, et seulement 2,8 % des personnes considèrent leur santé comme étant « mauvaise » ou « très mauvaise », en comparaison avec la moyenne de 7,9 %. Par ailleurs, le pourcentage de femmes ayant bénéficié d’un dépistage pour le cancer du sein est de 60 %, soit plus que la moyenne de l’OCDE (55 %).
Si un service est déjà couvert par le système public, est-ce que le fait de permettre à des personnes de payer pour l’obtenir a des effets négatifs?
Lorsqu’un régime privé couvre des services de santé déjà pris en charge par le régime d’assurance maladie provincial ou territorial, on parle d’assurances privées faisant « double emploi ». Cinq provinces (Alberta, Colombie-Britannique, Manitoba, Ontario et Île-du-Prince-Édouard) interdisent ce type d’assurances, auquel la décision rendue par la Cour suprême dans l’affaire Chaoulli c. Québec a cependant ouvert la porte.
Quels sont les avantages et les inconvénients des assurances privées faisant double emploi?
Les personnes qui s’opposent aux assurances privées faisant double emploi s’inquiètent habituellement d’un système de soins de santé à deux vitesses, des conséquences négatives connexes sur le système public (en raison de l’attrait du secteur privé pour les ressources humaines en santé) et d’une éventuelle hausse des coûts. Les adeptes de ce type d’assurances affirment en revanche qu’il permet d’accroître la capacité, d’alléger la pression exercée sur le système public et de favoriser la concurrence dans un secteur qui n’est pas soumis aux forces du marché.
Que disent les données probantes?
Selon un sommaire des meilleures données de recherche disponibles compilé par le Forum de l’Université McMaster sur la santé, dans les pays où il existe des assurances privées faisant double emploi, les patients et patientes ayant un régime privé ont déclaré des temps d’attente plus courts, un meilleur accès à de nouveaux médicaments et un plus grand choix de soins, alors que ceux et celles du système de santé public ont fait état de temps d’attente plus longs pour avoir accès à des soins primaires et spécialisés. Des données ont montré par ailleurs que les services de santé financés par le privé n’allégeaient pas la pression exercée sur le système public et pouvaient en fait en détourner les ressources.
Au Canada, mentionnons que même au Québec, les assureurs n’ont pas élargi leur offre pour y inclure la couverture de services publics à la suite de la décision rendue dans l’affaire Chaoulli. Les assureurs des autres provinces où ce type d’assurances est permis ne l’ont pas fait non plus.
Quelles sont les répercussions sur l’accès aux soins lorsque les médecins sont autorisés à fournir des services dans les secteurs privé et public?
Il n’existe pas suffisamment de données de recherche à grande échelle pour répondre à cette question.
Alors que la double pratique – lorsque des médecins ou d’autres professionnels et professionnelles de la santé prodiguent des soins dans des structures financées par l’État et par le secteur privé – est courante à l’échelle internationale, au Canada, elle est soit restreinte, soit carrément interdite.
La plupart des provinces et des territoires exigent que les médecins choisissent l’assurance maladie publique ou s’en désaffilient. S’ils choisissent de s’en désaffilier, ils ne peuvent pas facturer le gouvernement pour des services couverts par les régimes publics d’assurance maladie.
L’incidence des soins virtuels
L’expansion rapide des soins virtuels à but lucratif est venue brouiller les cartes, d’abord durant la pandémie, puis comme façon de combler le vide créé par les pénuries courantes de travailleurs et travailleuses de la santé. Par exemple, en vertu des règles actuelles, des médecins peuvent continuer de travailler dans le système public de leur province de résidence tout en offrant des soins virtuels financés par le privé pour des patients et patientes qui habitent ailleurs. Le gouvernement fédéral a récemment indiqué qu’il collabore avec les provinces et territoires pour régler cette question.
Que disent les spécialistes au sujet de la double pratique?
Les arguments contre la double pratique portent sur les effets possiblement négatifs sur l’accès à des services médicaux dans le système public, l’augmentation éventuelle des traitements non prioritaires dans le secteur des soins privés, le dédoublement des efforts des prestataires publics et privés et la possibilité de conflits d’intérêts. Les adeptes font plutôt valoir que cette façon de faire pourrait améliorer l’accès aux soins et fournir un meilleur environnement de travail aux médecins.
L’AMC fait le point sur…
Comprendre les soins de santé publics et privés
Glossaire
Termes couramment utilisés dans les discussions sur les soins publics et privés
Retrait du régime public
Règles encadrant la médecine privée dans les provinces et les territoires
Situation à l’étranger
Comparaison du recours aux soins publics et aux soins privés entre le Canada et cinq autres pays membres de l’OCDE