Association médicale canadienne

Le médecin résident québécois Dr Mathieu Nadeau-Vallée explique comment il a vu en TikTok un outil de santé publique

5 avril 2022

Avec plus de 1,2 million de mentions « j’aime » sur ses vidéos TikTok et 75 000 abonnés, le Dr Mathieu Nadeau-Vallée est devenu l’un des principaux influenceurs québécois dans le domaine des soins de santé. Docteur en médecine et en pharmacologie et résident en anesthésiologie à l’Université de Montréal, il se sert de la plateforme pour combattre la désinformation et encourager les gens à aller se faire vacciner.

Pourquoi avez-vous décidé d’utiliser TikTok pour faire de la vulgarisation scientifique?

Je dirais que c’est quand j’ai pris conscience que la désinformation sur les vaccins tue. Je me suis dit que via TikTok, je pouvais avoir un très gros impact en employant un moyen relativement facile. J’avais l’occasion d’avoir un pouvoir d’influence positive.

Bon nombre de vos vidéos portent sur les vaccins contre la COVID-19. Y a-t-il des gens qui ont communiqué avec vous pour vous dire que vous les aviez convaincus d’aller se faire vacciner?

Oui! Au moins 1 000 personnes sont allées se faire vacciner après avoir visionné mes vidéos. Je compte tous les témoignages que je reçois. J’en suis vraiment fier! J’imagine qu’il y en a plus, car ce n’est pas tout le monde qui me témoigne avoir changé d’avis, mais c’est déjà beaucoup!

 

Quelles conséquences la désinformation peut-elle avoir sur la santé des gens en général?

Ça peut avoir des conséquences très graves, comme n’importe quelle désinformation. Si on est convaincu de quelque chose qui met en danger notre santé, c’est toujours préoccupant pour les médecins. Par exemple, si quelqu’un disait en ligne d’arrêter de prendre de l’aspirine et qu’un patient qui en prend régulièrement décidait d’arrêter subitement, ça pourrait lui coûter sa vie. 

Votre formation en pharmacologie a-t-elle influencé vos publications dans les médias sociaux?

Durant le Ph. D. en pharmacologie, on apprend à être critique de la littérature scientifique, à la mettre en contexte et à l’analyser. Je dirais que dans le contexte de la pandémie, cela m’a beaucoup aidé à faire mes capsules TikTok, car la COVID-19, c’est très médical, mais c’est aussi très scientifique.

Comment avez-vous choisi le pseudonyme Wal_Trudeau sur TikTok?

On m’a déjà dit que je ressemblais à Justin Trudeau, mais en version cheap! Il faut savoir qu’au début, j’utilisais TikTok pour faire des vidéos drôles, alors je me suis inscrit sous le nom Wal-Mart Justin Trudeau. Plus je me suis mis à faire de la vulgarisation scientifique, moins je pouvais le faire sous le nom de Justin Trudeau, alors je l’ai tout simplement changé pour Wal_Trudeau.

Les gens sur les médias sociaux peuvent être hostiles à l’endroit des travailleurs de la santé. Vous a-t-on déjà pris à partie? Y a-t-il des réponses qui vous ont amené à remettre en question votre travail sur le Web?

Oh! mon Dieu, il y en a plusieurs! La principale est que je serais apparemment payé par Pfizer. Des gens ont créé de faux comptes Twitter en mon nom sur lesquels on pouvait lire que j’admettais être payé par les entreprises pharmaceutiques. J’ai aussi été accusé d’être payé pour tuer des gens et j’ai aperçu des collages de mon visage me dépeignant comme un nazi.

Il y a aussi des menaces plus explicites, comme les quelques-unes que j’ai reçues où les intimidateurs m’ont dit que s’ils me voyaient dans la vraie vie, ils me donneraient un coup de poing ou pire. J’ai d’ailleurs dû en alerter les services policiers.

Remarquez-vous une politisation de la santé?

Oui, je remarque cela et je le déplore. La science doit absolument rester apolitique. Dès qu’elle devient politique, les gens deviennent sceptiques, et ça entraîne de graves répercussions sur la santé des gens.

Prévoyez-vous de poursuivre votre travail de vulgarisation scientifique lorsque la pandémie prendra fin?

De moins en moins, parce que je crois que j’ai fait tout ce que je pouvais faire pour convaincre les gens d’aller se faire vacciner. Je considère qu’on a atteint le noyau dur de la société. À ce stade-ci, je crois que la plupart des gens qui refusent obstinément de se faire vacciner ont de grosses tendances anti-science. Mon travail pour l’instant vise davantage à encourager les gens à aller chercher leur dose de rappel, car on sait qu’elle est efficace et qu’elle sauve des vies.  

 

Que comptez-vous faire après votre résidence?

Je m’oriente vers un programme de clinicien-chercheur. Je viens d’ailleurs d’être admis à la maîtrise en épidémiologie. Une fois ma résidence terminée, j’aimerais faire 40 % de recherche et 60 % en anesthésie à l’hôpital.

C’est sûr qu’en tant qu’anesthésiste, on ne parle pas beaucoup aux patients, mais les 10 minutes pendant lesquelles on leur parle sont très importantes! Ça peut être assez anxiogène une anesthésie générale.

À votre avis, quel sera le rôle des médecins dans les 20 prochaines années? 

À mon avis, des principes médicaux devraient être inclus dans le cursus scolaire au secondaire. Il faut mettre beaucoup l’accent sur la sensibilisation du public et la vulgarisation (ou démocratisation) de la science. Ce n’est pas normal qu’en 2022, dans notre société, autant de personnes ne comprennent pas comment un vaccin fonctionne. Les travailleurs de la santé ont un rôle important à jouer en terme de promotion de la santé.

La transcription de l’entrevue a été retouchée pour plus de concision et de clarté.

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