Association médicale canadienne

Dre Najma Ahmed

On croit souvent que la violence liée aux armes à feu se passe dans les ruelles sombres et implique surtout des gens déjà criminalisés.

La Dre Najma Ahmed a constaté personnellement que ce n'était pas le cas. Chirurgienne en traumatologie à l'Hôpital St. Michael de Toronto, elle en a traité, des blessures par balle.

« On voit de plus en plus d'incidents se produire en plein jour, dans des endroits publics, avec plusieurs victimes choisies au hasard », affirme-t-elle.

Le moment décisif pour la chirurgienne s'est produit en juillet 2018, quand un homme de 29 ans a ouvert le feu sur l'avenue Danforth, dans le quartier grec de Toronto, tuant deux personnes et en blessant 13 autres. Cette soirée-là, la Dre Ahmed a été appelée au travail pour opérer trois victimes.

Après l'événement, il est devenu évident pour elle que les choses devaient changer. Elle a commencé à parler de son expérience et, au fil d'apparitions fréquentes dans les médias, elle s'est fait connaître comme experte des effets de la violence liée aux armes à feu et ardente défenseure de la restriction de l'accès aux armes à feu.

Un mouvement citoyen

La Dre Ahmed a formé un groupe local composé de médecins aux points de vue similaires, qui est devenu le groupe Médecins canadiens pour un meilleur contrôle des armes à feu (Canadian Doctors for Protection from Guns, ou CDPG). Le groupe compte à ce jour près d'un millier de membres qui travaillent à sensibiliser la population et intercèdent auprès des responsables des orientations politiques pour arriver à réduire le nombre de blessures par balle.

« Les gens pensent que lorsqu'une personne se fait tirer dessus, soit elle meurt, soit elle se rétablit et passe à autre chose. Or la réalité est bien plus complexe », raconte la Dre Ahmed.

Le rétablissement après des blessures par balle peut être extrêmement pénible et nécessiter des mois d'hospitalisation, en plus d'années de réadaptation et de physiothérapie. Certains patients ne s'en remettent pas complètement et restent paralysés ou vivent avec de la douleur chronique et d'autres problèmes de santé récurrents. Plusieurs ont besoin d'un suivi psychologique continu en raison de leur traumatisme et de la peur qui ne les quitte jamais. Ce traumatisme affecte aussi leurs proches, leur collectivité et même l'économie, puisque plusieurs victimes n'arrivent jamais à retourner au travail.

Faire des armes à feu un enjeu de santé publique

Empruntant la terminologie de l'Organisation des Nations Unies, le CDPG veut que le contrôle des armes à feu soit considéré sous l'angle de la santé publique et non de la propriété. La Dre Ahmed souligne la forte corrélation entre l'accès aux armes à feu et la prévalence du suicide. Elle mentionne aussi que, dans son ensemble, malgré le bilan positif du Canada en matière de justice sociale, le pays tire de l'arrière par rapport à plusieurs pays industrialisés en ce qui concerne les politiques et la législation sur les armes à feu.

Le groupe Médecins canadiens pour un meilleur contrôle des armes à feu veut changer la situation. La Dre Ahmed a représenté le groupe devant le Comité sénatorial lors du débat sur le projet de loi C-71, qui visait à apporter de nouvelles restrictions sur l'acquisition et la possession d'armes à feu. Elle a également participé à une rencontre sur la violence liée aux armes à feu avec le premier ministre Justin Trudeau.

Le 1er mai 2020, le gouvernement a banni environ 1500 modèles et variantes d'armes d'assaut de type militaire, dont certains étaient auparavant utilisés pour des tueries de masse. Le CDPG travaille actuellement au renforcement du projet de loi C-71 et plaide en faveur d'une stratégie nationale sur les armes de poing semi-automatiques.

« Nous avons encore beaucoup de chemin à faire, mais je suis incroyablement fière de nos réalisations et du soutien que nous avons reçu partout au pays, souligne-t-elle. À nos débuts, on parlait surtout de droits de propriété, mais aujourd'hui, même le premier ministre reconnaît qu'il s'agit d'une question de santé publique. Cela me remplit d'espoir en l'avenir. »

La Dre Najma Ahmed reçoit le prix Sir-Charles-Tupper de représentation politique en reconnaissance de son leadership, son engagement et son dévouement dans la promotion des objectifs et des politiques de l'AMC par le biais d'initiatives de représentation locale.

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