Dre Katharine Smart
Lutter contre les iniquités en matière de santé dans les communautés mal desservies
18 août 2021

« Notre système de santé fonctionne bien pour certaines personnes, mais il y a énormément de gens pour qui il ne fonctionne pas du tout. »
Chaque médecin redoute le genre de situations qu’a vécu la Dre Katharine Smart, pédiatre à Whitehorse.
Elle traitait une fillette de deux ans atteinte du syndrome de défaillance multiviscérale, et le temps pressait.
« Elle était en train de mourir, mais je n’arrivais pas à obtenir une évacuation médicale », explique-t-elle. « Après l’annulation de trois évacuations médicales à partir de deux hôpitaux pour enfants, je me rappelle m’être dit : cette enfant ne peut pas mourir de cette manière. »
Gravement atteinte de la leucémie et d’une infection invasive à streptocoque du groupe A, la petite fille devait être transférée dans un centre mieux pourvu en ressources. La Dre Smart devait agir rapidement.
« J’ai dû convaincre les Services médicaux d’urgence du Yukon de me fournir un avion et accompagner la patiente moi-même à bord avec leurs médecins. Ensemble, nous avons rassemblé tous les médicaments nécessaires, installé les parents dans l’appareil et embarqué l’enfant avant de décoller pour Vancouver. »
Après plusieurs semaines à l’unité de soins intensifs, la fillette s’est rétablie et est finalement retournée dans sa famille.
Pour la Dre Smart, cet épisode n’a fait que renforcer sa détermination à améliorer l’équité en matière de santé, d’abord à titre de présidente de l’Association médicale du Yukon, puis maintenant à titre de prochaine présidente de l’Association médicale canadienne.
Spécialisée en médecine d’urgence pédiatrique et en traumatologie pédiatrique, la Dre Smart a commencé sa carrière dans des centres urbains, notamment à l’Hôpital pour enfants de l’Alberta, à l’Hôpital pédiatrique Royal Children de Melbourne et à l’Hôpital pour femmes de la Colombie-Britannique, soit des établissements bien pourvues en ressources et dotées d’un personnel, d’un équipement et d’un réseau de recherche de première qualité.
« Nous tenons pour acquises les choses auxquelles nous avons accès. » – Dre Katharine Smart
Toutefois, tout au long de sa formation et de sa carrière, elle a entretenu des liens avec les communautés nordiques; elle a passé un mois au Nunavut à titre de résidente en pédiatrie, puis a régulièrement travaillé comme médecin suppléante à Thompson, au Manitoba.
En 2017, alors qu’elle était au Yukon pour y donner un cours de médecine, la Dre Smart a de nouveau constaté diverses difficultés liées à l’accès aux soins. À Whitehorse, les patients pouvaient consulter en pédiatrie cinq jours par mois seulement.
Créer un programme de soins de santé pour enfants à partir de zéro
Mue par l’idée de contribuer de façon significative à la santé des enfants dans le nord du pays, la Dre Smart s’est installée au Yukon, où elle a élaboré un plan pour créer un nouveau programme de soins de santé pour les enfants. Aujourd’hui, ce programme comprend trois pédiatres à temps plein, un horaire de garde qui couvre 365 jours par année, un plan d’évacuation médicale pédiatrique et néonatale ainsi que les services d’un pédopsychiatre.
« Nous sommes passés d’une offre de services minimale à un programme de pédiatrie exhaustif au Yukon », affirme-t-elle.
Le programme dessert également les nombreuses communautés yukonnaises des Premières Nations, pour qui tous les services, des tests diagnostiques de base jusqu’aux interventions vitales, se trouvent à des centaines de kilomètres. Comme il fait en sorte que des pédiatres de Whitehorse se rendent régulièrement dans ces collectivités, les enfants peuvent recevoir les soins dont ils ont besoin sans devoir nécessairement se rendre dans la capitale. Les améliorations sont tangibles : les déplacements des enfants à des fins médicales, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du territoire, ont chuté de 70 %.
En outre, dans l’optique de décoloniser les soins de santé, l’équipe de pédiatres travaille avec le Conseil des Premières Nations du Yukon pour offrir des ateliers au centre culturel Kwanlin Dünn de Whitehorse. Ces salons de la santé collaboratifs offrent aux familles l’occasion de rencontrer des aînés et de goûter des plats traditionnels tout en faisant la connaissance de l’équipe de soins pédiatriques.
Mais il reste encore beaucoup à faire.
Pour la Dre Smart, qui a grandi en milieu rural en Saskatchewan, la santé d’un enfant influe énormément sur son état de santé quand il passe à l’âge adulte, puis tout au long de sa vie.
« Dans le domaine de la santé, les plus importantes disparités sont immanquablement liées aux déterminants sociaux de la santé », dit-elle. « Presque tous les enfants que je vois ont vécu un traumatisme dans leur petite enfance. »
Défendre les droits des communautés marginalisées
Après une année au poste de présidente de l’Association médicale du Yukon, la Dre Smart a commencé à mettre de l’avant les partenariats communautaires comme moyen de lutter contre les iniquités de longue date en matière de santé. Présentement étudiante au certificat en santé publique autochtone de l’Université de la Colombie-Britannique, elle estime que la seule façon de contrer les iniquités que subissent les peuples autochtones sur le plan de la santé, c’est de travailler en partenariat avec eux.
« La santé, ce n’est pas prendre des bêtabloquants, mais se réclamer de son identité comme communauté. Nous avons déjà plusieurs chefs de file respectés des Premières Nations qui travaillent sur cette question. Je compte leur offrir mes compétences et travailler sous leur gouverne. »
Selon la Dre Smart, la pandémie a démontré le pouvoir du travail de représentation des médecins, que ce soit pour presser les décideurs politiques de mettre en place des cliniques de vaccination mobiles ou d’accorder des congés de maladie payés.
« Ce sont ceux et celles qui auraient le plus de raisons de se plaindre qui se plaignent le moins. C’est vrai autant à l’échelle individuelle que pour les populations de patients, affirme-t-elle. Nous devons faire entendre leurs voix. »
Les opinions exprimées par les médecins initiateurs de changements le sont exclusivement à titre personnel et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Association médicale canadienne et de ses filiales.
Plus de témoignages de médecins
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