Pour les médecins, partout au Canada, l’arrivée de la saison des rhumes et de la grippe coïncide avec une recrudescence des demandes d’attestations de maladie. La plupart sont liées à des problèmes de santé de courte durée qui ne nécessitent ni diagnostic ni traitement. Et au moment où les personnes obtiennent enfin un rendez-vous médical, leur maladie est souvent déjà guérie. Il est donc impossible pour les prestataires de soins de confirmer qu’elles étaient bien malades.
Pourtant, les médecins consacrent chaque année environ 1,5 million d’heures aux attestations de maladie, ce qui représente l’équivalent de 6 millions de consultations. À l’heure où une personne sur cinq au Canada n’a pas de médecin de famille et où les niveaux d’épuisement professionnel atteignent de nouveaux sommets, les attestations de maladie représentent plus qu’une nuisance : elles contribuent à la crise plus large dans le système des soins de santé.
Pour régler le problème partout au pays, l’Association médicale canadienne (AMC) demande la suppression des exigences relatives aux attestations de maladie pour des problèmes de santé mineurs de courte durée.
Dans un récent sondage mené par Abacus Data pour le compte de l’AMC, un tiers des personnes interrogées ont déclaré que leur employeur avait exigé une attestation de maladie pour une absence de courte durée au cours de l’année écoulée. Cela risque pourtant davantage de causer une détérioration de la santé du personnel (et probablement de la productivité) que de réduire l’absentéisme.
Les demandes d’attestation de maladie pour un problème de santé mineur comme un simple rhume empiètent sur le temps de repos et de rétablissement à la maison. Pour des personnes qui perdent une partie de leur salaire, disposent d’options de transport limitées, doivent agir comme proches aidants ou proches aidantes ou éprouvent des difficultés à accéder à un ou une prestataire de soins, les attestations de maladie peuvent exacerber les inégalités en matière de santé.
Il n’est donc pas surprenant que, dans un sondage réalisé en 2018, 82 % des personnes interrogées aient déclaré qu’elles préféraient aller travailler malades plutôt que de demander une attestation de maladie. Ces personnes sont donc plus susceptibles de contaminer d’autres personnes, ce qui fait augmenter l’absentéisme.
Lorsque les organisations instaurent des politiques d’exigences relatives aux attestations de maladie pour gérer les ressources humaines et lutter contre l’absentéisme, elles augmentent en fait la pression sur le système de santé. Les visites dans des cliniques médicales pour des problèmes de santé mineurs de courte durée mettent inutilement en danger la patientèle plus vulnérable. Et que font les personnes qui n’ont pas de médecin ou ne peuvent pas obtenir rapidement un rendez-vous? Elles se rendent dans des services d’urgence déjà débordés. (Lors d’une récente garde, un collègue a traité quatre demandes d’attestation de maladie.)
L’élimination des attestations de maladie constituerait également une stratégie clé pour améliorer le bien-être des médecins. Ces attestations s’ajoutent en effet à la paperasserie qui contribue à l’épuisement des prestataires. Le Sondage national de l’AMC sur la santé des médecins de 2021 a révélé que 53 % des personnes répondantes se sentaient très épuisées, notamment en raison de leur fardeau administratif.
On observe cependant une impulsion en faveur du changement. En 2023, la Nouvelle-Écosse a adopté une loi visant à restreindre le recours aux attestations de maladie. L’Ontario et le Québec emboîtent le pas. En plus d’appeler tous les gouvernements à prendre des mesures semblables, l’AMC a récemment publié un énoncé de position sur les attestations de maladie, dans lequel elle recommande aux employeurs et aux établissements d’enseignement d’adopter d’autres solutions, notamment des déclarations signées par le personnel (autocertification) et des rencontres de suivi ou de retour au travail. On pourrait également mettre en place un système d’accumulation des jours de congé de maladie ou offrir des journées de bien-être mobiles ou des jours de congé personnel, sans attestation de maladie obligatoire.
Plus généralement, nous devons cesser de dépendre des médecins pour des problèmes qui ne nécessitent ni intervention ni expertise médicale. Les attestations de maladie relèvent des ressources humaines, et non du système de santé. Tenons-nous-le pour dit.
Dre Joss Reimer, présidente de l’AMC
Cet article a été publié initialement dans le site Web journalistique Healthy Debate.