Association médicale canadienne

Dans la dernière année, j’ai entendu d’innombrables patientes et patients parler de leurs difficultés à obtenir des soins de santé au Canada.

L’un prend ses médicaments pour le cholestérol une journée sur deux plutôt que tous les jours, comme l’indique son ordonnance, pour réduire ses coûts. L’autre a du mal à obtenir une reconstruction après le retrait d’une tumeur cancéreuse au visage. Nombre de personnes blessées se sentent forcées de retourner au travail alors qu’elles attendent des services de réadaptation, au risque de souffrir de douleur chronique et de retarder le rétablissement complet.

Ce genre d’expériences a mené certains gouvernements à se tourner vers le secteur privé pour élargir l’accès aux soins de santé, remettant en cause un équilibre établi depuis longtemps au pays entre les soins de santé publics et privés. Est-ce la bonne voie à suivre?

Pour comprendre les implications de l’élargissement du rôle du secteur privé pour la patientèle, les médecins et le public – et pour mettre à jour sa politique de 2007 – l’Association médicale canadienne (AMC) a mené pendant un an un dialogue national sur cette question.

Dans le cadre de sondages, de quatre assemblées publiques et de 17 discussions avec la patientèle et les médecins, nous avons entendu les aspirations de plus de 10 000 Canadiennes et Canadiens par rapport au système de santé, et leurs suggestions quant aux meilleurs moyens de combler les lacunes du système actuel.

Vu l’état actuel du système de santé, certaines personnes consultées croient fermement qu’il devrait être possible de payer pour obtenir des soins rapidement. Beaucoup de médecins ont indiqué que le fait de voir la patientèle s’éterniser sur des listes d’attente interminables engendrait de la détresse morale et de l’épuisement professionnel.

Si l’apport du secteur privé dans la résolution des lacunes en matière de soins a été souligné, l’équité des soins – quelle que soit la capacité de payer pour des services – demeure une valeur fondamentale. J’ai constaté un appui ferme et une fierté immense relativement au système de santé universel du Canada, et j’ai observé un grand désir d’y voir des investissements plus importants.

Les personnes consultées ont indiqué être à l’aise avec le recours au secteur privé surtout lorsqu’il est impossible d’obtenir rapidement des soins au public – pour autant que ces soins soient payés par le gouvernement (et non par la patientèle).

« Personne ne doit être laissé pour compte », a indiqué une personne consultée.

Malgré l’érosion évidente du système de santé public, j’ai aussi découvert l’existence d’îlots d’excellence dans tout le pays. Les équipes de soins de santé primaires, qui tirent parti des compétences propres à chaque profession pour optimiser les résultats, constituent une tendance encourageante. À cet égard, les centres de médecine de famille de l’Île-du-Prince-Édouard offrent un bel exemple de réussite.

De nombreuses personnes consultées ont mentionné l’importance de la collecte et de la mise en commun de données sur les services de santé normalisées, précises et fiables, dans un souci de respect du caractère personnel des renseignements traités, ainsi que de leur conservation dans un lieu centralisé, pour favoriser la transparence et la responsabilisation au sein du système.

On a noté des progrès encourageants sur ce plan avec l’adoption récente d’une loi permettant aux Canadiennes et aux Canadiens d’accéder à leurs données de santé et exigeant que les entreprises prestataires de services de santé numériques adoptent des normes communes et garantissent l’échange de renseignements sécurisés.

Le principe directeur de l’AMC veut que l’ensemble de la population canadienne puisse accéder à des soins de santé de qualité en temps opportun, quelle que soit la capacité de payer, et que les travailleuses et travailleurs de la santé méritent une charge de travail raisonnable et un environnement de travail sain.

À partir de ces valeurs, de nos consultations nationales et d’une revue systématique des études réalisées et des données probantes, l’AMC a révisé sa politique relative à l’équilibre des soins publics et privés à partir de sept principes clés :

  • Qualité
  • Reddition de comptes et transparence
  • Exhaustivité
  • Intégration
  • Autonomie clinique
  • Durabilité et abordabilité
  • Responsabilité professionnelle

Cet automne, après de plus amples consultations des parties prenantes, nous publierons la version définitive de cette politique. Nous avons aussi constaté une certaine incompréhension du fonctionnement actuel, de la prestation et du financement des soins de santé. Pour aider la population à s’y retrouver dans ce système complexe et à prendre des décisions éclairées, nous avons lancé une campagne d’information sur nos comptes de médias sociaux et en ligne.

À l’approche de la fin de mon mandat à la présidence de l’AMC, j’envisage avec optimisme l’avenir du système de santé au Canada. Je remercie les milliers de Canadiennes et de Canadiens qui ont participé à nos consultations nationales, raconté leurs expériences et exprimé leur point de vue. Il s’agit de sujets délicats, mais il est important que nous soyons à l’aise d’en discuter ensemble.

Notre système de santé traverse une période charnière. La discussion ne fait que commencer, donc continuons de parler des soins de santé que nous souhaitons avoir.

La Dre Kathleen Ross est médecin de famille à Coquitlam et à New Westminster, en Colombie-Britannique, et coprésidente de l’Association médicale canadienne.

Cette lettre d’opinion a été publiée initialement dans le site Web journalistique Healthy Debate.

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