Chaque année, les gouvernements consacrent à notre système de santé public des centaines de milliards de dollars provenant des poches des contribuables. En 2023, les dépenses prévues s’élevaient à 344 G$, soit environ 8 740 $ par personne. C’est beaucoup d’argent pour un système de santé chancelant. Alors que 2024 tire à sa fin et que bon nombre de Canadiennes et de Canadiens s’apprêtent à prendre des résolutions personnelles ou professionnelles pour la nouvelle année, le temps est venu de chercher à remédier aux difficultés de notre système.
Pendant des générations, notre système de santé a été une source de fierté. Malheureusement, nous ne pouvons plus en dire autant depuis un bon moment. Au cours des 20 dernières années, le personnel de la santé et la patientèle ont assisté à sa détérioration progressive.
Tous les gouvernements qui se succèdent, qu’importe le palier ou l’allégeance politique, promettent d’améliorer la situation, mais les résultats sont mitigés.
Les problèmes actuels ont mis des décennies à s’installer, mais la pandémie a poussé le système au-delà de son point de rupture : aujourd’hui, 6,5 millions de personnes n’ont pas de prestataire de soins primaires; les pénuries de personnel forcent des fermetures intermittentes de services d’urgence; et les temps d’attente pour les opérations et les tests diagnostiques demeurent inacceptables.
À juste titre, les Canadiennes et Canadiens s’inquiètent et perdent espoir. Les sondages réalisés au pays montrent régulièrement que les soins de santé restent une priorité absolue pour l’électorat, mais un sondage de l’AMC réalisé à l’été 2023 révèle que seulement 26 % des personnes répondantes considèrent que l’état du système de santé est excellent ou très bon. Seulement un quart a bon espoir que la situation s’améliorera au cours des prochaines années.
Toutefois, je suis encouragée par les progrès de la réforme des soins de santé qui contribueront à améliorer l’accès aux soins : les provinces explorent des modèles de soins en équipe et des efforts sont déployés pour attirer les médecins en milieu rural; plusieurs d’entre elles, dont la Colombie-Britannique, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse, ont amélioré leurs modèles de paiement pour les médecins de famille; le Registre des médecins de l’Atlantique a permis d’accroître la mobilité des médecins – un pas dans la bonne direction pour simplifier le processus de reconnaissance des permis d’exercice dans plusieurs provinces et territoires; plusieurs provinces adoptent des lois pour éliminer ou restreindre les attestations de maladie; et des millions de dollars ont été investis pour faciliter la reconnaissance et l’intégration des médecins formés à l’étranger.
Plus tôt cette année, le gouvernement fédéral a signé, avec l’ensemble des provinces et des territoires, des accords qui représentent le plus important investissement en santé depuis plus de vingt ans. Ces accords prévoient notamment des mesures de responsabilisation obligeant les provinces et les territoires à rendre compte des progrès accomplis en matière d’accès aux services de santé familiale, de santé mentale et de traitement de la toxicomanie; la réduction des retards de traitement; le renforcement des capacités des effectifs; et la modernisation du système de santé, notamment la progression des soins de santé numériques.
Depuis, une analyse menée par l’AMC a révélé que des provinces et territoires n’atteignent pas les cibles fondamentales établies dans ces accords, et que des informations clés sont absentes. À titre d’exemple, notons qu’à ce jour, aucune province ni aucun territoire n’est en passe d’atteindre ses cibles d’amélioration de l’accès aux soins primaires. De plus, aucun objectif n’a été fixé pour éliminer – ou même suivre – les fermetures de services d’urgence, alors que cette situation, auparavant inédite, semble être devenue courante au cours des trois derniers étés.
Il reste beaucoup à faire. Les mesures de responsabilisation annoncées l’an dernier sont une excellente nouvelle, mais les gouvernements doivent aller plus loin. Les Canadiennes et Canadiens méritent d’être informés sur les indicateurs clés du système de santé, le nombre de fermetures annuelles de services d’urgence et le pourcentage de travailleuses et travailleurs de la santé qui souffrent d’épuisement professionnel.
Ces données permettraient à tout le monde de mieux comprendre le fonctionnement du système de santé, d’en connaître les faiblesses et de savoir si les efforts des gouvernements portent leurs fruits.
Le Canada doit également nommer une administratrice ou un administrateur en chef de la responsabilisation en santé, dont le mandat serait de surveiller l’établissement d’ententes intergouvernementales en matière de santé et d’en faire rapport publiquement pour veiller à ce que toutes les parties respectent leurs engagements envers la population. Un mécanisme de responsabilisation permettrait de s’assurer que les fonds consacrés à la santé sont dépensés efficacement et que les gouvernements atteignent les résultats voulus. Nous espérons que les gouvernements s’engageront à renforcer et à renouveler les accords bilatéraux actuels pour que la population canadienne reçoive la pleine valeur de ses investissements en santé.
Malgré les dures réalités auxquelles notre système de santé est confronté, je reste optimiste en cette fin d’année. Nous avons fait d’importants progrès, et j’espère sincèrement que 2025 sera sous le signe de la transparence, de la responsabilisation et, surtout, de l’accessibilité à notre système de santé. La population canadienne le mérite.
La Dre Joss Reimer est médecin de santé publique à Winnipeg et présidente de l’Association médicale canadienne.
Ce commentaire a été publié par le Hill Times le 29 decembre 2024.