Lorsque je suis devenue présidente de l’Association médicale canadienne (AMC) l’an dernier, les fermetures de services d’urgence, les temps d’attente accablants et la crise des soins primaires, dans le cadre de laquelle 6,5 millions de Canadiens et Canadiennes avaient constamment de la difficulté à obtenir des soins, faisaient régulièrement les manchettes.
Si vous jetez un coup d’œil rapide aux actualités aujourd’hui, vous vous direz peut-être que nous en sommes encore à peu près au même point. En parcourant les gros titres avant d’écrire ce dernier commentaire en tant que présidente de l’AMC, j’ai vu des nouvelles des Prairies aux Maritimes qui témoignaient de longues attentes à l’urgence, d’un manque d’options de soins primaires en temps opportun et d’une « urgence d’agir » pour stabiliser le système de santé.
Il est parfois difficile de croire que les choses peuvent s’améliorer. Je suis médecin depuis plus de 30 ans, et ce désespoir, je l’ai moi aussi ressenti à l’occasion. Mais je viens de passer un an à la présidence de l’AMC, à rencontrer des médecins, des patients et patientes et des responsables des orientations politiques et à militer pour des améliorations aux systèmes de santé de tout le pays. J’en ai tiré un espoir que le changement est possible, et j’aimerais vous transmettre un peu de cet optimisme prudent.
Premièrement, durant la dernière année, chaque province et territoire a signé avec le gouvernement fédéral une entente de financement historique visant une réforme systémique : créer des solutions de soins en équipe, réduire le fardeau administratif des médecins et bien plus. Surtout, tous les premiers ministres se sont engagés à faire preuve de transparence et de responsabilisation pour garantir que les fonds entraîneront les retombées positives prévues.
Deuxièmement, après des mois à parcourir le pays en long et en large pour parler aux prestataires de soins de santé, à la patientèle et aux responsables des orientations politiques, l’AMC a maintenant la version préliminaire d’une politique moderne complète sur la combinaison optimale des soins publics et privés au Canada. Les recommandations provisoires de l’AMC visent à faire en sorte que toute expansion des soins de santé privés ne compromette pas l’accessibilité, l’équité ou la qualité des soins que la population attend de son système public.
Troisièmement, plus de 40 organisations de soins de santé représentant tous les échelons de la prestation de soins se sont rencontrées l’automne dernier pour discuter des besoins en ressources humaines à long terme du système de santé. Il n’a pas été simple d’obtenir un consensus sur les services dont nous aurons besoin dans les prochaines décennies, mais nous en sommes ressortis avec la certitude que le changement concret est à notre portée si nous travaillons ensemble, en abattant les cloisons traditionnelles. La mise en place d’Effectif de la santé Canada est une autre avancée pour une meilleure compréhension des enjeux liés aux effectifs de la santé du pays et la création de solutions d’avenir.
Quatrièmement, le Registre des médecins de l’Atlantique a été lancé pour permettre la mobilité des médecins entre les provinces de l’est, afin que les médecins de toute la région puissent mieux s’entraider et que l’accès aux soins s’en trouve amélioré. Il est encore trop tôt pour en connaître les retombées réelles, mais il est largement reconnu qu’il s’agit d’un pas dans la bonne direction et d’un exemple qui pourrait être étendu ou reproduit dans d’autres provinces et territoires.
Cinquièmement, j’ai trouvé un motif d’optimisme à la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques de 2023, à Dubaï, où 124 pays ont signé la Déclaration sur le climat et la santé, qui souligne le besoin urgent de confronter les liens entre les changements climatiques et la santé. Le lancement cette année de l’outil Communicating on climate change and health: Toolkit for health professionals de l’Organisation mondiale de la Santé est également une grande avancée en matière de climat, car il offre aux médecins l’information et les stratégies nécessaires pour sensibiliser la patientèle et militer pour une réforme des soins de santé liée au climat. S’il reste énormément de travail à accomplir pour combattre la crise climatique, la communauté médicale et la population canadienne en général ont de plus en plus conscience des effets des changements climatiques sur la santé humaine.
Sixièmement, alors que nous travaillons à améliorer le système de santé pour toutes et pour tous, l’AMC a continué son parcours de réconciliation dans le domaine des soins de santé en apprenant sur son passé et en écoutant les conseils des aînés et aînées, médecins et conseillers et conseillères autochtones sur la façon de progresser ensemble. Je suis reconnaissante de leur temps et de leur volonté de collaborer pour un avenir des soins de santé où personne n’est oublié.
Septièmement, l’AMC a participé activement aux conversations sur l’amélioration des services de santé numériques et de l’interopérabilité des données de santé, deux éléments clés pour bonifier les soins à la patientèle et combler les lacunes actuelles. L’échange de données sécurisées permettra à la patientèle d’accéder à ses propres données de santé, afin d’être actrice à part entière de son parcours de bien-être.
Bien des défis nous attendent. Mais si nous gardons le cap sur l’amélioration de l’accès aux soins – en particulier l’équité, la responsabilisation et la qualité –, nous pouvons bâtir un système de santé qui répond aux besoins de la population et soutient les prestataires de soins, un système de santé dont nous pourrons nous vanter.
Ensemble, nous pouvons construire un système de santé résilient, inclusif et prêt à surmonter les défis de l’avenir. J’ai encore cet espoir.
La Dre Kathleen Ross est médecin de famille à Coquitlam et à New Westminster, en Colombie-Britannique, et présidente sortante de l’Association médicale canadienne.
Cette lettre ouverte a initialement été publiée dans Canada Healthwatch le 6 septembre 2024.