Pourquoi y a-t-il au Canada des médecins qui ne pratiquent pas la médecine?
Le Canada connaît une grave pénurie de médecins, particulièrement en médecine familiale. Pourtant, des centaines de médecins qualifiés, qui ont été formés outre-mer, ne peuvent pas pratiquer. Voyons pourquoi!
Qu’entend-on par titulaires de diplômes internationaux en médecine (DIM)?
Les titulaires de DIM ou les médecins formés à l’étranger sont – le nom le dit – des médecins qui ont reçu leur formation médicale à l’extérieur du Canada. On parle autant des Canadiennes et Canadiens qui vont se former à l’étranger que des personnes nées et formées à l’étranger.
À quel point le Canada dépend-il des médecins formés à l’étranger, actuellement?
Le Canada dépend du recrutement de personnel médical et infirmier en provenance de l’étranger pour pallier la pénurie de main-d’œuvre dans le domaine de la santé. Selon l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), environ une ou un médecin sur trois au Canada a reçu sa formation à l’étranger. Ce nombre est légèrement plus élevé en médecine de famille que dans toute autre spécialité.
Comment la formation médicale à l’étranger est-elle reconnue au Canada?
Le parcours vers le droit d’exercice varie d’une province à l’autre, mais il y a quelques étapes générales – la première étant la réalisation d’une résidence après l’obtention du diplôme d’une faculté de médecine :
- Mis à part les diplômées et diplômés des facultés de médecine canadiennes et américaines, les médecins formés à l’étranger doivent passer l’examen de la Collaboration nationale en matière d’évaluation (CNE) et l’examen d’aptitude du Conseil médical du Canada (EACMC), partie I avant d’entamer une résidence au Canada.
- Si le diplôme de médecine provient d’un pays dont la langue n’est ni le français ni l’anglais, un test d’aptitude linguistique pourrait également être exigé pour l’obtention du permis d’exercice.
Les médecins qui détiennent déjà un permis d’un autre pays doivent également suivre les étapes suivantes :
- Si la personne n’est pas déjà résidente du Canada, elle devra tout d’abord immigrer en tant que médecin ayant reçu sa formation à l’étranger, généralement par Entrée express ou par le Programme des candidats des provinces.
- Une fois au Canada, elle devra faire vérifier ses renseignements par le Conseil médical du Canada. Dans certaines provinces, cela peut nécessiter la participation à un programme d’évaluation de la capacité à exercer.
- Selon les renseignements fournis et la spécialité, des tests ou des formations supplémentaires pourraient être nécessaires pour l’obtention du titre de Licencié du Conseil médical du Canada (LCMC).
Quels sont les obstacles systémiques que rencontrent les médecins ayant reçu leur formation à l’étranger?
Les médecins qui veulent pratiquer au Canada doivent être titulaires d’un diplôme de médecine d’une faculté autorisée qui figure dans le Répertoire mondial des écoles de médecine (en anglais). Toutefois, tous les pays ne sont pas traités de manière égale.
- Seuls les médecins ayant le droit de pratiquer la médecine familiale en Australie, en Irlande, au Royaume-Uni et aux États-Unis peuvent faire une demande de certification au Collège des médecins de famille sans avoir à passer d’examen.
- Les titulaires de DIM dans certaines spécialités peuvent être admissibles à l’examen du Collège royal des médecins et chirurgiens pour obtenir leur permis. Les territoires approuvés sont l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Hong Kong, Singapour, l’Afrique du Sud, la Suisse et le Royaume-Uni; les médecins ayant reçu leur formation aux États-Unis doivent suivre un parcours distinct.
- Les examens de la CNE et de l’EACMC, partie I n’ont lieu que quelques fois par année, ce qui signifie que plusieurs médecins en devenir doivent attendre des mois (voire des années, dans le cas où un examen doit être repris) et dépenser des milliers de dollars seulement pour commencer le processus d’obtention d’une place en résidence.
- Les titulaires de DIM du Canada doivent se battre pour un nombre très limité de postes de résidence (environ 10 % du total annuel).
- Dans de nombreuses provinces, les titulaires de DIM doivent signer un contrat de « service obligatoire », qui les oblige à travailler dans des communautés et des cliniques mal desservies pour un certain nombre d’années après leur résidence. Cette pratique limite la capacité de ces médecins à choisir où exercer au début de leur carrière. Cette obligation n’est pas imposée aux diplômées canadiennes et aux diplômés canadiens.
- En raison des coûts et des temps d’attente élevés pour la vérification des compétences, bon nombre de médecins formés à l’étranger trouvent du travail dans d’autres domaines.
- Selon les données des recensements de 2006 et de 2016 analysées par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) [en anglais], alors que le Canada a connu une augmentation importante du nombre de diplômées et diplômés en médecine durant cette période, le pourcentage des personnes travaillant dans le domaine médical, particulièrement celui des médecins venant d’ailleurs et ayant reçu leur diplôme à l’étranger, a quant à lui diminué.
- Selon RBC, les immigrantes et immigrants titulaires d’un diplôme en médecine sont, comparativement à leurs pairs non immigrants, six fois plus susceptibles de travailler dans un domaine non lié à leur formation, particulièrement si cette formation a été obtenue à l’extérieur du Canada.
Parlons solutions
Ce que disent les spécialistes.
- Comme plus de 6 millions (et le nombre ne cesse d’augmenter) de Canadiennes et de Canadiens n’ont pas accès aux soins primaires, il est clair que ce que nous faisons en ce moment ne fonctionne pas.
- C’est dû en partie au fait que nous ne possédons pas suffisamment de renseignements sur les besoins en matière de ressources ni sur les personnes les mieux placées pour fournir les soins. De meilleures données nous aideraient à mieux planifier les ressources nécessaires pour que les systèmes de santé puissent offrir les bons soins au bon endroit et au bon moment.
- La complexité de nos systèmes d’octroi de permis, actuellement gérés à l’échelle provinciale ou territoriale, rend les changements difficiles à effectuer. Le permis d’exercice pancanadien clarifierait les choses pour les médecins souhaitant immigrer au Canada et leur permettrait de mettre à profit leurs compétences n’importe où au pays.
Des changements sont en cours.
- En 2023, le gouvernement fédéral a annoncé de nouvelles mesures visant à raccourcir la période d’intégration des titulaires de DIM au système de santé canadien, notamment en octroyant des fonds au Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada pour des initiatives visant à rendre plus rapides les processus de placement des étudiantes et étudiants internationaux en médecine au Canada.
- En 2024, ACCES Employment (en anglais), un organisme sans but lucratif de Toronto qui aide les nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes à trouver un emploi, a lancé le programme Health English Language Pro, qui jumelle, dans une optique de mentorat, des médecins bénévoles du Canada et des médecins formés à l’étranger cherchant du travail dans le domaine de la santé.
Où avons-nous obtenu ces informations?
- Le rapport de l’OCDE sur les récentes tendances de la migration de la main-d’œuvre en santé (en anglais)
- Une étude de l’Université Simon-Fraser sur l’exclusion des médecins formés à l’étranger (en anglais)
- L’infographie de l’ICIS