L’ensemble des gouvernements ont reconnu que le système de santé canadien est en crise et que des fonds supplémentaires doivent être injectés de toute urgence, à la fois pour combler les lacunes immédiates dans les soins de santé et pour apporter des changements structurels à plus long terme.
Pour relever ces défis et assurer la viabilité du système, les gouvernements provinciaux et territoriaux et le gouvernement fédéral devront travailler ensemble à la mise en place de mesures de financement, de réformes et d’innovations en matière de santé.
Afin de déterminer quels secteurs des soins de santé les gouvernements jugent prioritaires, l’Association médicale canadienne (AMC) a commandé un rapport sans précédent sur les dépenses de santé dans les budgets du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires pour 2022-2023.
Les conclusions de ce rapport constituent un point de départ en vue d’une réforme de même qu’une incitation pour les dirigeants politiques à collaborer afin de stabiliser le système de santé et de transformer l’avenir des soins.
Ce rapport s’appuie sur les récents appels à l’action de l’AMC, qui estime que tous les ordres de gouvernement doivent collaborer pour remettre le système de santé du Canada sur pied; nous nous y reporterons largement dans le cadre du travail à venir auprès des responsables des orientations politiques sur ces questions urgentes.
Les conclusions
Défis communs
Les soins de santé demeurent une priorité pour tous les gouvernements du pays. Les provinces prévoient une augmentation moyenne de 4,4 % des dépenses de santé, comparativement à une augmentation moyenne de 0,9 % dans les autres secteurs. Le financement de la santé continue de représenter de 30 à 40 % des budgets totaux des provinces et des territoires.
Le fédéral, les provinces et les territoires s’entendent généralement sur ce qu’il faut financer :
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Soins de santé mentale
Toutes les provinces et le gouvernement fédéral ont consacré des sommes importantes à l’amélioration de l’accès aux soins de santé mentale, notamment par l’instauration de nouvelles installations et l’embauche de nouveaux employés. Le gouvernement fédéral et certaines provinces ont également ciblé des programmes de traitement de la toxicomanie.
Terre-Neuve-et-Labrador prévoit un investissement de 30 millions de dollars dans les soins de santé mentale, dont 16,3 millions pour la construction en cours d’un établissement pour adultes à St. John’s et d’une unité de soins de six lits à Happy Valley-Goose Bay.
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Augmentation de la capacité du système
Le gouvernement fédéral et de nombreuses provinces ont prévu des fonds pour l’embauche de professionnels de la santé, particulièrement dans les collectivités éloignées et mal desservies, où l’on souhaite augmenter les effectifs. Les budgets reflètent également les investissements dans la construction et la réparation d’infrastructures de soins de santé, initiative qui, pour certaines provinces, vise les services médicaux d’urgence.
Le Québec prévoit un investissement de 604 millions de dollars pour améliorer les conditions de travail et accroître le personnel hospitalier à temps plein, ce qui comprend notamment des augmentations salariales et des primes de maintien en poste.
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Soins aux aînés et soins continus
De nombreuses provinces s’engagent à mettre en place de nouvelles infrastructures et à injecter des fonds supplémentaires pour les services de soutien à domicile, afin que les aînés et les personnes handicapées puissent recevoir des soins appropriés à domicile.
Le budget de la Saskatchewan prévoit 17 millions de dollars pour les soins à domicile aux aînés, les vaccins contre la grippe et les services de soins continus.
Autres priorités communes en matière de financement des soins de santé
- Moderniser les établissements de santé pour augmenter la capacité
- Réduire les arriérés d’interventions chirurgicales et de diagnostics
- Investir dans les services d’urgence, notamment en augmentant les effectifs paramédicaux et en embauchant plus de personnel au service d’urgence
- Améliorer l’accès aux médicaments en soutenant les régimes d’assurance-médicaments
- Augmenter l’offre de soins virtuels afin d’améliorer l’accès aux soins primaires
Transferts canadiens en matière de santé
Bien que le financement de la santé – le poste budgétaire le plus important dans la plupart des cas – relève principalement des provinces et des territoires, ceux-ci reçoivent tout de même des fonds fédéraux.
Le Transfert canadien en matière de santé (TCS) est le principal moyen utilisé par le gouvernement fédéral pour financer les dépenses de santé des provinces et des territoires, mais il représente moins de 25 % de leurs budgets de santé.
Compte tenu des défis à long terme auxquels le système de santé est confronté, nous présentons dans notre rapport trois scénarios de financement en vue d’évaluer quelle part des dépenses de santé des provinces et territoires sera financée par le TCS au cours des 12 prochaines années.
Scénario no 1 – Le statu quo
Nous avons augmenté le TCS en fonction de la formule actuellement en place. L’analyse a révélé que la demande dépassera la croissance du TCS, ce qui entraînera une baisse constante de la part des coûts de santé des provinces et territoires couverts par le TCS à compter de 2026-2027.
Scénario no 2 – Le TCS à 35 % des dépenses des provinces et des territoires
Nous avons calculé de combien il faudrait augmenter le TCS pour couvrir 35 % des dépenses de santé des provinces et territoires (c’est le pourcentage demandé par les gouvernements provinciaux et territoriaux) et avons constaté qu’au cours de l’exercice 2023-2024, il faudrait augmenter le TCS de 75 % pour répondre à 35 % des besoins de financement. Cela correspond à une augmentation de 34 milliards de dollars du TCS.
Scénario no 3 – Une augmentation annuelle du TCS et un rajustement du montant de base
Nous avons rassemblé un certain nombre d’hypothèses. Tout d’abord, nous avons inclus un rajustement de base annuel de 4 milliards de dollars pour couvrir les coûts continus liés à la pandémie. Nous avons ensuite supposé que l’indexation annuelle du TCS revenait à 6 %. Enfin, étant donné que notre analyse a indiqué que les soins aux aînés constituent une priorité pour les provinces et les territoires, nous avons inclus le coût du transfert de certains soins à domicile qui sont actuellement assurés par des proches aidants au système de santé. Dans ce scénario, le financement moyen du TCS devrait augmenter d’environ 14 milliards de dollars par année et couvrirait près du quart des coûts de soins de santé des provinces et territoires d’ici la fin de nos prévisions.
De 2023-2024 à 2035-2036, on estime que les dépenses en soins de santé augmenteront en moyenne de 5,2 % par an, pour atteindre environ 409 milliards de dollars. Au cours de la même période, les revenus des gouvernements provinciaux et territoriaux n’augmenteront en moyenne que d’environ 3,3 % par an, soit bien moins rapidement.
Investir dans l’innovation
Malgré des dépenses de santé relativement élevées au Canada, l’accessibilité et l’obtention des soins en temps voulu sont inférieures à la moyenne des 38 pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Cela tend à indiquer que l’innovation est aussi essentielle que le financement pour créer un système de santé plus viable; plusieurs provinces et territoires investissent d’ailleurs dans de nouveaux programmes.
Promouvoir les soins virtuels
La Nouvelle-Écosse améliorera l’accessibilité aux soins virtuels pour ce qui est des médecins de famille et augmentera l’offre de services de soins virtuels en santé mentale et pour les services d’urgence.
Miser sur les soins en équipe
L’Île-du-Prince-Édouard met en œuvre un nouveau modèle de soins, les « foyers et quartiers médicaux ». Ce modèle suit une approche de prestation de soins en équipe pour les soins de santé primaires, avec des « foyers » et des « quartiers » composés de travailleurs et travailleuses de la santé spécialisés et généraux.
Centraliser l’accès aux spécialistes
Le Nouveau-Brunswick a annoncé un projet pilote en vue de simplifier l’accès aux spécialistes en orthopédie : les médecins de premier recours pourront diriger les patients vers des spécialistes, qui pourront alors choisir un spécialiste disponible dans leur zone ou attendre un chirurgien en particulier.
Mesurer ce qui compte
Le Québec, la Nouvelle-Écosse, la Colombie-Britannique et l’Ontario ont annoncé des mesures visant à améliorer l’accessibilité et l’utilité des données sur la santé des patients et des données épidémiologiques.
Ce qui ressort de ce rapport
Cette analyse montre que les provinces et les territoires ont de nombreuses priorités communes en matière de santé. Beaucoup investissent dans des solutions novatrices pour relever les défis à court et à long terme, mais il faudra des fonds fédéraux supplémentaires pour appuyer la réforme future des soins de santé.
Il faut mettre en place une approche pancanadienne concertée, où les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux s’engagent à collaborer pour relever les défis communs et veiller à ce que toute personne, où qu’elle vive au Canada, ait accès à un système de santé viable.