Association médicale canadienne

Le fardeau administratif est lié à l’augmentation du taux d’épuisement professionnel chez les médecins – et ce sont les prestataires de soins primaires qui en font les frais.

Ce fardeau représente un problème pour l’ensemble de la profession. Selon une étude de l’Association médicale canadienne (AMC), les omnipraticiens et omnipraticiennes sont considérablement plus susceptibles (61 %) de dire que le temps à la maison consacré aux dossiers médicaux électroniques (DME) est « excessif » ou « un peu long » par rapport à leurs collègues spécialistes (39 %).

En moyenne, les médecins consacrent plus de 10 heures par semaine aux tâches administratives, en dehors des heures de travail normales.

La Dre Chandi Chandrasena est médecin-hygiéniste en chef d’OntarioMD, un organisme qui soutient l’adoption et l’utilisation des DME et d’autres outils de santé numériques dans la province. Selon elle, en raison du fardeau administratif, certains médecins de famille ferment leur cabinet, et des étudiants et étudiantes en médecine jugent moins attrayante une future carrière en médecine familiale, qui autrefois était très valorisée.

Dans un système où sévit une pénurie de médecins de famille, c’est inquiétant. « Les médecins de famille qui suivent leur patientèle toute leur vie seront chose du passé, et nous en pâtirons tous », dit-elle.

Le coût de la charge administrative des médecins

Depuis toujours, la tenue de dossiers est indissociable du travail clinique. Ce qui a changé, selon la Dre Chandrasena, qui a exercé comme médecin de famille pendant 20 ans, c’est la bureaucratie qui s’y greffe : lourdeur du processus d’aiguillage, pléthore de formulaires imposés par de nombreuses sources – fédérales et provinciales – et une intégration lacunaire des DME, ce qui fait que l’on doit passer par de multiples portails pour accéder aux renseignements sur la patientèle.

Dans un sondage réalisé par le Collège des médecins de famille de l’Ontario, les médecins de famille ont déclaré devoir consacrer 19 heures par semaine aux tâches administratives.

Ce fardeau administratif contribue à la détérioration de la santé mentale des médecins, qui présentent un taux élevé d’épuisement professionnel, et doivent composer avec un risque d’usure de compassion et de profonde insatisfaction quant à leur carrière. Le Sondage national de l’AMC sur la santé des médecins de 2021 nous apprend que huit médecins en exercice et médecins résidents sur dix ont obtenu un faible score à l’indice d’épanouissement professionnel –, les omnipraticiens et les omnipraticiennes étant les moins susceptibles d’exprimer leur insatisfaction professionnelle par rapport à leurs pairs.

Les omnipraticiens et les omnipraticiennes sont nettement plus nombreux (61 %) à indiquer que le temps à la maison consacré aux dossiers médicaux électroniques (DME) est « excessif » ou « un peu long » par rapport aux médecins spécialistes (39 %).

« La plupart des médecins choisissent cette profession parce qu’ils recherchent à la fois le côté scientifique et le côté humain, soutient la Dre Kathleen Ross, présidente désignée de l’AMC et médecin de famille en Colombie-Britannique. Malheureusement, le fardeau administratif nuit à la qualité de la relation qu’entretiennent les médecins avec leurs patients et leurs patientes. »

En savoir plus sur les efforts de l’AMC pour réduire le fardeau administratif des médecins

Transformer les systèmes de santé pour accorder la priorité aux soins

« Il faut voir quels sont les documents réellement nécessaires à la pratique, dit-elle. Selon moi, il est possible d’en réduire la quantité, mais aussi de limiter le nombre de personnes à qui incombe la responsabilité de les produire. »

Elle évoque le cas de patients ou de patientes qui ont besoin de médicaments ou d’appareils qui ne sont généralement pas couverts par les régimes provinciaux d’assurance maladie. Par exemple, en Colombie-Britannique, seules les personnes autorisées à rédiger les ordonnances peuvent soumettre des demandes – les pharmaciens, entre autres professionnels, ne sont pas autorisés à le faire.

La question de l’intégration des nouvelles technologies doit également être étudiée minutieusement.

« Dans notre système, la médecine familiale représente la pierre angulaire des soins. Mais, elle est dévalorisée », estime la Dre Ross, qui explique que les innovations ciblent rarement, voire jamais, la charge de travail des médecins de famille.

Il faut impérativement faire en sorte que les médecins participent à l’élaboration et à l’approbation des nouveaux processus administratifs.

La Dre Nicole Stockley, médecin de famille, est directrice de la mobilisation externe du Collège des médecins de famille de Terre-Neuve-et-Labrador. L’un de ses principaux objectifs consiste à sensibiliser la classe politique à propos du fardeau administratif des médecins, et à suggérer des avenues pour l’alléger.

« La mobilisation des médecins est capitale, dit-elle. C’est en leur donnant les moyens de porter ce problème à l’avant-plan et de réaliser des changements systémiques que nous serons plus à même de remédier à la situation. »

D’ici là, elle pense que le recrutement de médecins de famille, en particulier dans les communautés rurales et isolées, demeurera difficile.

« Nous avons tous choisi la médecine pour être en relation avec les patients et les patientes. Ce qui vient entraver cette relation et nous empêcher d’exercer nos compétences interpersonnelles ternit la joie que nous tirons de notre travail au quotidien. »


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