Association médicale canadienne

helicopter pouring water on a wildfire

Des brasiers partout au pays, d’épaisses fumées et des évacuations de masse. Voilà à quoi ressemble désormais la saison des feux de forêt au Canada, qui monte en puissance à la fin du printemps et se prolonge jusqu’à l’automne. Dans certains cas, ces feux de forêt laissent derrière eux des « feux zombies » qui couvent sous la neige pendant les mois d’hiver.

Les répercussions sur les habitations et les habitats sont flagrantes. En 2023, année record, plus de 6500 incendies ont dévasté 18,5 millions d’hectares, de la Colombie-Britannique jusqu’à la Nouvelle-Écosse.

Mais les feux de forêt menacent aussi la santé et les systèmes de santé sur lesquels compte la population canadienne pour obtenir de l’aide. Un hiver anormalement sec et l’aggravation des conditions de sécheresse ont soulevé de sérieuses préoccupations quant à ce que nous réserve l’année à venir, mais aussi sur la question de savoir dans quelle mesure le système de santé est prêt à répondre à ce problème.

La Dre Courtney Howard, experte en santé planétaire, est urgentologue à Yellowknife, où 20 000 personnes – dont des patients et patientes de l’hôpital où elle travaille – ont été évacuées l’an dernier en raison de la progression des feux de forêt.

« Les changements climatiques ont des répercussions sur la santé de chaque patient et chaque patiente, ainsi que sur la nôtre et sur celle de nos proches. Pourtant, de façon générale, nous n’abordons pas cette question pendant nos études en médecine », dit-elle. « Nous ne sommes pas prêts. »

Les risques des feux de forêt pour la santé

Selon les données du plus récent Lancet Countdown sur la santé et les changements climatiques, de 2018 à 2022, la population canadienne moyenne a été exposée à un risque très élevé ou extrêmement élevé de feux de forêt pendant plus de deux jours, ce qui représente une hausse de 116 % par rapport à la période de référence historique. L’exposition à la fumée des feux de forêt a augmenté de 220 %.

Les feux de forêt entraînent notamment des déplacements de population, qui peuvent causer une grave détresse psychologique ainsi qu’un état de stress post-traumatique. On sait aussi que la fumée des feux de forêt entraîne une augmentation du taux d’exacerbation de l’asthme et de la maladie pulmonaire obstructive chronique, et qu’elle est de plus en plus associée à une augmentation des taux de cancer lors d’une exposition à long terme. En outre, des données émergentes montrent un impact sur la fonction cognitive et l’activité cérébrale.

En 2019-2020, au plus fort de la saison catastrophique des feux de brousse en Australie, surnommée l’été noir, les relevés de la qualité de l’air à Sydney équivalaient à fumer 37 cigarettes par jour. Des études ont démontré que l’exposition à la fumée des feux de forêt pendant la grossesse est associée à une incidence accrue de naissances prématurées et à une réduction du poids à la naissance.

La pollution de l’air peut même nuire à la santé respiratoire à des centaines de kilomètres de distance. La fumée des feux de forêt qui ont brûlé au Québec en 2023 est associée à une augmentation des visites liées à l’asthme dans les services d’urgence de New York.

« Tous les médecins doivent comprendre l’indice de la qualité de l’air et savoir comment conseiller leur patientèle lorsque l’air extérieur est pollué par la fumée », affirme la Dre Howard. Elle ajoute qu’il faut comprendre les options de dispositifs de filtration de l’air, savoir comment utiliser les masques N-95 et savoir quoi faire en cas de problèmes comme l’asthme. « Santé Canada fournit d’excellents documents pour aider les médecins à conseiller leurs patients et patientes. »

person standing in wildfire smog with a mask on

burnt trees after a wildfire

Comment les systèmes de soins de santé peuvent se préparer à la saison des feux de forêt

Il est également essentiel pour les hôpitaux et les autres établissements de soins de santé d’atténuer les risques liés aux feux de forêt.

Les établissements de soins de santé du Canada comptent parmi les plus anciennes infrastructures publiques en service : près de la moitié de ces infrastructures ont été construites il y a plus de 50 ans, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux phénomènes climatiques extrêmes.

« Pendant la saison des feux de forêt, beaucoup de salles d’opération ont dû fermer à cause de la fumée », explique la Dre Howard.

Les dommages aux régions environnantes constituent également une menace : l’accès à l’eau, à la nourriture, au carburant et aux fournitures médicales peut être compromis, ce qui fait qu’il est indispensable pour les hôpitaux de disposer d’un plan d’urgence.

Pourquoi nous devons immédiatement renforcer la résilience des systèmes de santé face aux changements climatiques

Les filtres à air ou les systèmes de filtration HEPA à haute efficacité pour les particules de l’air constituent l’une des sources de protection possibles. En 2008, les fumées des feux de forêt de la Californie ont englouti le Providence Holy Cross Medical Centre, ce qui menaçait non seulement les patients et patientes qui s’y trouvaient, mais également ceux et celles qui devaient être transférés depuis des hôpitaux voisins. Grâce au système de filtration HEPA acheté en préparation aux épidémies, l’établissement a pu demeurer ouvert.

Dans le cas d’un feu de forêt en progression, des plans d’évacuation fiables peuvent sauver des vies. En 2017, un autre feu de forêt en Californie a provoqué l’évacuation de l’établissement Kaiser Permanente Santa Rosa. Par conséquent, le personnel dispose maintenant d’une structure de commandement routinière et répétée pour faire face aux feux de forêt à tout moment. Des responsables de milieux hospitaliers recommandent de mettre en place un poste voué à la gestion des urgences et de commencer les procédures d’évacuation sans attendre les ordres d’évacuation.

Au Canada, la Dre Howard a contribué à l’élaboration de la Stratégie nationale d’adaptation du Canada. « Maintenant, nous devons rapidement mettre en œuvre cette stratégie afin d’orienter le travail en première ligne », dit-elle.

Bouleversements climatiques à l’échelle nationale

Pour s’attaquer aux répercussions plus générales des changements climatiques sur la santé, l’Association médicale canadienne (AMC) préconise la mise en place d’un système de santé carboneutre d’ici 2050.

Une partie de ce travail consiste à demander au gouvernement fédéral de mettre sur pied un secrétariat national sur les changements climatiques et leurs effets sur la santé afin de permettre une collaboration entre les provinces, les territoires et les peuples autochtones, lequel permettrait de faciliter et de coordonner la création de systèmes de santé durables, résilients aux changements climatiques et à faibles émissions de carbone. 

L’AMC a également signé la déclaration des institutions universitaires en santé sur la santé planétaire, un plan d’action qui place la résilience climatique et les soins carboneutres au cœur de la pratique médicale.

« Nous traitons les événements amplifiés par le climat comme s’ils étaient épisodiques, mais ce n’est pas le cas. Nous savons que la planète continuera de se réchauffer », indique la Dre Howard, qui est également membre du Conseil d’administration de l’AMC. « Les efforts visant à créer des systèmes de santé résilients et à assurer la santé de la planète pourraient vraiment changer la donne. »


Vous avez des questions ou des commentaires ?

Envoyez-nous un courriel.
Back to top