Association médicale canadienne

Certes, bien peu de gens aiment la paperasse. Dans le domaine de la santé, toutefois, les tâches administratives incessantes nuisent activement au bien-être des médecins et contribuent à la crise du système de soins.

Le dernier sondage sur le bien-être des médecins de l’Association médicale canadienne (AMC) montre que 60 % des personnes interrogées considèrent le fardeau administratif comme un facteur direct d’épuisement professionnel et de détérioration de la santé mentale.

Le fardeau administratif est le point culminant des inefficacités et des complexités du système, ainsi que du manque d’interopérabilité entre les divers programmes de gestion de dossiers. Ces obstacles nous font perdre du temps que nous pourrions passer avec la patientèle, sapent notre énergie et détournent notre attention des soins, qui sont pourtant la raison de notre choix de carrière en médecine.

Certaines tâches administratives seront toujours nécessaires. Les médecins doivent consigner les traitements prodigués et intégrer aux plans de soins les résultats des consultations cliniques et auprès des spécialistes.

Cela dit, un rapport de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) révèle que, des 48 millions d’heures passées par les médecins à effectuer du travail administratif, 38 % sont consacrées à des tâches inutiles. Pire, les formalités administratives peuvent retarder les soins et contribuer au préjudice moral et à l’épuisement professionnel chez les prestataires de soins.

Les dossiers médicaux électroniques (DME) sont un irritant majeur. J’ai pourtant été une adepte de la première heure, croyant que la technologie réduirait et simplifierait le travail. Au lieu de quoi, les DME ont fait exploser le dédoublement et la redondance des renseignements.

Un groupe de travail sur la gestion des dossiers hospitaliers en Ontario signale que les avis d’admissions, de congés et de transferts, les évaluations liées à la COVID-19 et autres documents de résultats de test se comptent par millions, année après année. Parallèlement, le manque d’interopérabilité entre les systèmes de DME continue d’obliger les médecins à chercher l’information qui se trouve à l’extérieur de leur autorité sanitaire ou de leur domaine de traitement, ce qui entraîne parfois des conséquences négatives directes sur les résultats pour la patientèle.

Pour s’y retrouver, les médecins sont obligés de réduire le temps passé avec leurs patients et patientes, ce qui érode l’accès aux soins, ou de poursuivre le travail à la maison.

Certains médecins, qui arrivent au bout du rouleau et qui sont fatigués de sacrifier leur vie personnelle, choisissent de réduire considérablement leur nombre d’heures de travail, ou quittent carrément la profession.

Près de la moitié des médecins interrogés par l’AMC se sont dits susceptibles ou très susceptibles de réduire leurs heures cliniques – ceux et celles qui vivent de la détresse psychologique étant, sans surprise, 1,4 fois plus nombreux à y songer.

La crise des soins de santé au Canada est pluridimensionnelle. La réforme du système prendra du temps, mais nous pouvons réduire dès aujourd’hui le nombre de tâches administratives inutiles et onéreuses qui nuisent au bien-être des médecins.

Ce travail est déjà entamé dans certaines provinces et certains territoires. En Nouvelle-Écosse, une loi interdit aux employeurs de réclamer des attestations de maladie depuis la publication d’un rapport indiquant qu’elles faisaient perdre aux médecins quelque 100 000 heures par année.

Le changement à l’échelle nationale est possible. Le groupe de travail sur l’allègement du fardeau administratif de l’AMC collabore avec les associations médicales régionales et des organisations partenaires pour cibler des améliorations potentielles et militer pour une réforme.

En partenariat avec Gestion financière MD et la Banque Scotia, l’AMC a aussi lancé le programme Subventions pour l’allègement administratif, un fonds de 10 millions de dollars destinés à des initiatives visant à réduire le fardeau administratif des médecins afin de favoriser leur bien-être. Les projets retenus seront annoncés au printemps.

Nous devenons médecins parce que nous voulons utiliser nos connaissances pour prendre soin des autres, pas pour crouler sous la paperasse. Personne ne devrait avoir l’impression qu’abandonner la profession est la seule issue! En reconnaissant les effets néfastes du fardeau administratif sur les médecins et les soins de santé, en ciblant des solutions et en collaborant afin de remédier aux problèmes, nous pouvons accroître l’efficacité du système et aider chaque médecin à prendre soin de soi et de sa patientèle.

La Dre Kathleen Ross, médecin de famille à Coquitlam et à New Westminster, en Colombie-Britannique, est présidente de l’Association médicale canadienne.

Ce commentaire a été publié dans le Hospital News le 1er janvier 2024.


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