Association médicale canadienne

On dirait qu'à toutes les importantes conférences sur la santé auxquelles j'assiste en ce moment, les médecins se préparent à l'apocalypse professionnel, à un monde où la technologie et l'intelligence artificielle rendront notre profession obsolète. Les discussions sous-entendent que les outils d'intelligence artificielle comme Watson feront un bien meilleur travail que les médecins pour poser des diagnostics et traiter les patients avec exactitude et efficacité. En fait, le rythme auquel les technologies de soins de santé sont développées est stupéfiant, et nous sommes en droit de nous demander si la capacité d'un médecin à correctement déterminer ce dont souffre un patient sera bientôt éclipsée par ces outils modernes. Mais qui a dit que le rôle des médecins se limitait aux diagnostics?

À titre d'étudiant en médecine, je repense souvent à la déclaration personnelle que j'ai écrite quand j'ai fait ma demande d'inscription à la faculté de médecine. Je trouve que c'est une façon utile de me rappeler pourquoi j'ai choisi cette profession en premier lieu. Dans ma déclaration, je cite un extrait de la version moderne du serment d'Hippocrate :

Je me souviens qu'il y a de l'art à la médecine ainsi que de la science, et que la chaleur, la sympathie et la compréhension peuvent l'emporter sur le scalpel du chirurgien ou de la pharmacie, du médicament.

Si nous réduisons notre rôle en tant que médecins à la seule science du diagnostic, je peux alors dire que l'apocalypse professionnel est déjà là.

Cette année, alors que je faisais mon stage d'externat en obstétrique et gynécologie, j'ai eu une patiente que nous appellerons Kate. J'ai suivi Kate pendant les six dernières semaines de sa grossesse, qui ont été assez difficiles. J'étais sur appel quand elle est venue à l'hôpital pour faire provoquer son accouchement parce que la date prévue de celui-ci était dépassée. Son regard s'est illuminé quand elle m'a vu. Elle s'est exclamée : « Je suis si contente que vous soyez ici. J'espérais que ce serait vous qui mettriez mon bébé au monde! » À ce moment, j'ai réalisé qu'elle me faisait confiance non pas pour mes excellentes compétences en diagnostic (qui n'étaient pas si excellentes), mais en raison du rapport que nous avions établi pendant le peu de temps où nous nous étions connus. C'était ma valeur. Watson ne pourrait jamais faire mieux que moi.

On peut me reprocher d'être un étudiant en médecine envieux et néophyte, mais je remets en question la notion selon laquelle le seul rôle du médecin est de poser des diagnostics. La relation médecin-patient est sacrée, et nous ne devons pas oublier que les humains sont des êtres sociables. Il y a un certain pouvoir à regarder dans les yeux avec assurance un patient à qui on a récemment diagnostiqué un cancer grave, mais traitable, et à l'assurer que tout va bien aller. Il n'y a pas d'équivalent à être la première personne à consoler les parents qui ont perdu leur seul enfant alors que vous venez de tout faire pour la sauver. Aucun ordinateur ne peut sentir que l'adolescent qui vient renouveler son ordonnance est victime d'intimidation à l'école et a besoin de votre soutien. De plus, les rôles du médecin dépassent de loin les quatre murs de l'hôpital ou de la clinique. Les médecins élaborent des politiques, ce sont des chercheurs et des éducateurs. Ils sont la voix de ceux qui ne peuvent pas parler et les défenseurs des oubliés.

Je suis très fier de représenter les médecins de demain — une génération dynamique d'étudiants en médecine qui n'a pas peur d'un système de santé modernisé. Les étudiants en médecine sont prêts à pratiquer l'art de la médecine tout comme la science. Les collègues avec qui j'interagis tous les jours comprennent leur rôle de « principaux consolateurs », de défenseurs de la santé et de leaders communautaires. En fait, nombre d'entre eux sont déjà en train de concevoir les applications, les logiciels et les autres technologies qui vont révolutionner le système de santé. Ils partagent mon optimisme. Ils auront toujours un rôle à jouer dans la société.

L'ère de la formule « voici votre diagnostic et au revoir » est révolue. L'ère du nouveau médecin ne fait que commencer. J'encourage tous les médecins, jeunes et moins jeunes, à se rallier à ce changement.

Henry Annan
Représentant des étudiants en médecine au Conseil d'administration de l'AMC


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