Association médicale canadienne

Si la vaste majorité des médecins choisissent d’exercer dans le réseau public, il est de plus en plus urgent d’évaluer l’adéquation de l’équilibre actuel entre les soins de santé publics et privés au Canada, à l’heure où les patients et patientes peinent à accéder aux soins en temps opportun, et où les travailleurs et travailleuses de la santé enregistrent des taux records d’épuisement professionnel. Afin d’éclairer les discussions sur la voie à suivre, voici un aperçu de l’évolution de la situation, des règles régissant actuellement l’exercice privé de la médecine, et des tendances observées dans différentes régions du pays.

Le début du système de santé public

Au Canada, les soins de santé étaient autrefois essentiellement prodigués et financés par le secteur privé, jusqu’à ce que Tommy Douglas et le gouvernement de la Saskatchewan mettent en place le premier régime universel de soins hospitaliers. Les lois provinciales et fédérales promulguées ensuite ont mené à la création du système d’assurance maladie que nous connaissons, puis à l’adoption de la Loi canadienne sur la santé de 1984, qui a rendu obligatoire la couverture universelle de tous les services de santé médicalement nécessaires fournis par les hôpitaux et les médecins.

Équilibre des soins de santé publics-privés

Les médecins exercent aujourd’hui surtout dans le réseau public. L’entente de Saskatoon de 1962 leur a toutefois permis de s’y soustraire. Ils peuvent d’ailleurs toujours le faire partout au pays, sauf en Ontario. 

Certaines provinces ont érigé des obstacles qui visent à restreindre l’exercice privé de la médecine. Par exemple, en Saskatchewan, le retrait du système public n’est autorisé que s’il ne compromet pas l’accès des patients et patientes aux services assurés. Au Québec, des dispositions de la loi provinciale sur la santé permettent au gouvernement de suspendre le droit de retrait des médecins, ou de les forcer à facturer les tarifs de la RAMQ afin que les patients et patientes puissent être remboursés par le régime public. Par ailleurs, la terminologie pour désigner le concept de retrait varie selon la province ou le territoire; on parlera donc notamment de « non-participation », de « non-adhésion », d’« exercice en dehors de la Loi » ou de « médecins non visés par l’entente ».

Pleins feux sur la pratique médicale privée au Québec

flag of Quebec

Au Québec, il y a plus de médecins qui ne participent pas au système public que dans toutes les autres provinces réunies. Sur la base d’entretiens avec des responsables de la santé et de données provinciales, le Globe and Mail a recensé plus de 600 médecins non participants au Québec, par rapport à 12 dans le reste du pays : neuf en Colombie-Britannique et trois en Alberta.

Cela s’explique notamment par le fait que le Québec est la seule province qui compte trois catégories de médecins :

Les médecins engagés, qui participent au système public

  • Les médecins sont inscrits au régime public d’assurance maladie et facturent leurs services directement au gouvernement.

Les médecins désengagés, qui se sont retirés du système public

  • Les médecins facturent leurs services directement à leur patientèle en suivant la grille tarifaire provinciale.
  • Les patients et patientes peuvent demander un remboursement par le régime public d’assurance maladie.

Les médecins non participants

  • Les médecins facturent leurs services directement à leur patientèle selon leur propre grille tarifaire.
  • Les patients et patientes ne peuvent pas demander de remboursement par le régime public d’assurance maladie.

Selon une enquête du Globe and Mail, le nombre de médecins non participants a doublé au Québec depuis dix ans.

Rémunération à l’acte : règles de pratique privée

La Loi canadienne sur la santé interdit la surfacturation et les frais modérateurs pour les services couverts par les régimes publics d’assurance maladie. Mais dans la pratique médicale privée, les règles peuvent varier en fonction de la région où les soins sont prodigués. Dans la plupart des provinces, les médecins désengagés ne sont pas tenus de respecter la grille tarifaire négociée avec le gouvernement et peuvent établir eux-mêmes leurs tarifs. Ce n’est toutefois pas le cas au Manitoba et en Nouvelle-Écosse, où tous les médecins rémunérés à l’acte doivent respecter la grille tarifaire provinciale.  

Qui paie pour les soins privés, lorsqu’ils coexistent avec un système public? Cela varie également d’une province à l’autre. Au Nouveau-Brunswick, par exemple, les patients et patientes qui optent délibérément pour des services privés renoncent à leur droit au remboursement par le régime public d’assurance maladie. De même, en Alberta, les patients et patientes qui reçoivent les services de médecins désengagés ne peuvent pas se les faire rembourser par le régime public d’assurance maladie. En Colombie-Britannique, lorsque ces médecins travaillent dans les hôpitaux et les établissements de soins communautaires, ils doivent respecter la grille tarifaire du régime public pour que les frais imposés à leurs patients et patientes puissent être remboursés.

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