Association médicale canadienne

La saison du rhume et de la grippe n’est peut-être pas la seule raison pour laquelle il vous est difficile de voir votre médecin de famille… si toutefois vous en avez un ou une. Il se pourrait en fait que votre médecin croule sous des montagnes de paperasse ou des procédures de facturation complexes, ou encore se batte avec un dossier médical électronique (DME) qui ne peut pas communiquer avec les autres DME.

Selon le rapport Les patients avant la paperasse de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), les médecins du Canada passent 18,5 millions d’heures chaque année à effectuer des tâches administratives inutiles, ce qui équivaut à environ 55 millions de consultations.

Le fardeau administratif qui pèse sur les prestataires de soins de santé – surtout les médecins – a atteint un niveau insoutenable qui met en jeu leur bien-être ainsi que les soins offerts à la patientèle dans un système de santé déjà à bout de ressources. Plus de six millions de Canadiens et de Canadiennes n’ont pas de prestataire de soins primaires attitré. On observe d’importants retards en chirurgie, et les services d’urgence débordent souvent, ce qui entraîne des temps d’attente démesurés. Nous devons trouver des moyens de simplifier et d’uniformiser les tâches administratives dans le système de santé.

Que ce soit en raison de la paperasse redondante et chronophage comme les attestations de maladie inutiles ou des problèmes causés par une myriade de technologies incapables de communiquer les unes avec les autres, la charge administrative des médecins a pris des proportions excessives. Elles et ils ont donc moins de temps et d’énergie à consacrer à leur patientèle ou doivent sacrifier du temps personnel ou en famille pour essayer de suivre le rythme de la demande. Pensons par exemple au Certificat du crédit d’impôt pour personne handicapée du gouvernement fédéral : en plus de faire plus de 15 pages, il ne peut pas être envoyé par courriel, et beaucoup de médecins jugent aussi ne pas être en mesure de fournir les renseignements requis pour leur patientèle.

Non seulement les lourdeurs administratives excessives entravent l’efficacité des soins de santé, mais elles contribuent aussi grandement à l’épuisement professionnel des médecins. Dans le dernier Sondage national sur la santé des médecins de l’Association médicale canadienne, 75 % des médecins ont indiqué que les tâches administratives inutiles nuisaient à leur satisfaction au travail, et près de 60 % ont dit que ces problèmes nuisaient directement à leur santé mentale.

Bien que la question du fardeau administratif demeure un enjeu majeur, la bonne nouvelle, selon le dernier rapport de la FCEI publié pendant sa Semaine de sensibilisation à la paperasserie annuelle, c’est que certains gouvernements travaillent à réduire la paperasse. La Nouvelle-Écosse a été la première province à mesurer ce fardeau accaparant les médecins et à instaurer des mesures qui leur auraient évité environ 200 000 heures de paperasse par année. Le Manitoba n’est pas trop loin derrière : on y a établi un groupe de travail mixte composé de personnes représentantes du gouvernement, de la FCEI et de Doctors Manitoba pour créer des gains d’efficacité et formuler des recommandations visant à réduire la charge administrative des médecins.

En fait, le dernier rapport de la FCEI montre que la plupart des provinces et territoires du Canada ont commencé à instaurer des initiatives pour mesurer ou réduire – ou les deux – le fardeau administratif, à l’exception de la Saskatchewan, des Territoires du Nord-Ouest, du Nunavut et du gouvernement fédéral. C’est encourageant, mais il ne faut pas s’arrêter là.

Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont tous promis d’améliorer l’accès aux soins. Un objectif de réduction de 10 % des tâches administratives inutiles pourrait redonner 1,9 million d’heures aux médecins, réduire la fatigue et l’épuisement professionnel, améliorer la qualité des soins et générer des économies de temps et d’argent.

La collaboration efficace des parties prenantes, des responsables des orientations politiques, des administrateurs et administratrices et de la patientèle est cruciale pour l’adoption de solutions concrètes. Simplification des processus administratifs, investissements dans des technologies d’automatisation des tâches courantes et normalisation des documents et formulaires : voilà des moyens de réduire de manière importante le fardeau des médecins et de leur permettre de faire ce qu’on attend de leur part, à savoir fournir des soins de grande qualité.

C’est l’heure pour les gouvernements du pays d’éliminer le fardeau administratif qui pèse sur les médecins. En mesurant l’ampleur de ce fardeau, en fixant des objectifs atteignables et en ciblant les principaux irritants, la prestation des soins de santé sera plus efficace. La santé et le bien-être des médecins et de la patientèle dépendent de notre capacité à démêler l’écheveau de la bureaucratie qui contraint notre système de santé. Les gouvernements doivent agir maintenant pour que les médecins soient en mesure de fournir les soins que la population canadienne mérite.

La Dre Kathleen Ross est médecin de famille à Coquitlam et à New Westminster, en Colombie-Britannique, et présidente de l’Association médicale canadienne. Dan Kelly est le président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante.

Cette lettre d'opinion a été publiée pour la première fois dans le Hill Times le 2 février 2024.
 

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