Association médicale canadienne

Ce mois-ci, les médias sociaux fourmilleront de publications célébrant la Journée internationale des femmes. Comme médecin, j’aimerais réfléchir à l’incidence négative que ces mêmes plateformes où l’on défend l’équité entre les genres ainsi que les droits et le pouvoir des femmes peuvent avoir sur la santé de ces dernières.

Un récent rapport d’Abacus commandé par l’Association médicale canadienne (AMC) a montré qu’une majorité de gens au Canada – hommes et femmes – choisissent maintenant de s’informer et de suivre l’actualité en ligne plutôt que par l’intermédiaire de la télévision ou de la radio. Toutefois, dans la population interrogée, les femmes étaient plus susceptibles que les hommes d’utiliser les médias sociaux, et bien plus portées à chercher en ligne des informations relatives à un problème de santé et à des symptômes (82 %) ou à des options thérapeutiques (75 %). 

Devant la complexité des enjeux liés à la santé des femmes, entre autres l’endométriose, le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) ou la ménopause, le besoin d’information est bien réel. Les symptômes des femmes sont plus souvent ignorés ou minimisés, ce qui perpétue la stigmatisation et la honte qu’elles ressentent. Et plus de 6,5 millions de personnes au Canada peinent encore à avoir accès à un médecin de famille, particulièrement dans les communautés rurales, éloignées et en quête d’équité.

Malheureusement, les algorithmes qui favorisent les clics et les mentions « J’aime » au détriment des données probantes compliquent toujours plus la distinction entre les ressources fiables et les fausses informations. Une étude menée en 2023 par l’université d’État de l’Ohio a passé en revue les 500 publications les plus populaires sur TikTok en lien avec le cancer gynécologique, qui combinées totalisaient 466 millions de vues. Globalement, le contenu était de piètre qualité, et au moins 73 % des informations diffusées étaient inexactes.

En tant que médecin de famille, j’ai pu personnellement constater chez les patientes enceintes et les nouveau-nés les ravages de la vaccination partielle ou absente. En matière de santé des femmes, la mésinformation au sujet du vaccin contre le virus du papillome humain (VPH) – l’un des deux seuls qui permettent de combattre le cancer – augmente la réticence à la vaccination et expose davantage de femmes au risque de contracter des maladies évitables, et parfois fatales.

De même, des avertissements erronés sur l’inutilité ou le danger des mammographies éloignent certaines femmes du dépistage régulier, ce qui peut retarder le diagnostic et assombrir le pronostic.

Les femmes interrogées pour l’étude de suivi annuel de l’AMC sur la santé et les médias ont rapporté les effets de la mésinformation sur leur santé :

  • Augmentation de l’anxiété ou de la détresse psychologique (45 %)
  • Hésitation à obtenir des soins ou des traitements médicaux appropriés (38 %)
  • Difficulté à discuter des problèmes de santé avec les fournisseurs de soins de santé (34 %)
  • Évitement des traitements efficaces (31 %)

C’est donc sans surprise que 67 % des répondantes ont qualifié la mésinformation au Canada de problème « majeur » ou « modéré », comparativement à 57 % des répondants.

Que faire à présent pour se mettre sur la bonne voie? Dans notre profession, nous sommes au premier rang de la lutte contre cette infodémie. Les médecins demeurent en effet une source fiable d’information en matière de santé – la meilleure, selon ce sondage. Nos efforts continus pour prendre le temps de donner l’information exacte à notre patientèle, favoriser le dialogue ouvert et répondre aux préoccupations individuelles des gens avec empathie et compréhension sont précieux.

Notre contribution ne représente cependant qu’une partie des vastes efforts nécessaires pour lutter contre la mésinformation au sujet de la santé des femmes. Il faut que tout le monde y mette du sien.

L’éducation aux médias, en particulier l’apprentissage de l’analyse critique et de la vérification des sources, donne aux femmes la capacité de prendre des décisions éclairées sur leur santé (article en anglais). Les gouvernements et organismes réglementaires, de même que les plateformes numériques, portent aussi la responsabilité d’encadrer le contenu en ligne, de mettre en avant les informations vérifiées et de demander des comptes à ceux qui génèrent de faux contenus.

Cette année, la campagne pour la Journée internationale des femmes nous appelle à #InspirerLinclusion et à bâtir ensemble un monde meilleur. En ce jour de reconnaissance, je vous invite à imaginer un univers numérique qui incarne véritablement cette vision – un univers qui donne aux personnes qui y évoluent les moyens de prendre les meilleures décisions pour leur santé avec confiance et conscience afin de vivre une vie saine.

Et à toutes les femmes qui prodiguent des soins de santé, aujourd’hui, je tiens à reconnaître votre travail et à vous remercier.
 

La Dre Kathleen Ross est médecin de famille à Coquitlam et à New Westminster, en Colombie-Britannique, et présidente de l’Association médicale canadienne.

Back to top