En 2015, Ted Quewezance prenait la parole à l’occasion de l’assemblée annuelle de l’Association médicale canadienne (AMC). Il s’agissait du premier survivant des pensionnats autochtones à se prononcer lors de ce rassemblement qui se tenait déjà depuis plus de 150 ans. Dans un discours qui en a ému beaucoup aux larmes (moi compris), Ted a parlé de la volonté des Autochtones de tendre la main aux médecins du Canada, espérant qu’ils accepteraient de collaborer avec eux. Il mentionnait aussi que le statu quo n’était pas une option pour les personnes qui souffraient des disparités inconcevables du système de santé. De nombreuses années plus tard, ces paroles ont toujours la même résonance.
En s’inspirant de travaux antérieurs sur la santé des Autochtones, l’AMC a annoncé cette année l’établissement d’un objectif axé sur la santé des Autochtones à intégrer à sa stratégie à long terme et à son travail de promotion des soins de santé. Cet objectif a été élaboré par un cercle d’orientation stratégique composé de leaders, de spécialistes et de gardiens et gardiennes du savoir des communautés des Premières Nations, inuites et métisses.
Comme dans tous les autres domaines des soins de santé, les objectifs ne peuvent être atteints que si la relation entre les partenaires repose sur la confiance et la bonne volonté. Aujourd’hui, nous reconnaissons officiellement que la confiance qui devrait régner entre les prestataires de soins de santé et la patientèle, les familles et les communautés autochtones continue d’être minée par le racisme, l’accès inéquitable aux soins et les préjudices causés par certaines personnes et certains établissements de nos systèmes de santé.
Pour qu’une réconciliation soit possible, il faut de la confiance. Dans cette optique, l’AMC reconnaît qu’une étape essentielle reste à franchir sur la voie de la réconciliation : des excuses officielles aux peuples autochtones, élaborées en fonction de notre passé commun et véridique, et axées sur les enjeux d’importance aux yeux des Autochtones.
Aujourd’hui, en tant que porte-parole nationale des médecins, l’AMC annonce le début de ce parcours et sa détermination à présenter des excuses pour les torts causés aux peuples autochtones.
La marche à suivre pour présenter ces excuses doit être étayée par un examen honnête de l’histoire de l’AMC et exigera de nombreuses conversations douloureuses et pénibles. Nous espérons que grâce à ce processus, l’AMC et la profession médicale pourront opérer la transformation nécessaire et se rapprocher d’une réconciliation.
L’histoire de la profession est aussi l’histoire du Canada. Cette histoire est notamment marquée par les effets dévastateurs des hôpitaux pour « Indiens », des expérimentations médicales forcées sur des Autochtones et des disparités liées aux investissements dans les infrastructures, mais aussi par le racisme systémique, la négligence et les mauvais traitements. C’est un « passé » qui demeure bien présent dans les expériences quotidiennes des peuples autochtones partout sur notre territoire commun.
Pour qu’elles soient significatives, ces excuses doivent se déployer au fil du temps et s’appuyer sur des moments cumulés vers l’atteinte de l’objectif final, soit de se redécouvrir mutuellement et de rétablir la confiance entre les prestataires de soins de santé et la patientèle, les familles et les communautés autochtones.
En tant que premier président autochtone de l’AMC, je demeure résolu à franchir ces prochaines étapes aux côtés de mon organisation afin d’en arriver à une issue positive. Nous nous engageons à présenter ces excuses officielles pour marquer une étape importante vers la réconciliation et pour créer, en collaboration avec les peuples autochtones, « un système de santé transformé qui est exempt de racisme et de discrimination, qui défend le droit des Autochtones à l’autodétermination, qui valorise, respecte et intègre les visions du monde, la médecine et les pratiques de guérison des Autochtones et qui offre aux membres des Premières Nations, aux Inuits et aux Métis un accès équitable à des services de santé qui tiennent compte de leurs réalités culturelles et de leurs traumatismes ».
Dr Alika Lafontaine
Président de l’Association médicale canadienne