Beaucoup d’encre a coulé au sujet de la réunion des premiers ministres qui s’est tenue à Ottawa le 7 février dernier. C’est vrai qu’il était plus que temps que le premier ministre Justin Trudeau s’assoie avec ses homologues des provinces et territoires pour discuter de l’ampleur des défis à surmonter dans les réseaux de la santé de tout le pays. En effet, le Québec est loin d’être la seule province aux prises avec de sérieux enjeux au sein de son système de santé. Évidemment, les discussions ont essentiellement porté sur le Transfert canadien en matière de santé et sur l’attribution de nouveaux fonds.
Au-delà du financement, il est impératif de revoir l’organisation du travail. Il faut aborder les problèmes en nous demandant ce qu’on peut faire maintenant pour optimiser le réseau avec les ressources déjà disponibles. La relance du réseau passe d’abord par sa stabilisation : c’est ainsi que l’on pourra s’assurer que les nouveaux fonds auront les effets escomptés et qu’ils seront véritablement créateurs de valeur pour les patientes et patients et pour les prestataires de soins de santé. La démotivation des effectifs provient souvent de la lourdeur bureaucratique, problème auquel on peut s’attaquer immédiatement.
Prenons l’exemple du fardeau administratif qui incombe aux médecins. La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) nous apprenait récemment que si l’on parvenait à réduire le temps consacré aux tâches administratives de 24 pour cent (ce qu’il constitue actuellement) à 10 pour cent, cela équivaudrait à l’ajout de 600 médecins de famille dans le réseau québécois. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante tire des conclusions similaires sur l’impact négatif de la lourdeur administrative partout au pays. Force est donc d’admettre qu’il y a une sous-optimisation des ressources dont nous disposons déjà, en l’occurrence, la main-d’œuvre. Évidemment, cela se répercute directement sur l’accès des patientes et des patients à la première ligne, amplifiant inutilement le recours aux salles d’urgence comme principal moyen d’accès aux soins.
Des solutions innovantes en termes d’organisation du travail sont également envisageables. Par exemple, le recours aux équipes multidisciplinaires, le team-based care, peut s’avérer un excellent moyen d’augmenter l’accès à la première ligne. Ce qui compte pour la patientèle est de voir un professionnel ou une professionnelle de la santé en temps opportun, une personne qui œuvre au sein d’une équipe capable de répondre à ses besoins.
Ce ne sont là que des exemples d’enjeux sur lesquels nous pouvons nous pencher dès aujourd’hui et qui ont un immense potentiel. Évidemment, de nombreux défis subsistent et le financement joue un rôle fondamental dans la mise en place de solutions. On pense notamment à la vétusté de certaines infrastructures hospitalières ou à la transition numérique, qui nécessiteront d’importantes injections de fonds.
Les provinces et territoires doivent maintenant signer des ententes bilatérales avec le fédéral pour obtenir des fonds supplémentaires. L’offre est sur la table. Chaque journée perdue à attendre est une journée de plus où le système se détériore. Les personnes que nous avons élues et qui nous dirigent doivent garder en tête que le but ultime de l’exercice est l’amélioration à long terme du système de santé. Les défis devant nous sont nombreux. Il n’y a plus de temps à perdre.
Jean-Joseph Condé, médecin de famille et membre du conseil d’administration de l’Association médicale canadienne
Cette lettre ouverte a initialement été publiée dans Profession Santé