Association médicale canadienne

Après un autre été marqué par la fermeture de services d’urgence, l’accroissement des retards en chirurgie et l’impossibilité pour des millions de Canadiens et Canadiennes d’accéder à des soins primaires en temps opportun, les ministres de la Santé du Canada se rencontreront à Charlottetown cette semaine pour discuter de l’avenir de notre système de santé.  

Si l’on ajoute à ces enjeux la croissance démographique et la crise du logement, la nécessité d’un changement systémique et d’un investissement dans de nouveaux modèles de soins, tels que la prestation de soins primaires en équipe, n’en devient que plus pressante. 

Malgré tous les vents contraires, j’ai espoir que la rencontre fera avancer les choses. Lorsque les premières ministres et les premiers ministres des provinces et territoires se sont réunis à Winnipeg en juillet, il était évident qu’ils comprenaient la gravité de la situation pour les prestataires de soins de santé et leurs patients et patientes. Ils ont adopté un ton collaboratif et constructif et se sont mis d’accord sur certains domaines clés à cibler, dont le soutien à de solides effectifs de la santé, la mobilité des prestataires de soins de santé et l’amélioration de l’accès aux soins primaires et aux ressources en santé mentale. La création du Registre des médecins de l’Atlantique, qui favorise la mobilité des médecins de l’est du Canada, est un exemple prometteur de la manière dont la collaboration peut améliorer l’accès aux soins. 

Nous savons également que du financement fédéral est en place : les provinces et territoires n’ont qu’à proposer des solutions aux problèmes rencontrés par les prestataires de soins de santé et les patients et patientes. Une analyse menée par l’AMC plus tôt cette année a conclu que le budget fédéral de 2023 prévoit le plus important investissement dans les soins de santé en plus de deux décennies.  

Il s’agit là de mesures encourageantes, mais il reste encore beaucoup à faire. Plusieurs mois se sont écoulés depuis l’établissement, entre la plupart des gouvernements provinciaux et territoriaux et le gouvernement fédéral, d’un accord de principe sur des ententes bilatérales en matière de soins de santé, selon lesquelles les provinces et les territoires doivent notamment créer des plans d’action pour accéder à une partie du financement. Les plans d’action sont plus nécessaires que jamais alors que l’accès aux soins est toujours aussi difficile. La rencontre des ministres de la Santé est l’occasion pour eux de présenter leurs plans et de commencer à réformer notre système de santé. 

La population canadienne a besoin de savoir que des changements concrets et positifs sont à venir. Les résultats d’un sondage mené en partenariat avec l’AMC en août 2023 montrent clairement que les Canadiennes et les Canadiens perdent espoir : seul un quart d’entre eux (25 %) disent croire que le système s’améliorera au cours des deux prochaines années.  

Ce désespoir n’est pas surprenant : plus de 6,5 millions de Canadiens et Canadiennes n’ont pas accès à un ou une prestataire de soins de façon régulière, et le tiers des personnes qui ont un ou une médecin de famille peinent à obtenir des rendez-vous en temps opportun. Elles doivent s’en remettre à des services d’urgence souvent surchargés et en manque de ressources, à des cliniques n’offrant que des services virtuels ou à des cliniques sans rendez-vous qui ne fournissent pas la continuité de soins que peuvent assurer un ou une médecin de famille ou une approche collaborative. Il n’est donc pas surprenant que plus de 80 % des répondants et répondantes au sondage pensent que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent accorder une plus grande priorité aux soins de santé.  

Les résultats du sondage indiquent également que les priorités des Canadiennes et des Canadiens sont l’accès aux services d’urgence en tout temps, des temps d’attente plus courts pour les chirurgies et des listes d’attente moins longues pour consulter un médecin de famille – des demandes tout à fait raisonnables. Les Canadiens et les Canadiennes s’attendent à avoir un système de santé qui est là pour eux, quand et où ils en ont besoin.  

Au Canada, nous nous entendons pour dire que le statu quo n’est pas une option. Le pire de la pandémie de COVID-19 est, nous l’espérons, derrière nous, mais celle-ci a permis aux patients et patientes de découvrir ce que les travailleurs et travailleuses de la santé savent depuis des décennies : notre système de santé a besoin d’être réformé de toute urgence. Des solutions novatrices telles que les services de soins virtuels se sont avérées essentielles pour maintenir l’accès aux soins dans certaines situations, et elles ont montré que le changement est possible.  

Et nous connaissons les solutions qui pourraient changer les choses. Nous devons accroître la mobilité des professionnels et professionnelles de la santé, développer les soins primaires collaboratifs interprofessionnels, créer des conditions de travail plus saines et plus sécuritaires pour les travailleurs et travailleuses de la santé, réduire le fardeau administratif de ceux-ci et élaborer une stratégie nationale en matière de données sur la santé et de ressources humaines pour répondre aux problèmes de recrutement, de déploiement, de maintien en poste et de formation des effectifs de la santé – et pour répondre aux besoins des patients et patientes d’aujourd’hui et de demain. La mise en œuvre de ces solutions peut transformer notre système, améliorer les conditions de travail des professionnels et professionnelles de la santé et faciliter l’accès aux soins pour les patients et patientes.  

Alors que les ministres de la Santé du Canada se réuniront cette semaine à l’Île-du-Prince-Édouard pour discuter de l’avenir de notre système de santé, je les exhorte à prendre des mesures audacieuses, à débloquer les fonds fédéraux supplémentaires et à entamer le travail difficile, mais ô combien nécessaire, de création d’un système plus efficace et plus équitable.  

La Dre Kathleen Ross est médecin de famille à Coquitlam et à New Westminster, en Colombie-Britannique, et présidente de l’Association médicale canadienne (AMC). 

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