Alors que plus de six millions de personnes à travers le pays n'ont pas de médecin de famille et que beaucoup de patients quittent les services d'urgence avant même d’avoir reçu des soins, je comprends qu’il est difficile d'être optimiste quant à l'avenir de notre système de santé.
Malgré les nombreux défis auxquels nous sommes tous confrontés, je demeure convaincu que nous pouvons remettre sur pied notre système pour en faire un système plus performant et accessible pour tous. Cela exigera nécessairement un travail soutenu et une coopération accrue de tous les acteurs du milieu, mais c’est possible!
D’ailleurs, en octobre dernier à Charlottetown, les ministres de la Santé de partout au pays se sont engagés à travailler ensemble à cette transformation si nécessaire de notre système de santé, notamment en accélérant la reconnaissance des compétences des professionnels de la santé formés à l'étranger et en améliorant la mobilité du personnel de santé. Ils ont également pris des engagements clairs en matière de partage de données et d’accessibilité aux soins en santé mentale.
La santé, au cœur de nos vies et de notre économie
En tant que médecin de famille, je suis à même de constater les barrières que rencontrent les patients en termes d’accès aux soins, compromettant leur santé. Je suis également très conscient de la pression que subissent les médecins qui n’ont pas la capacité de prendre davantage de patients sous leur responsabilité. Cette situation est insoutenable et nous nous devons de faire mieux.
À quelques jours de la mise à jour économique de la ministre des Finances Chrystia Freeland, un exercice qui généralement donne le ton aux priorités du gouvernement fédéral, je me doute que des thèmes urgents comme la hausse du coût de la vie et la crise du logement seront, à juste titre, au haut de la liste. Or, nous devons aussi nous rappeler que nous traversons toujours une crise des soins de santé partout au pays. Le système est toujours sous haute pression et à un cheveu de la rupture de services dans plusieurs régions du pays. Madame Freeland doit donc tenir compte de cette réalité vécue par toutes les provinces et territoires.
Les propositions de l’AMC
Pour transformer notre système de santé de façon durable, nous devons nous pencher sur divers aspects, y compris le financement, mais aussi la planification de la main d’œuvre, le partage de données et le bien-être des travailleurs de la santé. Déjà, le montant de 46,2 milliards de financement supplémentaire obtenu en début d’année est un bon pas en avant, mais ce n’est qu’une partie de la solution.
En ce qui concerne la planification de la main d’œuvre, l’AMC milite depuis longtemps en faveur de l’instauration d’un permis d’exercice médical pancanadien, qui faciliterait la mobilité des médecins à travers tout le pays. Lors de la récente réunion des ministres de la Santé du Canada de Charlottetown, ceux-ci se sont engagés à travailler ensemble sur ce projet, une nouvelle qui est la bienvenue par la communauté médicale.
Il faudra aussi travailler sur la réduction du fardeau administratif qui incombe aux professionnels de la première ligne. En ce moment, je passe l’équivalent d’une journée par semaine à remplir des formulaires, ce qui, vous l’imaginerez, ampute mon temps de consultation avec les patients. Tous les médecins au pays croulent sous la paperasse!
Finalement, la création de plus d’équipes multidisciplinaires me semble être un moyen efficace d’amé améliorer l’accès aux soins de première ligne. Le bon professionnel au bon moment est une formule à laquelle je crois particulièrement.
Un système juste pour tous et pensé pour l’avenir
Pour nous assurer de construire un réseau plus inclusif pour tous, nous devons reconnaitre les erreurs du passé, notamment auprès des peuples autochtones. C’est sous ce prisme que l’AMC conçoit l’avenir des soins de santé, car nous considérons que notre système de santé doit être exempt de discrimination et garantir les meilleurs soins à tous, peu importe leur origine.
Les enjeux climatiques sont aussi au cœur de la planification des soins du futur. Des investissements soutenus dans les infrastructures de santé sont essentiels pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ainsi que pour protéger la population de futures maladies respiratoires.
À l'heure où nous constatons un regain de coopération et d'intérêt de la part des gouvernements pour la réforme de notre système de santé, nous avons une occasion unique de développer des solutions et de contribuer à l'élaboration d'une réponse nationale. Nous devons maintenir la dynamique de collaboration et faire tout ce qui est en notre pouvoir pour restaurer la confiance des Canadiens dans leur système de santé. En travaillant ensemble et en mesurant les progrès réalisés dans les domaines prioritaires, nous pouvons construire un système de santé dont nous pourrons tous être fiers.
Dr Jean-Joseph Condé, porte-parole francophone de l’Association médicale canadienne
Cette lettre ouverte a initialement été publiée dans La Liberté