Association médicale canadienne

La population canadienne est profondément préoccupée par l’incapacité du système de santé à répondre à ses besoins. Difficulté d’accès aux soins, fermetures intermittentes des services d’urgence et retards qui s’accumulent en chirurgie : tous ces facteurs témoignent de la forte pression qui pèse sur le système et, dans ce contexte, les demandes de revue du financement et de la prestation des services de santé au Canada se font de plus en plus pressantes.

Dans un récent sondage mené par l’Institut Angus Reid en partenariat avec l’Association médicale canadienne (AMC), 68 % des personnes répondantes ont indiqué qu’elles croient que les soins de santé se sont dégradés dans les dix dernières années, une hausse par rapport à 42 % en 2015. Près de 70 % des personnes répondantes doutent que les choses vont s’améliorer dans les deux prochaines années.

Face à cette situation de crise, il est plus nécessaire que jamais d’écouter la patientèle et les prestataires de soins de santé, et de tenir compte de leur point de vue.

Tout le monde s’entend pour dire que l’accès aux soins doit être rétabli à différents égards et qu’injecter de l’argent dans un système dysfonctionnel n’est pas la solution; il faut que de réels changements structurels soient apportés.

À l’heure actuelle, la classe politique tente de rapiécer le système et de combler les lacunes. Pour améliorer le recrutement et la fidélisation des effectifs de la santé, le gouvernement de la Colombie Britannique a récemment offert un nouveau mode de rémunération aux médecins de famille en fonction de la complexité accrue des soins primaires. Les provinces de l’Atlantique et l’Ontario ont pris des mesures pour améliorer la mobilité des médecins. Plusieurs provinces permettent maintenant aux pharmaciens et pharmaciennes de prescrire des médicaments pour des maladies courantes. À ce jour, il n’y a toutefois pas d’approche coordonnée à l’échelle nationale qui tient compte de l’avis de la patientèle et des prestataires de soins de santé.

Certaines provinces proposent d’accroître le rôle des prestataires de soins de santé privés ou l’ont déjà fait afin d’élargir l’accès aux soins sans que la patientèle ait à payer plus cher. Nous voyons aussi de plus en plus de sociétés privées à but lucratif qui offrent des services dans toutes les régions du Canada.

On ne sait pas encore l’effet que cela aura sur notre système de santé public, depuis longtemps une source de fierté pour la population canadienne.

Les mots sont importants. Être informé est important.

Il est important d’établir clairement ce que nous entendons par « soins de santé privés ». Il y a d’une part les options privées à but lucratif qui peuvent éviter les files d’attente aux personnes plus fortunées; ce modèle est déjà en place dans certaines régions du pays. Puis il y a, d’autre part, les cliniques privées sans but lucratif mises sur pied pour rattraper les retards. Il est important de réfléchir à ces deux réalités et d’en discuter.

En fait, les systèmes de santé au Canada se maintiennent depuis longtemps par un équilibre subtil entre soins de santé publics et privés. De plus, les régimes publics d’assurance maladie, que beaucoup appellent simplement « soins de santé publics », ont toujours couvert uniquement certains services offerts dans certains milieux par certains prestataires de soins de santé.

Partout au pays, les soins de santé sont à la fois financés et fournis par l’État, financés par l’État et sous-traités à des prestataires de soins de santé privés, et payés par la patientèle et offerts par des prestataires de soins de santé privés.

Il y a de quoi s’y perdre, mais pour ce qui est du financement, retenons que les gouvernements ont payé 72 % de tous les soins de santé en 2022. Le reste a été payé par les patientes et les patients eux-mêmes (11 %), par l’entremise d’une assurance privée (15 %) ou par d’autres sources (2 %).

Il est temps de discuter.

Le recours aux soins de santé privés est un sujet de nature délicate, et beaucoup considèrent que cela est contraire aux valeurs canadiennes. Le sondage de l’Institut Angus Reid réalisé plus tôt cette année a révélé que 31 % des personnes répondantes croient qu’une augmentation des soins privés améliorerait les soins de santé, tandis que 44 % sont d’avis que cette mesure nuirait à l’accès. Le pourcentage de personnes « incertaines » a augmenté dans la dernière année. Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur cette question.

C’est une conversation complexe et nuancée à laquelle la population canadienne et les prestataires de soins de santé doivent prendre part, car les provinces et les territoires cherchent des solutions pour augmenter la capacité du système et continueront d’apporter des changements sans nécessairement leur demander leur avis.

C’est dans ce contexte que l’AMC lance une conversation nationale sur les soins de santé publics et privés au Canada. Cette initiative a deux objectifs : améliorer notre compréhension commune de la façon dont les soins sont offerts partout au Canada et contribuer à façonner l’avenir. Ne vous y méprenez pas : cette conversation sera difficile et tendue, comme le sont souvent les conversations importantes. Toutefois, nous ne pouvons tout simplement pas rester les bras croisés pendant que nos systèmes de santé continuent de se détériorer.

L’AMC croit fermement que la patientèle, partout au pays, mérite de recevoir des soins de santé de qualité en temps opportun, peu importe sa capacité de payer. Nous maintenons cette position même si le paysage des soins de santé et nos difficultés communes ont changé. Il est temps d’avoir une conversation franche sur l’avenir du système de santé avec la population canadienne. Nous sommes à l’écoute. Joignez-vous à nous, votre opinion compte!

La Dre Kathleen Ross, médecin de famille à Coquitlam et à New Westminster, en Colombie Britannique, est la nouvelle présidente de l’Association médicale canadienne.

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