Association médicale canadienne

Un secrétariat sur le climat et la santé pourrait élaborer une approche pancanadienne visant à réduire les effets sur la santé des changements climatiques et à créer un système de santé durable, à l’épreuve des changements climatiques et sobre en émissions de carbone.

À l’heure où les températures chutent au Canada et où la neige commence à tomber dans bon nombre de régions du pays, plus de 400 incendies de forêt brûlent toujours – vestiges d’un été marqué par un nouveau record du nombre d’hectares ravagés par les flammes. Et l’on peut s’attendre à ce que ce record soit fracassé de nouveau dans les années à venir, une « gracieuseté » des changements climatiques.

Le système de santé est un des plus importants employeurs au Canada, et l’heure est venue d’évaluer son empreinte carbone. Ce système court d’ailleurs de grands risques en raison des changements climatiques : en effet, près de la moitié de nos établissements de soins ont été construits il y a plus de 50 ans, ce qui exacerbe leur vulnérabilité. Les feux de forêt peuvent nuire à la ventilation des hôpitaux, augmenter l’achalandage en raison de problèmes de santé liés à la fumée et menacer les infrastructures hospitalières. Ils peuvent également entraîner une perturbation de la chaîne d’approvisionnement de ressources médicales essentielles. Il y a quelques mois à peine, l’hôpital territorial de Stanton a d’ailleurs fait l’objet d’une évacuation d’urgence. Cet établissement de 100 lits situé à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, dispose de ressources limitées – la patientèle et les prestataires de soins sont donc mal outillés pour faire face à ce type de défis environnementaux.

Il semble donc opportun que la COP28, conférence des Nations Unies sur les changements climatiques tenue cette année à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre, consacre pour la première fois de son histoire une journée entière à la santé, en mettant en lumière les liens étroits entre la santé et les changements climatiques.

Le système de santé canadien n’est pas qu’une victime des changements climatiques, qui entraînent une augmentation des hospitalisations et diverses menaces environnementales. Il est également l’un des principaux artisans du problème : on estime à 4,6 % sa contribution aux émissions de gaz à effet de serre à l’échelle nationale, soit plus que les secteurs du transport aérien et maritime combinés. Déchets médicaux, anesthésiques, chaîne d’approvisionnement titanesque – voilà autant d’éléments qui accentuent l’empreinte carbone du système. Si les soins de santé mondiaux étaient un pays, il s’agirait du cinquième plus grand émetteur de carbone au monde.

Le système de santé est censé améliorer la santé, et non contribuer à la détériorer. Il est essentiel que les gouvernements et les responsables des soins de santé le rendent plus écologique afin de réduire notre propre empreinte carbone. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre plus longtemps pour prendre des mesures audacieuses.

C’est pourquoi l’Association médicale canadienne recommande que le gouvernement fédéral crée un secrétariat sur les changements climatiques et leurs effets sur la santé. En agissant comme agent de liaison entre Environnement et Changement climatique Canada, Santé Canada, Infrastructure Canada et d’autres partenaires fédéraux, et en travaillant avec les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi qu’avec les gouvernements et partenaires autochtones, ce secrétariat pourrait élaborer une approche pancanadienne pour contrer les répercussions des changements climatiques sur la santé et créer un système de santé durable, à l’épreuve de ces changements et sobre en émissions de carbone. Cette approche comprendrait la mise en place d’une main-d’œuvre suffisante, elle aussi résiliente face aux changements climatiques; il faudrait donc que les capacités et la planification soient adéquates pour répondre aux urgences climatiques.

D’autres pays sont bien plus avancés que nous dans la réduction de l’empreinte écologique de leurs systèmes de santé. En 2020, le National Health Service (NHS) de l’Angleterre est devenu le premier service de santé au monde à s’engager à atteindre la carboneutralité. Au cours de la seule année qui a suivi, le NHS a déclaré avoir réduit ses émissions d’une quantité équivalant à l’alimentation électrique de 1,1 million de foyers par année.

Certes, l’Angleterre n’a qu’un seul service de santé, comparativement aux 13 ministères de la Santé provinciaux et territoriaux au Canada, mais le NHS est un bon exemple de la manière dont les initiatives d’atténuation des changements climatiques peuvent être couronnées de succès lorsqu’elles sont adéquatement financées, dotées en personnel, traduites en lois et mises en œuvre à l’échelle régionale. Grâce à une approche coordonnée, les gouvernements et partenaires pourraient faire du Canada un chef de file de la réduction de l’empreinte carbone des systèmes de santé.

Nous devons agir de toute urgence. Plus tôt ce mois-ci, Jerry DeMarco, commissaire fédéral à l’environnement et au développement durable, a indiqué que le gouvernement fédéral raterait sa cible de réduction des émissions de carbone pour 2030 d’au moins 40 % par rapport aux niveaux de 2005. Il a fait remarquer que le Canada est le seul pays du G7 à n’avoir réalisé aucune réduction d’émissions depuis 1990.

« La nécessité d’inverser la tendance en matière d’émissions de gaz à effet de serre au Canada est de plus en plus pressante, a déclaré M. DeMarco. Ce n’est pas la première fois que je tire la sonnette d’alarme et je continuerai à le faire jusqu’à ce que le Canada renverse la vapeur. »

Notre système de santé ne peut plus se permettre de faire partie du problème. Pour mettre en œuvre des solutions efficaces de dépollution, il nous faut de toute urgence des ressources et un plan solide de réduction des émissions provenant du domaine médical.

Le Canada ne peut pas résoudre seul le problème des changements climatiques. Mais nous pouvons toutes et tous mettre la main à la pâte et respecter nos engagements nationaux. La décarbonation de notre système de santé est l’un des moyens d’y parvenir. En travaillant sans relâche à la réduction des changements climatiques chez nous et en collaborant pour améliorer la situation à l’échelle mondiale, tout le monde contribue à notre objectif commun d’assurer la santé et la prospérité de la planète pour les générations futures. Nous pouvons montrer la voie avec le même sentiment d’urgence que lorsque nous tentons d’éteindre les incendies extrêmes qui ravagent désormais chaque année nos forêts.

La Dre Kathleen Ross, présidente de l’Association médicale canadienne, est médecin de famille à Coquitlam et à New Westminster, en Colombie-Britannique.

Cette lettre ouverte a initialement été publiée dans le Hill Times.

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