Le rapport souligne également l’exposition grandissante de la population canadienne aux feux de forêt
OTTAWA (Ontario), le 13 novembre 2019. – Selon le Compte rendu à l’intention du Canada publié parallèlement au plus récent rapport international du Lancet Countdown, le secteur canadien des soins de santé compte parmi les pires au monde en ce qui a trait à la pollution attribuable aux gaz à effet de serre et il doit déployer des efforts concertés pour tracer une nouvelle voie en accord avec sa mission qui consiste d’abord et avant tout à « ne pas nuire ».
Le Lancet Countdown sur la santé et les changements climatiques est une analyse annuelle exhaustive produite par 120 experts issus de 35 organisations, qui s’appuient sur des indicateurs clés pour rendre compte de l’évolution des répercussions des changements climatiques sur la santé humaine ainsi que des efforts déployés à l’échelle mondiale pour limiter ces répercussions. Les comptes rendus connexes fournissent des recommandations propres à chaque pays, où les experts des pays en question soulignent les secteurs où les dirigeants et les décideurs politiques devraient concentrer leurs efforts pour lutter efficacement contre les changements climatiques.
Au Canada, le Compte rendu du Lancet Countdown 2019 a été produit par une équipe d’experts et de chercheurs dirigée par la Dre Courtney Howard, chercheuse dans le domaine des feux de forêt, spécialiste reconnue des effets des changements climatiques sur la santé et urgentologue à Yellowknife. L’équipe comprenait également la Dre Margot Parkes, Mme Caren Rose, Ph. D., la Dre Andrea MacNeill et M. Chris Buse, Ph. D.
Le rapport publié aujourd’hui souligne quatre domaines clés où le Canada pourrait grandement contribuer à réduire les effets croissants des changements climatiques sur la santé :
Constatation no 1 : Le Canada figure au troisième rang mondial pour ce qui est des émissions de gaz à effet de serre par personne dans le secteur des soins de santé.
Recommandation : Concevoir une initiative durable fondée sur des données probantes et conçue pour diminuer l’empreinte du secteur de la santé, notamment en réduisant la production de déchets et les émissions de gaz à effet de serre avec pour objectif ultime de réduire les émissions des soins de santé à zéro d’ici 2050, afin d’assumer la juste part de responsabilité du secteur de la santé en vertu de l’Accord de Paris.
Constatation no 2 : Parmi les quelque 440 000 Canadiens évacués en raison de feux de forêt depuis les années 1980, plus de la moitié l’ont été dans la dernière décennie.
Recommandation : Intégrer les enseignements tirés des violents feux de forêt survenus récemment à un programme pancanadien d’intervention d’urgence rigoureux.
Constatation no 3 : Le secteur des transports du Canada continue d’être dominé par les combustibles fossiles, et on estime que la pollution atmosphérique attribuable aux fines particules générées par les transports a causé la mort de plus de 1 000 personnes au Canada en 2015. Le passage aux véhicules électriques et aux véhicules à biocarburants se fait trop lentement, rendant leurs avantages pour la santé de la population canadienne, les dépenses en soins de santé et la réduction des émissions de gaz à effet de serre largement sous-exploités.
Recommandation : Élaborer des mesures législatives provinciales et territoriales obligeant les constructeurs de véhicules automobiles à augmenter graduellement le pourcentage de ventes annuelles de nouveaux véhicules légers à zéro émission, pour atteindre un objectif de 100 % d’ici 2040.
Constatation no 4 : La santé des Canadiens – en particulier celle des populations autochtones, des habitants de régions aux ressources limitées et des générations futures – est de plus en plus à risque en raison du nombre grandissant de phénomènes attribuables aux changements climatiques : événements météorologiques graves, feux de forêt, progression des maladies infectieuses, etc.
Recommandation : Mettre la santé au cœur de l’élaboration des politiques climatiques dans l’ensemble des secteurs, notamment en veillant à ce que les engagements actualisés liés aux contributions déterminées au niveau national, qui doivent être présentés en 2020, représentent la juste part du Canada en matière de réduction des émissions d’après l’Accord de Paris.
En résumé, le rapport de 2019 du Lancet Countdown fait état des effets néfastes considérables qu’ont les changements climatiques sur la santé et expose les problèmes de santé attribuables à la hausse des températures auxquels seront confrontés au cours de leur vie les enfants nés aujourd’hui :
- Avec la hausse des températures, les jeunes enfants subiront les plus lourdes conséquences de la malnutrition et de la hausse du coût des aliments : à l’échelle mondiale, la moyenne du potentiel de rendement du maïs a chuté de 4 % au cours des 30 dernières années; cette diminution se chiffre à 6 % pour le blé d’hiver, à 3 % pour le soya et à 4 % pour le riz.
- Les enfants souffriront le plus de la progression des maladies infectieuses : 2018 a été la deuxième année la plus propice jamais enregistrée, sur le plan climatique, à la propagation des bactéries qui causent l’essentiel des maladies diarrhéiques et des infections de plaies à l’échelle mondiale.
- Lorsque ces enfants seront adolescents, les effets de la pollution atmosphérique auront empiré : les décès prématurés attribuables à la pollution atmosphérique (PM2,5) ont stagné à 2,9 millions de personnes dans le monde entier en 2016, le charbon ayant entraîné à lui seul plus de 440 000 décès seul. L’approvisionnement énergétique mondial total de charbon a augmenté de 1,7 % de 2016 à 2018, renversant ainsi la tendance à la baisse.
- Les événements météorologiques extrêmes s’intensifieront lorsque ces enfants seront adultes : sur 196 pays, 152 ont connu une augmentation du nombre de personnes exposées aux feux de forêt depuis la période de 2001 à 2004; en outre, 220 millions de personnes de plus de 65 ans supplémentaires ont également été exposées aux vagues de chaleur en 2018 par rapport à 2000, soit 63 millions de plus qu’en 2017.
- Nous pouvons changer le cours des choses : si nous bifurquons du scénario actuel d’émissions élevées pour emprunter la voie menant vers une diminution des émissions, conformément à l’objectif de l’Accord de Paris qui consiste à limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2 °C, nous permettrons aux enfants nés aujourd’hui de grandir dans un monde ne générant aucune émission d’ici leur 31e anniversaire et assurerons un avenir plus sain aux générations futures.
- Les auteurs souhaitent que les effets des changements climatiques sur la santé humaine soient au cœur des débats lors de la Conférence de l’ONU sur les changements climatiques (COP25) qui se tiendra le mois prochain.
Citations des auteurs canadiens :
En tant que travailleurs et travailleuses de la santé du Canada, nous avons trois responsabilités fondamentales : d’abord, nous devons nous préparer aux inévitables effets des changements climatiques sur la santé et les systèmes de santé, que ce soit en raison des feux de forêt, des inondations ou autre. Ensuite, il est temps d’admettre l’ampleur de la responsabilité du secteur de la santé dans les changements climatiques et de fournir notre part d’efforts pour réduire nos émissions. Enfin, nous devons unir nos forces et mettre en place des mesures de lutte contre les changements climatiques qui ciblent la santé en priorité et contribuent à décloisonner les efforts visant à nous assurer un avenir, à nous et à nos enfants, où nous serons en santé et en sécurité.
-Dre Courtney Howard, auteure principale, porte-parole canadienne sur le rapport international et urgentologue à Yellowknife
Le Canada a prouvé qu’il peut montrer la voie à suivre en établissant des objectifs clairs, comme il l’a fait pour l’élimination progressive des centrales au charbon en Ontario. Le secteur des soins de santé représente environ 4 % des émissions totales au pays. Il est temps d’établir un nouvel objectif et de réduire nos émissions à zéro d’ici 2050, comme l’exigent nos engagements à l’égard de l’Accord de Paris.
-Dre Andrea MacNeill, coauteure et spécialiste en chirurgie du cancer
À l’échelle mondiale, nous voyons les effets de la pollution atmosphérique sur les enfants. Le Canada doit non seulement redoubler d’efforts pour diminuer ses propres émissions de gaz à effet de serre, mais il doit aussi trouver des façons d’aider d’autres pays, en particulier ceux à faible et à moyen revenu, pour protéger la santé à l’échelle locale en mettant en place des mesures d’adaptation aux changements climatiques tout en contribuant aux efforts d’atténuation à l’échelle mondiale.
-Dre Margot Parkes, Ph. D., coauteure et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en santé, écosystèmes et société, UNBC
Le quart des nouveaux cas d’asthme chez les enfants de Toronto et plus d’un millier de décès par année au Canada sont associés à la pollution atmosphérique générée par les transports alimentés aux combustibles fossiles. Nous avons fait des progrès, surtout en Colombie-Britannique, mais il faudrait que les véhicules légers ne produisent plus du tout d’émissions d’ici 2040 pour inverser la tendance.
-Chris Buse, Ph. D., coauteur et chercheur
Le Canada se réchauffe beaucoup trop rapidement. La hausse de la température moyenne met en danger la santé de ses habitants. Le statu quo n’est plus une option viable. Nous devons tous contribuer à diminuer les émissions de gaz à effet de serre en augmentant l’utilisation des énergies propres, en augmentant les déplacements en transport en commun, à pied et à vélo et en adoptant un régime alimentaire riche en végétaux. Ces mesures sont susceptibles de produire des avantages concomitants. Tout le monde y gagne sur le plan de la santé : le Canada, mais aussi notre planète.
-Ian Culbert, directeur général de l’Association canadienne de santé publique
Les médecins du Canada sont les premiers témoins des effets dévastateurs des changements climatiques sur la santé. Nous traitons déjà les effets des feux de forêt comme des vagues de chaleur et des nouvelles maladies infectieuses. Il est temps de mettre en œuvre un plan exhaustif pour que le Canada atteigne ses objectifs de lutte contre les changements climatiques fixés à l’échelle internationale.
Dr Sandy Buchman, président de l’Association médicale Canadienne