Dernière mise à jour : le 12 janvier 2023
« Ne portez pas votre uniforme à l’extérieur du lieu de travail. »
C’est le message que recevait le personnel de la santé à l’hiver 2022, tandis que, durant plusieurs semaines, des manifestations contre les restrictions liées à la COVID-19 se déroulaient devant des cliniques et des hôpitaux.
Les travailleurs et travailleuses de la santé subissaient déjà de la violence en milieu de travail avant la pandémie. Mais les menaces se sont multipliées. En plus de devoir traverser une foule de contestataires en colère pour se rendre au travail, les médecins ont été la cible – à la fois en personne et en ligne – d’intimidation à caractère misogyne et raciste, de harcèlement, voire de menaces de mort.
Le Dr Don Klassen, médecin de famille dans une région rurale du Manitoba, a fait savoir au Winnipeg Free Press qu’il s’agissait du pire traitement du personnel de la santé qu’il ait vu en 40 ans de carrière : « C’est la première fois qu’on m’a dit que quelqu’un allait me mettre un pistolet sur la tempe. »
En novembre 2021, l’Association médicale canadienne (AMC), dans le cadre de son engagement à l’égard de la sécurité physique, psychologique et culturelle des médecins, a exigé une mesure législative fédérale de toute urgence afin de protéger les travailleurs et travailleuses contre l’intimidation et le harcèlement.
C’est ainsi qu’est né le projet de loi C-3, Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail.
Depuis l’entrée en vigueur du projet de loi C-3 le 16 janvier 2022, des accusations d’intimidation envers un ou une travailleuse de la santé ont déjà été portées. Mais puisque les témoignages de menaces, de harcèlement et d’injures au travail persistent, la sensibilisation et l’application de la loi demeurent extrêmement importantes.
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Nos objectifs prioritairesÀ quel point est-ce courant pour les médecins d’être victimes de harcèlement?
Le Sondage national de l’AMC sur la santé des médecins de 2021 a révélé que huit médecins sur dix – vous avez bien lu – ont subi de l’intimidation, du harcèlement ou des micro-agressions au travail à un moment ou un autre durant leur carrière.
Quatre médecins sur dix ont indiqué que cela se produisait « fréquemment » ou « souvent », les femmes étant considérablement plus susceptibles d’en être victimes au moins une fois par semaine.
Les médecins sont aussi sujets à ces comportements hors de leur milieu de travail. Dans un récent sondage publié par le JAMA Internal Medicine, près d’un quart des répondants et répondantes ont dit avoir été personnellement attaqués sur les médias sociaux en 2019. Ici aussi, un nombre disproportionné de femmes ont dit être victimes de harcèlement.
Les conséquences sont énormes pour toutes les victimes : les gens qui subissent un harcèlement constant ont dit ressentir une détresse émotionnelle et de la peur.
N’existait-il pas déjà des lois contre l’intimidation?
Les médecins sont protégés par les mêmes lois que le reste de la population, c’est-à-dire qu’ils peuvent signaler le harcèlement, l’intimidation et les menaces à la police. Plusieurs médecins ont toutefois réclamé une protection accrue. Comme l’a expliqué le Dr Naheed Dosani, médecin à Toronto, à la CBC :
« Quand nos gouvernements font des choix politiques contraires à ce que nous disent la science et le personnel de la santé, nous sommes vulnérables, sans protection, avec une cible dans le dos. C’est comme le Far West par ici – nous sommes tout seuls. »
Qu’est-ce que le projet de loi C-3 change pour les médecins?
Cette loi améliore la protection du personnel de la santé en vertu du Code criminel, notamment avec deux nouvelles infractions :
- Il est illégal d’avoir recours à la peur pour empêcher les travailleurs et travailleuses de la santé ou ceux et celles qui les aident de faire leur travail, ou pour empêcher une personne de recevoir des services de santé.
- Il est illégal d’empêcher quiconque d’accéder à un établissement de soins de santé.
Les personnes reconnues coupables de ces infractions pourraient faire face à une peine d’emprisonnement de dix ans. La mesure législative précise également que les infractions ciblant les travailleurs et travailleuses de la santé peuvent être utilisées comme facteurs aggravants au moment de la détermination de la peine.
De quelle autre manière peut-on protéger le personnel de la santé contre le harcèlement?
Les victimes d’agressions bénéficient d’un solide appui du public sur les médias sociaux. Quand le propriétaire d’un média de droite a offert une « prime de 5 000 $ » pour toute séquence vidéo montrant le Dr Dosani enfreignant les protocoles sur la COVID-19, Twitter a explosé de publications en appui au Dr Dosani.
Bien que certaines publications agressives aient été retirées, on demande aux sociétés comme Twitter d’en faire plus pour protéger les personnes qui portent le drapeau de la santé et offrent – gratuitement – des conseils essentiels aux utilisateurs et utilisatrices de ces plateformes. Le gouvernement fédéral s’est également engagé à mettre en place un cadre de réglementation transparent et responsable pour la sécurité en ligne au Canada.
Quelles sont les autres mesures prises par l’AMC pour promouvoir la sécurité physique, psychologique et culturelle des médecins?
L’AMC travaille à l’élaboration d’un cadre national de sécurité des médecins afin de leur offrir un meilleur accès aux services de soutien au bien-être physique, psychologique et culturel, de les inciter à utiliser ces services et de favoriser une plus grande responsabilisation à cet égard.
Notre objectif est d’offrir aux travailleurs et travailleuses de la santé de saines conditions de travail, de les soutenir autant sur le plan personnel que sur le plan professionnel et de créer une culture médicale qui favorise la diversité et l’inclusion.
L’AMC fournit également des ressources aux personnes et aux équipes par l’intermédiaire du Carrefour du bien-être des médecins, sans oublier la plateforme Connexion bien-être, un espace virtuel protégé accessible aux apprenants et apprenantes en médecine et aux médecins, où sont menées des discussions entre pairs dirigées par des animateurs et animatrices qualifiés sur des sujets allant des premiers soins psychologiques à la pleine conscience dans les pratiques parentales.