Il n’y a pas assez de médecins de famille pour tout le monde.
Au Canada, plus de 6,5 millions de personnes n’ont pas accès aux soins primaires de façon régulière, et le tiers des personnes qui ont un ou une médecin de famille ont de la difficulté à obtenir un rendez-vous.
Les médecins eux-mêmes vivent du surmenage, de l’épuisement professionnel et de l’insatisfaction au travail. Dans un sondage mené en mai 2023 par le Collège des médecins de famille de l’Ontario, 65 % des médecins ont mentionné leur intention de quitter la médecine familiale en cabinet ou de réduire leurs heures de travail au cours des cinq prochaines années.
En outre, l’intérêt pour la médecine familiale en tant que spécialité diminue simultanément. En juillet 2023, il y avait près de 1 000 postes vacants de médecins de famille un peu partout au pays.
Au-delà des chiffres, ces lacunes révèlent une constante évolution dans le secteur des soins primaires. Les problèmes de santé chroniques et complexes sont de plus en plus nombreux, tout comme les tests diagnostiques qui doivent être réalisés. Et bon nombre de procédures et de traitements ne sont plus offerts en milieu hospitalier, mais plutôt dans le secteur des soins communautaires.
La médecine familiale comprend maintenant l’orientation de la patientèle, la coordination interprofessionnelle et un fardeau administratif alourdi. Autrement dit, tout cela demande plus de temps.
« Le recrutement à lui seul ne permettra pas de régler le problème. Nous devons moderniser la prestation des soins primaires afin de refléter les besoins changeants de la patientèle et des prestataires de soins de santé. »
– Dre Kathleen Ross, présidente de l’AMC
Les équipes de soins primaires font partie de la solution.
Avec les ressources appropriées et une bonne organisation, les équipes de soins de santé multidisciplinaires permettent aux prestataires de se concentrer sur leur spécialité, ce qui a pour effet d’améliorer leur niveau de satisfaction au travail tout en donnant à un plus grand nombre de patients et patientes la possibilité d’accéder aux soins dont ils ont besoin, au moment où ils en ont besoin.
C’est pourquoi l’AMC exhorte les gouvernements à faire en sorte que la moitié de la population canadienne ait accès à des équipes de soins primaires d’ici cinq ans, puis 80 % d’ici dix ans.
Pour ce faire, il faut former et recruter plus de médecins de famille. En chiffres nets, l’objectif recommandé par l’AMC est de 7 500 nouveaux médecins de famille d’ici cinq ans, et de 15 000 d’ici dix ans.
Le nombre de prestataires de soins primaires autres que les médecins (infirmières et infirmiers autorisés, infirmières praticiennes et infirmiers praticiens, adjointes et adjoints au ou à la médecin, etc.) doit aussi augmenter en parallèle.
Mais, comme le dit la Dre Ross : « Il faut accélérer le processus. En tirant parti des compétences de chacun et chacune des membres de l’équipe de professionnel[le]s de la santé, nous avons la capacité collective de voir plus de patients et patientes et de nous assurer que ces personnes reçoivent des soins optimaux de la part des prestataires les plus en mesure de répondre à leurs besoins. »
Les soins en équipe au Canada
Les soins primaires en équipe prennent différentes formes et différents noms : les réseaux de soins primaires (Primary Care Networks) en Alberta, les équipes Santé familiale en Ontario et les groupes de médecine de famille au Québec. Chacun de ces groupes redéfinit la prestation des soins de santé. Par ailleurs, de plus en plus de provinces voient les soins en équipe comme un moyen viable d’élargir l’accès aux soins primaires.
Ce que ces différentes équipes de soins ont en commun, c’est une vaste gamme de services collaboratifs – qui comprend les soins virtuels et les demandes de consultation – offerts par des professionnels et professionnelles de disciplines variées. Les membres de l’équipe ne travaillent peut-être pas sous le même toit, mais les patients et patientes sont toujours vus par la personne ayant les compétences les plus appropriées, qui peut communiquer avec le ou la médecin au besoin.
À l’échelle nationale, le Collège des médecins de famille du Canada a présenté en 2011 un projet de centre de médecine de famille qui permettrait d’offrir des soins primaires continus, complets et accessibles axés sur la patientèle.
Dans son budget 2023-2024, le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard s’est engagé à investir 8,9 millions de dollars pour l’ajout de centres de médecine de famille partout dans la province et la création de 100 nouveaux emplois afin de répondre aux besoins des centres actuels et futurs.
En septembre, le Nouveau-Brunswick a annoncé qu’il se tournera vers des cliniques de soins collaboratifs – où plusieurs praticiens et praticiennes de la santé travaillent ensemble pour servir une vaste patientèle – afin de composer avec une population de plus en plus nombreuse et de remédier à la pénurie de prestataires de soins primaires.
Qui devrait faire partie des équipes de soins primaires?
Dans le cadre de la séance du Sommet de l’AMC sur la santé 2023 intitulée « Développer les modèles de prestation de soins en équipes », on a demandé aux participants et participantes qui devrait faire partie d’une équipe de soins primaires.
La plupart des professionnels et professionnelles de la santé ont convenu qu’il était impératif d’embaucher des personnes qui pourraient se charger de l’orientation des patients et patientes, des demandes de consultation, de la rédaction des ordonnances, de la prescription de tests et autres afin d’alléger leur fardeau administratif. Il a par ailleurs été mentionné que la composition des équipes devait dépendre de la patientèle. Par exemple, dans une population qui compte beaucoup de personnes âgées, il peut être nécessaire d’intégrer au sein de l’équipe une infirmière ou un infirmier ayant une expertise en gérontologie. Il faut également veiller à ce que les soins soient sécuritaires sur le plan culturel.
Les patients et patientes ont pour leur part indiqué qu’il était plus important d’améliorer l’accès aux soins et d’obtenir leurs renseignements médicaux rapidement – que ce soit en personne, au téléphone ou par voie électronique – que de savoir qui, au sein de l’équipe, allait prodiguer les soins.
La composition idéale d’une équipe de soins primaires selon les patients et patientes
La Dre Tara Kiran, médecin de famille et chercheuse basée à Toronto, dirige NosSoins, une initiative nationale axée sur les soins primaires. Dans une enquête de NosSoins menée auprès de 9 000 Canadiens et Canadiennes, 90 % des personnes répondantes ont indiqué qu’outre leur médecin de famille, elles accepteraient qu’un infirmier praticien ou une infirmière praticienne assure la plupart de leurs soins. Voici les autres membres que les personnes interrogées souhaiteraient avoir dans leur équipe de soins primaires :
Les avantages des équipes de soins primaires
Pour la patientèle
Tous les problèmes ne relèvent pas nécessairement des médecins de famille. D’autres professionnels et professionnelles de la santé ont les compétences nécessaires pour évaluer et traiter les patients et patientes et pour les mettre en lien avec des programmes communautaires, plus rapidement.
Puisque les gens qui sont pris en charge par des équipes de soins primaires sont vus par un large éventail de professionnels et professionnelles de la santé – dont, dans certains cas, des pharmaciens et pharmaciennes, des physiothérapeutes et même des podologues –, ils bénéficient souvent d’une meilleure continuité des soins.
« Les équipes de soins permettent d’offrir des soins sécuritaires. L’avenir du système de soins de santé dépend largement de notre capacité à instaurer cette culture axée sur la coopération et le soutien, où tout le monde, y compris les patients, les patientes et leur famille, peut prendre part aux décisions et s’exprimer librement. »
– Teri Price, patiente partenaire et directrice générale, Greg’s Wings Projects
Pour les prestataires de soins de santé
Les soins en équipe permettent à chaque membre de l’équipe d’exceller dans son champ d’exercice, en plus de faciliter des collaborations efficaces pour répondre aux besoins des patients et patientes. Par exemple, les médecins peuvent élaborer un plan de réadaptation avec un ou une physiothérapeute ou effectuer une revue des médicaments en consultation avec un pharmacien ou une pharmacienne de l’équipe. Les membres de l’équipe peuvent également se répartir la charge de patients et patientes, voire effectuer un remplacement lorsqu’une autre personne de l’équipe est malade ou qu’elle doit prendre congé.
Écouter le Balado Pensons santé : Les bienfaits des soins en équipe
Pour le système de santé
L’élargissement de la portée des soins primaires en équipe aurait pour effet d’améliorer la prévention et la prise en charge des maladies et d’atténuer de nombreux problèmes en aval, notamment la surpopulation dans les hôpitaux et la pression sur les services d’urgence.
Par exemple, la Dre Kiran a constaté que l’augmentation générale des consultations aux urgences en Ontario est moindre pour les personnes suivies par une équipe de santé familiale que pour les autres patients ou patientes.
Les équipes peuvent également renforcer les relations avec les médecins spécialistes et les groupes de soutien communautaire comme les conseillers ou conseillères en soins à domicile ou en santé mentale et en toxicomanie, en plus de favoriser la sécurité culturelle des soins.
Bref, les équipes de soins primaires peuvent aider les patients et patientes à accéder aux soins dont ils ont besoin, au moment où ils en ont besoin.
Parmi une série d’études sur les pratiques intégrant les principes des centres de médecine de famille examinées en 2017 :
Source : Patientsmedicalhome.ca/fr
Ce que fait l’AMC pour promouvoir les soins primaires en équipe
L’AMC fait des pressions pour développer davantage les soins primaires en équipe et élargir le soutien aux soins primaires à l’échelle nationale.
Les plus récentes ententes fédérales-provinciales sur la santé comprenaient des rapports d’étape obligatoires à l’aide d’indicateurs clés afin d’améliorer la reddition de comptes dans le secteur des soins de santé. L’AMC a exhorté les gouvernements à adopter d’autres cibles spécifiquement liées à la fois aux soins primaires et aux soins en équipes.
Ce travail s’appuie sur huit recommandations adressées à Ottawa dans le but d’atténuer la crise des effectifs de la santé, formulées en partenariat avec l’Association des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC) et le Collège des médecins de famille du Canada (CMFC). L’un des principaux appels à l’action s’appuie sur l’engagement du gouvernement fédéral à verser 3,2 milliards de dollars dans un fonds d’accès aux soins primaires afin de déployer à plus grande échelle le modèle des centres de médecine de famille. Ces recommandations conjointes ont également été soumises au Comité fédéral-provincial-territorial sur l’effectif en santé.
L’AMC continue de mobiliser les médecins, la patientèle et les responsables des orientations politiques relativement aux équipes de soins. Les commentaires sur les ateliers tenus lors du Sommet de l’AMC sur la santé 2023, par exemple, nous aideront à créer un cadre pour le développement des modèles de soins primaires en équipe.
Ce que vous pouvez faire pour nous aider
L’appui des médecins et du public est essentiel pour accroître la prestation de soins en équipes.