Association médicale canadienne

Au Canada, plus de 6,5 millions de personnes n’ont pas de médecin de famille attitré. Résultat : certains problèmes de santé ne sont pas diagnostiqués, ou le sont tardivement. Cette réalité peut aussi mettre la patientèle à risque face à un autre problème de santé croissant — la mésinformation.

Durant la pandémie, des mythes dangereux ont circulé en ligne, comme l’idée que boire de l’eau de Javel permettrait de guérir la COVID-19 ou que les vaccins n’étaient pas sécuritaires. L’information fausse ou inexacte (partagée par mégarde ou non) sur des sujets comme le dépistage du cancer du sein ou la rougeole est toujours répandue.

En tant que médecin de premier recours, je suis bien placée pour constater que l’accès aux soins primaires aide la patientèle à « filtrer le bruit ». Je peux sentir qu’il est angoissant pour une personne d’essayer de gérer des renseignements contradictoires, et j’ai vu que la confusion peut mener à l’inaction quand on se trouve en présence de problèmes de santé importants.

Les sources fiables d’information aident tout le monde à s’y retrouver dans la montagne de mésinformations en matière de santé qu’on retrouve en ligne. Selon le nouveau sondage de suivi annuel sur la santé et les médias de l’Association médicale canadienne (AMC), les médecins sont la source d’information à laquelle la population canadienne à la recherche de renseignements crédibles fait le plus confiance.

Les médecins en soins primaires sont particulièrement bien placés pour établir des relations individuelles à long terme avec leur patientèle et les membres de leur famille. Ils permettent aux gens d’exprimer leurs craintes et de prendre des décisions éclairées qui conviennent à leur situation. De plus, nous sommes le premier point de contact pour toute question relative à la santé dès la naissance, et il arrive souvent que nous servions de guide pour s’y retrouver dans le système de santé.

Nous avons constaté les retombées positives des sources fiables d’information au début des campagnes de vaccination contre la COVID-19. Les gens étaient beaucoup plus susceptibles de se faire vacciner s’ils pouvaient en discuter d’abord avec leur prestataire de soins primaires. Toutefois, au fil de la pandémie, le manque d’accès à des soins en personne s’est aggravé, et plusieurs se sont sentis seuls face à leurs décisions individuelles comme jamais auparavant.

La confiance et la [més]information en matière de santé au Canada

L’AMC a commandé à la firme Abacus Data un sondage effectué auprès de 2 500 adultes au pays (avec un suréchantillon des membres répondants de la génération Z) du 19 au 26 septembre 2023. Voici quelques points saillants :

81 % des personnes vivant au Canada font davantage confiance aux médecins qu’à toute autre personne pour leur fournir des renseignements crédibles sur la santé.

Plus de la moitié des personnes répondantes (54 %) accordent plus d’importance à l’expertise des gens qui communiquent l’information, qu’aux médiums utilisés pour la transmettre (comme les sites de nouvelles).

Près de la moitié des francophones (48 %) interrogés ont indiqué avoir souvent vu ou entendu des nouvelles sur la santé et le système de santé qui se sont finalement révélées fausses ou trompeuses.

C’est chez les membres des générations Y (64 %) et Z (62 %), qui utilisent davantage les médias sociaux, que l’expérience de la mésinformation est la plus fréquente.

72 % des Canadiens et Canadiennes estiment que la mésinformation en matière de santé est là pour de bon et que la situation ne fait que se détériorer.

40 % des personnes répondantes disent que la mésinformation sur les problèmes de santé alimente la détresse psychologique et l’anxiété


L’une des difficultés de la lutte contre la mésinformation, c’est l’effet négatif sur la relation médecin-patient.

Dans le sondage sur la santé et les médias de l’AMC, 40 % des personnes répondantes disent que la mésinformation sur les problèmes de santé alimente la détresse psychologique et l’anxiété; 38 % estiment que la mésinformation peut saper la confiance envers les médecins; et 31 % disent avoir de la difficulté à discuter de leurs problèmes de santé avec les prestataires de soins de santé.

En tant que prestataires de soins de santé, il est essentiel que nous répondions avec empathie et compassion lorsqu’une personne nous pose une question fondée sur de la mésinformation ou de la désinformation.

Ce qui est bien lorsqu’on est médecin de famille, c’est que nos conversations ne s’arrêtent pas là. Nous offrons un espace pour semer une graine, transmettons des renseignements factuels, dirigeons les patientes et patients vers des ressources fiables et les rencontrons à nouveau pour mener une discussion de suivi et ainsi optimiser les soins. La possibilité d’établir une communication bidirectionnelle autonomise la patientèle.

Nous pouvons et devons appuyer les sources d’information médicale de confiance, à partir desquelles la patientèle peut avoir accès à des ressources valides et fiables lorsqu’elle n’a pas accès à des soins primaires.

L’AMC soutient un réseau de porte-paroles et de spécialistes médicaux passionnés qui communiquent directement à la population canadienne des nouvelles et des renseignements crédibles sur le système de santé. De plus, en 2022, l’AMC s’est associée à La Presse canadienne pour renforcer le journalisme dans le domaine de la santé au pays en finançant la création de trois postes de journalistes sur une période de trois ans. L’AMC continuera également de mener des sondages de suivi annuels sur la santé et les médias.

Pour accroître l’accès aux soins primaires, l’AMC presse tous les ordres de gouvernement d’agir immédiatement, notamment en développant des modèles de prestation de soins en équipes.

Tout le monde mérite d’avoir accès à des renseignements fiables et fondés sur des données probantes en matière de santé. La présence d’un système de soins primaires robuste aide la patientèle à ignorer les fausses informations, à établir des liens de confiance avec les prestataires de soins de santé et, ultimement, à vivre en meilleure santé.

La Dre Kathleen Ross est médecin de famille à Coquitlam et à New Westminster, en Colombie-Britannique, et présidente de l’Association médicale canadienne.

Cette lettre d’opinion a été publiée initialement dans le site Web journalistique Healthy Debate.

Back to top