On demande sans cesse aux prestataires de soins de se surpasser, de maintenir la qualité des soins et de supporter le poids de la frustration des patients et patientes dans un système qui manque cruellement de personnel et de ressources. Mais les travailleurs et travailleuses de la santé sont aussi des êtres humains, et leur engagement se fait souvent au détriment de leur propre sécurité et de leur propre bien-être.
Les résultats du Sondage national de l’AMC sur la santé des médecins (SNSM) de 2021, une étude menée auprès de plus de 4 000 médecins et apprenants et apprenantes en médecine, ont révélé des taux élevés d’épuisement professionnel (53 %) et de dépression (48 %) ainsi qu’un faible score d’épanouissement professionnel (79 %). De plus, 8 personnes répondantes sur 10 ont été victimes d’intimidation ou de harcèlement dans leur lieu de travail ou de formation.
Les résultats négatifs en matière de bien-être étaient particulièrement répandus dans les groupes défavorisés tels que les femmes, les médecins résidents, les médecins exerçant en milieu rural ou en région éloignée et les médecins ayant un handicap.
L’impact de la pandémie est évident : celle-ci a fait élargir les failles déjà présentes dans le système de santé et augmenter les cas d’abus dans les établissements de soins. Mais une culture professionnelle réfractaire au changement et une charge de travail et des tâches administratives accrues pèsent également sur la sécurité physique, psychologique et culturelle des médecins.
Il peut également être difficile de parler de ses préoccupations en matière de bien-être et de sécurité. Un sondage mené en 2020 par la Faculté de médecine de l’Université de la Colombie-Britannique auprès de médecins de deux hôpitaux de Vancouver a révélé qu’au moins un quart d’entre eux étaient « très hésitants » ou « craintifs » à l’idée de parler de leurs problèmes.
« En fait, nous laissons le système en exiger toujours plus de nous, sans jamais vraiment nous demander : Comment pourrions-nous faire autrement? Est-ce que tout ce que je fais doit être fait par un ou une médecin? »
— Dre Jillian Horton, experte en santé et en bien-être des médecins
Compte tenu des efforts inégaux pour améliorer la sécurité des médecins actuellement – et du peu de responsabilisation à cet égard –, certains et certaines quittent carrément le système. Presque la moitié des personnes répondantes (49 %) au SNSM ont indiqué qu’elles envisageaient de réduire ou de modifier leurs heures de travail clinique au cours des deux prochaines années. Et elles étaient une sur cinq à dire dans le sondage de l’Université de la Colombie-Britannique qu’elles songeaient à quitter la profession ou qu’elles l’avaient déjà fait.
Un exode de professionnelles et professionnels formés aurait un effet dévastateur sur un système de santé déjà en difficulté. Outre le roulement, les conditions de travail dangereuses et le faible niveau de bien-être des médecins peuvent parfois se répercuter sur la pratique, augmentant le risque d’erreurs médicales, diminuant la productivité et réduisant la qualité globale des soins.
La santé des Canadiens et Canadiennes dépend des conditions de travail des effectifs de la santé.
« Lorsque nous voyons les personnes qui nous soignent visiblement épuisées et que nous entendons le son du pilote automatique dans leur voix, nous savons que leur capacité d’empathie et de partenariat sera diminuée. Nos prestataires de soins méritent un soutien systémique – tel qu’ils le définissent –, et je sais par expérience que cela augmente la qualité des soins – telle que les patients et patientes la définissent. »
— Jake Starratt-Farr, membre du groupe Voix des patients à l’AMC
Notre travail relatif à la sécurité des médecins
En tant que porte-parole de la profession, l’AMC jouit d’une position unique pour réunir les prestataires de soins de santé, les gouvernements et d’autres parties prenantes afin qu’ils acquièrent une compréhension commune des défis et des possibilités en matière de sécurité physique, psychologique et culturelle au sein de notre système de santé.
Cela commence par une compréhension approfondie de l’expérience vécue par les médecins.
Le SNSM de l’AMC – lancé en 2017 et mené tous les trois ou quatre ans – constitue une première étape cruciale. Notons que, sous l’angle de l’équité, le sondage examine certains sous-groupes à risque; les résultats obtenus aideront à orienter les recommandations de changements à l’échelle systémique, depuis les études de médecine jusqu’à la retraite.
Nous étudions également les approches à l’égard de la sécurité à l’intérieur et à l’extérieur du secteur de la santé.
« Depuis le début de la pandémie, l’AMC tire la sonnette d’alarme sur l’épuisement professionnel chez les médecins et d’autres travailleurs et travailleuses de la santé. Cet ensemble de données – le seul en son genre au Canada – souligne encore une fois la gravité de la situation des soins de santé au pays. »
— Dr Alika Lafontaine, président de l’AMC
Nos partenaires pour la sécurité des médecins
L’AMC rassemble les médecins, les patients et patientes, les responsables des orientations politiques et les leaders d’opinion pour renforcer la sécurité physique, psychologique et culturelle, tant au sein de la profession que dans l’ensemble du système de santé. Nous travaillerons également de concert avec les Premières Nations et les peuples inuits et métis, et nous nous engageons à collaborer avec les groupes de médecins autochtones afin que leurs voix et leurs intérêts soient pris en compte dans notre travail.
Quelles autres mesures l’AMC prend-elle pour favoriser la sécurité physique, psychologique et culturelle des travailleurs et travailleuses de la santé?
La violence et les abus contre les travailleurs et travailleuses de la santé existaient déjà avant la pandémie de COVID-19, mais leur escalade durant cette période a mis en évidence la nécessité d’une action rapide et décisive. À l’automne 2021, l’AMC a exigé une mesure législative fédérale de toute urgence afin de protéger les travailleurs et travailleuses de la santé, ce qui a abouti à l’adoption du projet de loi C-3, une modification au Code criminel faisant de l’intimidation d’un travailleur ou d’une travailleuse de la santé une infraction passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 10 ans. L’AMC continue de plaider pour l’application de la loi par les organismes concernés partout au pays.
En outre, l’AMC soutient activement les médecins par l’intermédiaire du Carrefour du bien-être des médecins, qui offre des ressources favorisant le changement à l’échelle individuelle et systémique, notamment en ce qui concerne l’épuisement professionnel, les menaces et le harcèlement ainsi que la manière de créer un environnement d’apprentissage sécuritaire.
Notre plateforme Connexion bien-être offre un espace virtuel protégé où les médecins et les apprenants et apprenantes en médecine peuvent discuter de leurs expériences et obtenir du soutien de leurs pairs dans le cadre de séances dirigées par des animateurs et animatrices qualifiés.
Qu’est-ce que les médecins peuvent faire pour aider
Pour construire un avenir meilleur, nous devons collaborer avec des médecins et des apprenants et apprenantes en médecine de tous âges et de toutes spécialités, peu importe où ils en sont dans leur carrière ou s’ils travaillent en milieu rural et éloigné ou dans les grandes villes.
Découvrez comment vous pouvez participer au travail de l’AMC.