Balado

D^re maman et la COVID-19 : le stress de la demande constante

24 février 2022 AMC

Les mères au travail ont subi un stress énorme tout au long de la pandémie, et les médecins n’y ont pas échappé. Une récente étude révèle que les mères médecins ont ressenti des niveaux d’anxiété et de dépression nettement plus élevés que les pères médecins, notamment parce qu’elles ont dû accomplir une part disproportionnée des tâches accrues liées à la garde des enfants et à l’école en ligne.

« Au début de la pandémie, j’ai pensé crouler sous la pression – j’avais tant à faire en tant que mère et médecin. Les femmes prennent souvent les décisions, grandes ou petites, pour leur famille, leurs patients et leur partenaire. Je pense parler au nom de beaucoup d’entre elles en disant que le poids de ces décisions a paru très lourd. » – D^re Rita Watterson, psychiatre

Dans cet épisode, la D^re Caroline Gérin Lajoie s’entretient avec deux mamans médecins, la D^re Rita Watterson, psychiatre à Calgary, et la D^re Shelley Zieroth, cardiologue à Winnipeg, à propos de la santé mentale et de la vie professionnelle en temps de pandémie. Elles réfléchissent sur comment la culture médicale pourrait les soutenir plus efficacement.

Veuillez noter que ce contenu est offert en anglais seulement.

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D^re maman et la COVID-19 : le stress de la demande constante

D^re Caroline Gérin-Lajoie : Bienvenue à la deuxième saison de Pensons santé, un balado sur le bien-être des médecins et la culture médicale. Je suis la D^re Caroline Gérin-Lajoie, votre animatrice. Il ne fait aucun doute que la pandémie a fait peser un stress énorme sur les travailleurs de la santé. Dans cette série de balados, nous avons déjà eu l’occasion de discuter avec différents interlocuteurs des répercussions de la COVID-19 sur la santé mentale des médecins. Il s’avère que, pour un groupe de médecins, les conséquences ont été particulièrement dures. Une récente étude publiée dans le JAMA Network Open révèle en effet que les mères médecins ont ressenti des niveaux d’anxiété et de dépression nettement supérieurs à ceux des pères médecins. De tels résultats s’expliquent notamment par le fait qu’elles accomplissent une part disproportionnée des soins aux enfants. Des 215 parents médecins en début de carrière interrogés, 25 % des femmes ont déclaré être les principales responsables des soins aux enfants et de leur l’éducation. Pour les hommes, ce pourcentage n’atteignait pas 1 %. Pire, dans les ménages qui comptent deux parents médecins, ce chiffre tombe à 0 % pour les hommes. Cette statistique a consterné Elena Frank, auteure de l’étude.

M^me Elena Frank : C’est ahurissant. Nous étions convaincus qu’une relation plus égalitaire existait maintenant entre les sexes, en particulier chez les jeunes. Il y a vraiment de quoi être sous le choc. Et je ne peux m’empêcher de constater que cela en dit long sur la culture médicale qui reste profondément patriarcale. La situation a très peu évolué en matière de politiques et sur le plan de la culture; il reste donc énormément à faire pour changer les choses – mais elles doivent changer.

D^re Caroline Gérin-Lajoie : Deux mères médecins se joignent à nous pour nous nous parler de leur réalité quotidienne : la D^re Rita Watterson, mère de deux enfants et psychiatre à Calgary, et la D^re Shelley Zieroth, mère occupée et cardiologue à Winnipeg, et présidente désignée de la Fédération des femmes médecins du Canada. Et je tiens à préciser que je suis moi-même psychiatre à Ottawa, mariée à un médecin urgentiste, mère de trois enfants, et belle-mère de deux autres. Bienvenue à vous deux.

D^re Shelley Zieroth : Merci de nous recevoir.

D^re Rita Watterson : Merci.

D^re Caroline Gérin-Lajoie : Comment avez-vous vécu les débuts de la pandémie en tant que mère? Commençons par vous, Shelley.

D^re Shelley Zieroth : Nous n’avions aucune idée de ce qui nous attendait, et selon moi, l’école en ligne a vraiment eu l’incidence la plus marquée. Je tiens absolument à dire que j’ai le plus grand respect pour le travail des enseignants. Ils m’ont fait découvrir un monde complètement nouveau. Je n’ai pas oublié la première tentative d’école en ligne, parce qu’elle n’a pas très bien fonctionné. Nous avons dû nous familiariser avec plusieurs applications et retenir les mots de passe. Comme ma fille était en deuxième année à ce moment-là, elle n’était pas très autonome et n’avait pas eu l’occasion de manipuler des écrans souvent. Deux années plus tard, tout a bien changé, elle est devenue une experte de l’école en ligne, et nous aussi, au rythme des vagues de la pandémie. Mais ce fut vraiment un énorme changement. À la même époque, j’ai vidé mon bureau personnel qui, en réalité, servait depuis huit ans d’espace d’entreposage, pour le transformer en véritable bureau à domicile. Pour ma fille, comme pour moi, je crois que toute cette période a été incroyablement difficile et stressante.

D^re Caroline Gérin-Lajoie : Et de votre côté, Rita?

D^re Rita Watterson : Le début de la pandémie a été particulièrement éprouvant pour notre famille. La crise a éclaté quelques semaines après la naissance de notre deuxième enfant, en 2020. Peu de temps après, ma mère est décédée. Puis, mon mari interniste a commencé à travailler dans les services COVID. Je pense que le cumul de ces événements, pour une seule personne, était… comment dire?, « particulier ». Cela dit, au cours de la pandémie, nous avons tous vécu tant de deuils et de chagrins, dont certains ont été particulièrement difficiles.

D^re Caroline Gérin-Lajoie : Quant à moi, je m’estime très chanceuse, car mes enfants ne vont pas encore à l’école; ils ont quatre et deux ans. À bien des égards, ils ont été « préservés ». Nous nous sommes débrouillés, parfois péniblement, avec eux toute la journée, à la maison.

D^re Rita Watterson : Oui.

D^re Caroline Gérin-Lajoie : Toutes mes condoléances, Rita. L’une des principales conclusions de l’étude du JAMA concerne les symptômes d’anxiété et de dépression nettement supérieurs ressentis par les mères médecins pendant la pandémie en comparaison avec les pères médecins. Selon vos constatations, l’incidence sur votre propre bien-être ou celui de vos consœurs reflète-t-elle cette conclusion?

D^re Shelley Zieroth : Je pense qu’une lourde partie du fardeau de cette pandémie est retombée sur les épaules des femmes dans le secteur de la santé en général. Elles étaient plus nombreuses en première ligne, en tant que médecins et infirmières, et assumaient une charge de travail plus élevée à la maison, comme l’étude l’a démontré. Ce qui s’est évidemment traduit par une augmentation de la dépression et de l’anxiété. Vous devez donc faire ce que vous pouvez pour prendre soin de votre propre bien-être et de votre santé, et demander de l’aide auprès de vos collègues et de vos pairs. Comme le dit le proverbe africain, et je le répète, il faut tout un village pour élever un enfant. Je me souviens de la peur bleue que je ressentais au début de la pandémie. Dans une famille de deux médecins, vous êtes nettement plus exposés que vos voisins.

D^re Shelley Zieroth : Eux, ils peuvent se terrer à la maison, alors que, nous, tous les jours, nous devons faire face à la COVID. Je me rappelle encore : poussés par la peur et l’anxiété, nous avons refait notre testament au début de la pandémie. Je suis convaincue que la plupart de mes voisins n’ont pas pensé à ça. Maintenant, ça va mieux, nous venons de rentrer de nos premières vacances depuis deux ans. Ça nous a vraiment aidés à nous « recentrer », ma famille et moi.

D^re Caroline Gérin-Lajoie : Rita, qu’en pensez-vous?

D^re Rita Watterson : Je ne suis pas surprise que les femmes aient souffert davantage de dépression et d’anxiété pendant la pandémie, particulièrement en médecine. On considère généralement qu’elles y sont plus sujettes à ce moment de leur vie. Sachant que la majeure partie des soins aux enfants et des décisions, petites ou grandes, prises pendant la pandémie incombe aux femmes, il est tout à fait normal qu’elles finissent par arriver « au bout du rouleau ». D’où leurs niveaux d’anxiété et de dépression plus élevés.

D^re Rita Watterson : Je travaille dans l’un des plus grands hôpitaux de Calgary où je suis principalement psychiatre auprès de patients hospitalisés. Dans mon service, un certain nombre de femmes psychiatres ont quitté le milieu hospitalier afin de se tourner vers la pratique ambulatoire pour diverses raisons : la contrainte d’être sur appel, les difficultés en Alberta au début de la pandémie avec le gouvernement. Les femmes ont réorienté leur pratique pour préserver leur santé mentale et celle de leur famille, et profiter ainsi d’une plus grande souplesse. J’ai trouvé ça intéressant.

D^re Caroline Gérin-Lajoie : Rita, votre mari est interniste. Shelley, le vôtre, est néphrologue, et le mien est urgentiste. Au début de ce balado, nous avons mentionné que, dans les familles où les deux parents sont médecins, aucun des pères n’a déclaré être le principal responsable des soins aux enfants. Un tel constat a conduit l’auteure de l’étude à conseiller aux jeunes étudiantes en médecine de ne pas épouser un autre médecin!

M^me Elena Frank : Il y a quelques mois, lors d’une réunion avec une étudiante en formation prémédicale, je me suis surprise à lui dire : « Quand tu seras à l’école de médecine, essaie d’éviter de te mettre en couple avec un autre médecin. » Je me suis sentie horriblement mal de lui avoir donné ce conseil, mais le fait est que, pour les femmes, ce sera plus facile pour leur carrière, leur vie et le maintien de leur équilibre si elles ne vivent pas avec un autre médecin. Ça ne devrait pas être comme ça, mais, pour le moment, ça semble être le cas.

D^re Caroline Gérin-Lajoie : L’une de vous a-t-elle reçu ce genre de conseil lorsqu’elle fréquentait son futur mari médecin? Pensez-vous que ce type de recommandation se justifie? Rita?

D^re Rita Watterson : Ça m’attriste beaucoup d’entendre ça! Personnellement, je me trouve très chanceuse; je suis heureuse de la voie sur laquelle nous nous sommes engagés, mon mari et moi. Mais je souscris à une grande partie de ce que je viens d’entendre. Je me remémore certaines des choses que nous avons vécues. Nous avons accordé la priorité à la carrière de Luke par rapport à la mienne à certains moments – ses stages postdoctoraux, son temps consacré au sein des unités d’enseignement médical (MTU) – c’est difficile de le nier. Ceci dit, je pense qu’il y a des moyens de surmonter les difficultés, tant sur le plan personnel que « structurel », afin de commencer à changer la dynamique et à recadrer nos objectifs.

D^re Caroline Gérin-Lajoie : Et pour vous, Shelley?

D^re Shelley Zieroth : Je ne ferais pas une telle déclaration en me fondant sur une seule étude. Par contre, je suis d’accord en ce qui concerne l’école en ligne, mon mari n’a aucune idée de la façon de se connecter à Google Classroom ou à Seesaw, pas plus qu’à toutes les autres applications. En deux ans, il ne l’a jamais fait. Je suis donc la pro de l’école virtuelle, mais il s’occupe beaucoup des enfants. Sur le plan « universitaire », je suis la plus occupée des deux; j’ai beaucoup de réunions et de conférences virtuelles sur Zoom et j’ai recommencé à voyager. J’estime donc que mon mari médecin m’a vraiment soutenue dans ma carrière. C’est lui qui emmène Taylor au hockey et à toutes les activités parascolaires. Nos rôles dans l’éducation des enfants sont répartis équitablement, en dépit de l’absence de processus structurels favorisant le partage des responsabilités parentales. Comme Rita l’a mentionné, il faudrait modifier beaucoup de politiques et procéder à de nombreux changements dans le milieu universitaire pour aider les familles dont les deux parents sont médecins. Ce serait une bonne chose de prévoir des congés de maladie pour les parents médecins.

D^re Shelley Zieroth : Ça vient tout juste de commencer avec la pandémie, mais tellement de changements pourraient réellement aider les couples de médecins. Je ne découragerais pas ce type d’union. Surtout en période de pandémie, je pense qu’il est vraiment important de pouvoir discuter avec quelqu’un qui a une idée de ce qu’on vit, au quotidien. J’ai toujours pensé qu’un mari médecin comprendrait mieux ma passion et mon dévouement pour la médecine. Alors, je suppose que nous nous disons, comme tous les couples, qu’en dépit des difficultés, il y a aussi de grands avantages et beaucoup de bonheur.

D^re Caroline Gérin-Lajoie : L’étude montre également que, dès la résidence, les décisions prises par les femmes en ce qui concerne leur carrière tiennent déjà compte de la conciliation maternité-médecine. Écoutez ceci.

M^me Elena Frank : Nous avons constaté que, six ans après la fin de la résidence, environ 70 % des femmes avaient déjà envisagé de travailler à temps partiel, ce qui n’était le cas pour presque aucun homme. On peut donc voir que ces énormes divergences, toutes liées à la dynamique de l’équilibre travail-famille, apparaissent très tôt.

D^re Caroline Gérin-Lajoie : Shelley, vous travaillez en cardiologie, une spécialité très exigeante. Dans quelle mesure la possibilité d’avoir des enfants a-t-elle influencé votre choix de spécialité?

D^re Shelley Zieroth : Pas du tout, car j’ai accouché plus tard – j’avais 40 ans. Une « grossesse gériatrique », m’a-t-on dit à l’époque, ce qui m’avait choquée. Mais j’ai donné priorité à ma profession, puis, à la fin de la trentaine, j’ai senti que je voulais aussi avoir une famille et je dois avouer qu’il m’a fallu quelques tentatives pour y arriver. Je constate que de plus en plus de jeunes femmes font des choix de carrière en vue d’une maternité à un stade plus précoce de leur vie active. Selon moi, ce phénomène contribue réellement à ce qu’on appelle une « mise à l’écart », autrement dit une sous-représentation des femmes, en particulier dans les sous-spécialités comme la cardiologie. Dans les écoles de médecine, l’effectif se compose de plus de 50 % d’étudiantes.

D^re Shelley Zieroth : En cardiologie, cette proportion est de seulement 22 %. Selon l’idée répandue, certaines de ces sous-spécialités attirent moins les femmes en raison de l’intensité de la charge de travail, des gardes sur appel, de certains aspects interventionnels de la cardiologie et de l’exposition aux rayonnements. On a lancé d’importantes campagnes avec diverses sociétés de cardiologie, en particulier à l’échelle nationale, afin d’attirer un plus grand nombre de femmes dans certaines spécialités comme la cardiologie. Quand on commence à envisager qu’on pourrait réussir dans ces spécialités, c’est plus difficile de choisir une autre carrière qu’on pense pouvoir trouver passionnante. Les choses bougent, j’en conviens, et la pandémie pourrait inciter les gens à reconsidérer leurs priorités. Franchement, si j’avais fait ma résidence pendant la pandémie, j’ignore si j’aurais pris les mêmes décisions.

D^re Caroline Gérin-Lajoie : Rita, comment les choses se passent-elles pour vous en psychiatrie?

D^re Shelley Zieroth : Je me sens très chanceuse, Caroline, d’avoir opté pour la psychiatrie en tant que choix de carrière. Je pense que ce choix a été bénéfique également pour mon couple. Ce domaine m’a offert un peu plus de souplesse que les autres spécialités pour concilier maternité et carrière. J’ai tout simplement été chanceuse et je trouve vraiment malheureux que des femmes qui s’orientent vers des spécialités comme la cardiologie ou la chirurgie se heurtent à d’aussi grandes difficultés.

D^re Shelley Zieroth : J’ai l’impression que la maternité est considérée comme un « inconvénient » alors que la paternité serait susceptible d’offrir un avantage. Lorsque les femmes prennent un congé de maternité ou du temps pour s’occuper des enfants, en tant que société, nous ne concevons pas cela comme un avantage; on perçoit l’avantage que cela représente pour elles de parvenir à gérer ces multiples responsabilités. Lorsque les hommes jouent leur rôle de père, c’est comme si on changeait de point de vue. On a plus tendance à considérer cela comme un avantage, ce qui explique les statistiques.

D^re Caroline Gérin-Lajoie : Dans son étude, madame Elena Frank parle de l’aspect encore profondément patriarcal de la culture médicale. À quels égards avez-vous observé des inégalités au cours de vos carrières? Rita?

D^re Rita Watterson : Je pense qu’en psychiatrie, on assiste probablement à une évolution vers l’égalité entre les sexes à bien des égards. La réalité décrite par mes consœurs d’autres spécialités et mes lectures sur le sujet ne cadrent pas dans la même mesure avec le vécu des femmes psychiatres. Cela ne veut pas dire que nous échappons complètement à cette réalité. Mes consœurs et moi prenons quotidiennement de petites décisions et tentons de ne pas oublier des choses comme la Journée internationale des infirmières, les cadeaux de Noël ou le départ d’un ou d’une collègue.

D^re Rita Watterson : Qui pense à préparer des cartes de vœux ou des cadeaux ou à souligner certains événements qui nécessitent des efforts d’organisation, l’envoi de courriels, etc.? Les femmes, surtout – on l’a vu récemment. De petites choses, certes, mais qui prennent du temps et qui nous retardent dans notre travail. Notre groupe de femmes psychiatres prend peu à peu conscience de ces différences et des petites obligations « en plus » qui nous incombent. Si l’on transpose la situation à l’échelle structurelle, on peut réfléchir à des conversations sérieuses que l’on pourrait avoir sur la manière d’infléchir cette dynamique.

D^re Caroline Gérin-Lajoie : Et vous, Shelley? Avez-vous pu constater les conséquences des inégalités pour les mères en cardiologie?

D^re Shelley Zieroth : Le fait d’être une femme ou une mère en cardiologie comporte selon moi des difficultés majeures. Pour un travail équivalent, nous ne gagnons pas le même salaire. En matière d’avancement professionnel, nous sommes plus rarement invitées à siéger à des comités de révision, par exemple. Le pourcentage de femmes occupant des postes de direction dans les milieux universitaires et au sein d’associations professionnelles n’est pas représentatif de leur participation dans ces milieux et associations, et les femmes sont également défavorisées en matière de promotion. Le nombre de femmes qui accèdent au titre de professeure de médecine reste extrêmement faible, ce qui est vraiment injuste. Des difficultés, il y en a partout, Caroline. Je pense qu’on a fait des efforts pour lancer des programmes favorisant l’équité, mais il reste beaucoup de pain sur la planche. Nous commençons tout juste à entrevoir des changements qui aideront les femmes à se tailler une place en médecine. Espérons que les tables rondes de l’AMC pourront influer sur les politiques et les procédures afin de permettre à un plus grand nombre de femmes d’accéder à des postes de direction en médecine.

D^re Caroline Gérin-Lajoie : Selon vous, Shelley, la pandémie a-t-elle aggravé la situation?

D^re Shelley Zieroth : D’après moi, la pandémie a apporté des avantages et des inconvénients en ce qui a trait à la situation des femmes en médecine et dans l’ensemble du milieu de travail. Il est maintenant beaucoup plus facile d’obtenir un horaire de travail flexible. En ce qui me concerne, on considère toujours que je travaille à la maison. Je ne reste pas chez moi pour m’occuper des enfants : je travaille de la maison. D’après moi, cet environnement virtuel autorise une flexibilité qui joue en faveur des femmes. Un autre aspect positif de la pandémie, c’est la réduction des déplacements pour les conférences. À une époque, je voyageais au moins une fois, voire deux fois par mois, au pays ou à l’étranger. Il est intéressant de noter que la Société européenne de cardiologie a récemment modifié sa politique pour favoriser les réunions virtuelles. Elle a publié un graphique impressionnant sur la réduction de notre empreinte carbone pendant la pandémie, en raison de la diminution des vols pour assister à toutes ces rencontres en personne. À l’heure actuelle, je ne pourrais pas me rendre physiquement à toutes les conférences inscrites à mon agenda. Je considère donc qu’il s’agit d’un aspect positif de la pandémie.

D^re Caroline Gérin-Lajoie : Qu’en pensez-vous Rita? La pandémie complique-t-elle encore plus la vie des mères médecins?

D^re Rita Watterson : En un mot, Caroline, oui. L’examen des données de cette étude démontre l’ampleur du fardeau qui pèse sur les femmes, ce que la pandémie a fait clairement ressortir de plusieurs manières. En cas de « pépin », ce sont souvent les femmes qui retroussent leurs manches pour s’occuper des enfants et de la maison. Tout comme Shelley, je pense que la pandémie a offert une certaine flexibilité dans l’espace familial, avec le travail à domicile, et j’espère que cela continuera à l’avenir. Mais la crise a aussi mis en évidence des inégalités. Quand nous en sortirons, je pense qu’il faudrait que nous nous occupions de les réduire.

D^re Caroline Gérin-Lajoie : Vous semblez toutes deux avoir une approche réaliste de l’équilibre entre vie professionnelle et éducation des enfants. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes ou même à vos propres filles, si elles vous demandaient s’il est vraiment possible d’être médecin et mère sans en arriver à l’épuisement professionnel? Rita?

D^re Rita Watterson : Je pense que mon mari et moi allons encourager nos filles, peu importe leur choix de carrière, qu’elles décident d’étudier en médecine ou même de se spécialiser. Nous utilisons des stratégies pour leur enseigner à défendre leurs droits dans un souci de respect d’autrui. Lors d’échanges difficiles sur des sujets qui me tiennent à cœur, à la maison ou au travail, j’essaie de parler pour calmer le jeu, ce qui revient à dire de nommer les émotions que je ressens pour mieux évaluer quoi faire avec elles. En d’autres mots, ce qu’on sait nommer, on peut le surmonter. Que ce soit un patient ou mon enfant qui éprouve de la colère, de la tristesse ou toute autre émotion, je trouve important, en tant que femme, de gérer la situation. Si nous ignorons ce qui se passe à l’intérieur de nous-mêmes et que nous sommes incapables d’extérioriser nos sentiments en apportant des changements positifs, nous ne serons pas en mesure de résoudre les problèmes.

D^re Caroline Gérin-Lajoie : Et vous, Shelley, quel conseil donneriez-vous?

D^re Shelley Zieroth : Dans ma famille, on travaille dur, mais le moment venu, on s’amuse ferme! Comme je l’ai mentionné, nous rentrons de nos premières vacances depuis deux ans – aucune présentation, aucun enregistrement, aucune revue. Nous avons beaucoup ri et nous nous sommes vraiment amusés. Pendant la pandémie, nous avons joué à des jeux et avons vraiment essayé de préserver notre équilibre. D’avoir vu ses deux parents traverser la pandémie n’a pas dissuadé ma fille de mener une carrière en médecine, du moins je ne crois pas. J’avoue être très impressionnée par les connaissances des jeunes de sa génération en matière de santé mentale et leur aisance à en parler. À tel point que, franchement, je me suis inspirée de certaines de ses façons de faire pour exprimer mes sentiments, mes émotions et mes peurs. Nous mettons régulièrement ses conseils en pratique.

D^re Caroline Gérin-Lajoie : C’est tout à fait vrai, nous apprenons beaucoup de nos enfants. Rita et Shelley, merci beaucoup de vous être jointes à nous aujourd’hui.

D^re Rita Watterson : Merci.

D^re Shelley Zieroth : Merci de nous avoir invitées.

D^re Caroline Gérin-Lajoie : La D^re Rita Watterson est psychiatre à Calgary et mère de deux jeunes enfants. La D^re Shelley Zieroth, mère de famille et cardiologue, à Winnipeg, est présidente désignée de la Fédération des femmes médecins du Canada. Pensons santé est produit par Podcraft Productions. Pour obtenir des ressources, des outils et des études en lien avec les sujets abordés aujourd’hui, rendez-vous sur le Carrefour du bien-être des médecins, sur le site amc.ca. Par ailleurs, nous aimerions connaître votre opinion sur notre balado. N’hésitez pas à laisser une évaluation ou un commentaire sur votre plateforme d’écoute préférée. Je suis la D^re Caroline Gérin-Lajoie. Merci de votre attention.

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